« La Corée du Nord est plus urgente »

North Korea is more urgent
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Warren M. Christopher a été secrétaire d’État états-unien lors du premier mandat de Bill Clinton (1993-1997).

[RESUME] Le président Bush doit en finir avec son obsession sur l’Irak. Les États-Unis doivent recentrer leur priorité sur la vraie menace pour eux : la Corée du Nord. Le fait que ce pays soit sur le point de posséder des armes nucléaires nécessite toute l’attention des dirigeants états-uniens, une concertation accrue, et des efforts diplomatiques en direction des pays voisins de Pyongyang.
Les États-Unis sont chroniquement incapables de gérer deux crises diplomatiques en même temps. Si Donald Rumsfeld a raison de dire que les États-Unis ont la capacité de mener militairement une guerre contre l’Irak et une autre contre la Corée du Nord en même temps, il surestime en revanche les capacités politiques de la gestion de ces deux guerres simultanées. Les problèmes posés par la Corée du Nord, ainsi que par le terrorisme, sont plus urgents que la menace irakienne, mais c’est pourtant cette crise qui mobilise l’énergie de Washington. Il est impératif que Bush prenne en compte l’ensemble de la situation mondiale avant de déclencher la guerre contre Bagdad.

« Armé pour l’Apocalypse »

Arming for Armageddon
Pravda (Russie)

[AUTEUR] John Stanton est écrivain, spécialisé sur les questions de sécurité états-uniennes et vit en Virginie.

[RESUME] En 2001, l’industrie d’armement états-unienne contrôlait 50 % du marché mondial et recevait, derrière l’agriculture états-unienne, la plus grosse part des subventions de l’État. Aujourd’hui, le Congrès et l’opinion publique américaine veulent apporter des limitations aux exportations d’armes et, en réaction, le complexe militaro-industriel développe un lobbying intense pour accroître les dépenses militaires intérieures, les subventions publiques et limiter ou supprimer les restrictions législatives à leurs ventes d’armes.
Leur argumentation se fonde sur le patriotisme de l’après 11 septembre, le libre marché et la création d’emploi. Pourtant, en guise de libre marché, l’industrie militaire reçoit de larges subventions de la part du gouvernement - 10 milliards de dollars par an - et crée en retour de nombreux emplois, non pas aux États-Unis, mais en Israël et en Turquie où sa production est largement délocalisée.
Dans le même temps, le complexe militaro-industriel a fourni des armes dans 39 des 42 zones de conflits dans le monde en 1999, provocant partout de terribles drames humains. À titre d’exemple, en 2002, l’exposition et la conférence SOFEX en Jordanie a vu les principales compagnies d’armement américaines exposer et vendre leurs produits devant des représentants irakiens, iraniens, lybiens, syriens et d’autres nations que le régime Bush veut détruire. Ce matériel pourrait donc potentiellement être utilisé contre les troupes américaines un jour prochain. Ces exportations n’entraînent le paiement d’aucune taxe pour les entreprises d’armement américaines, contrairement aux règles de l’OMC, et elles sont largement méconnues du public états-unien car une bonne part des activités les plus embarrassantes pour le complexe militaro-industriel sont désormais classifiées.
Le poids de ces industries sur la politique étrangère de Washington est énorme et la récente extension de l’OTAN en est symptomatique. En effet, grâce à des séminaires organisés par Lockheed Martin auprès des dirigeants des nouveaux pays membres, les nouveaux adhérents de l’alliance se sont engagés à augmenter considérablement leurs dépenses militaires au profit du complexe militaro-industriel états-unien.
Face au pouvoir de l’industrie d’armement américaine et à ses soutiens dans le gouvernement, rien ne devrait s’opposer à ce que ses profits battent des records en 2003.

[CONTEXTE] Le gouvernement Bush avait désigné en août 2002 Bruce Jackson pour superviser pour les États-Unis l’adhésion des nouveaux membres de l’OTAN. Cet ancien officier de renseignement militaire était alors vice président de Lockheed Martin, l’un des plus gros pourvoyeurs de matériel du Pentagone,
En décembre dernier, la Pologne, malgré ses faibles moyens budgétaires, s’est portée acquéreur de quarante-huit F16 états-unien pour son armée de l’air.

« Le dossier contre le guerre en Irak »

The case against war with Iraq
The Age (Australie)

[AUTEUR] Le Général Peter Gration a commandé l’Australian Defence Force pendant la Guerre du Golfe.

[RESUME] Il ne fait aucun doute que Saddam Hussein est un dictateur brutal et que le monde serait meilleur sans lui, pourtant il n’y a pas de raisons suffisantes de faire la guerre en Irak. C’est pourquoi l’Australie ne doit pas prendre part à une offensive contre Bagdad. En effet, une participation australienne en Irak équivaudrait à un soutien de notre pays à la politique américaine des frappes préventives qui déstabilisera l’ordre légal international.
L’argument de la menace des armes de destruction massive irakienne ne vaut rien. Les armes biologiques et bactériologiques ont une durée de vie courte, sont tactiquement difficiles à manier et il n’existe aucune raison pour que Bagdad les utilise, même si l’Irak en possède. De plus Saddam Hussein ne fournirait jamais de telles armes à des groupes terroristes. La fameuse menace que représente l’Irak n’est donc pas un argument crédible.
Une guerre aura en revanche des conséquences désastreuses sur l’économie mondiale, déstabilisera les régimes pro-occidentaux au Proche-Orient, développera la menace terroriste et fera des centaines de milliers de victimes dans les populations civiles en Irak.
De plus, l’Australie, si elle participait à la guerre en Irak, enfreindrait la Charte de l’ONU dont elle est signataire. C’est pourquoi notre pays ne doit participer à la guerre en Irak que si les preuves de non-coopération irakienne à son désarmement sont réellement indiscutables et si l’ONU ordonne des frappes.

« Le terrorisme récompensé »

Rewarding terrorism
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEURS] Gary Bauer est président d’American Values, une organisation visant à soutenir et rassembler des fonds pour les candidats de la droite chrétienne états-unienne, et ancien conseiller aux affaires intérieures du président Ronald Reagan. Morton A. Klein est président de la Zionist Organization of America.

[RESUME] La création d’un État palestinien équivaudrait à créer un État terroriste aux frontières d’Israël. Il est donc surprenant que le président Bush la souhaite alors même qu’il est lancé dans la guerre au terrorisme. Le plan de paix proposé est un soutien au terrorisme puisqu’il laisse entendre qu’on peut espérer des retombées positives en menant de telles actions.
La création d’un États palestinien n’entraînera pas une diminution du nombre d’attaques terroristes. C’est pourquoi les Israéliens, d’après un sondage commandé par la Zionist Organization of America, rejettent massivement la solution des deux États. En effet, ils savent bien que la plupart des attentats sont soutenus par l’Autorité palestinienne et par des mouvements proches de Yasser Arafat. Le plan établira un mini-Irak à leur porte.
L’application du plan entraînera un retour à la situation antérieure à 1967 pour Israël. D’après le général états-unien Thomas Kelly, le pays sera dans l’incapacité de se défendre. On peut, certes, imaginer que l’État palestinien sera démilitarisé, toutefois, une clause similaire n’avait pas empêché l’Allemagne de constituer la plus puissante armée d’Europe entre les deux guerres mondiales.
Un État palestinien menacerait les droits religieux des juifs sur son sol ainsi que les ressources en eau d’Israël, qui prennent largement leur sources dans les territoires palestiniens. Il est donc nécessaire que les terroristes soient combattus en Palestine de la même façon que les nazis l’ont été en Allemagne en 1945 et comme les partisans de Saddam Hussein le seront en Irak. Cela nécessite un travail sur le long terme.

« Au delà de l’impuissance »

Beyond Impotence
Al-Ahram Weekly (Égypte)

[AUTEUR] Mustafa El-Feki est président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale égyptienne.

[RESUME] Depuis la création d’Israël, la politique étrangère de ce pays et sa politique intérieure se sont toujours confondues. Les Arabes sont donc obligés de tenir compte des éléments intérieurs israéliens lors des négociations avec ce pays. Les élections anticipées en Israël, alors que les États-Unis sont sur le point d’attaquer l’Irak et que Washington mène sa guerre au terrorisme, ne sont pas anodines car, de leur résultat dépendra l’avenir de la région.
Tel-Aviv pourrait se servir de ce contexte pour faire aboutir ses objectifs régionaux. Sur le plan intérieur, il pourrait profiter de la diversion pour l’opinion publique internationale que représente la guerre en Irak pour mener une grande offensive contre les Palestiniens. Une telle attaque affaiblirait tellement cette population que le futur État palestinien, dont la création doit être négociée, resterait un pays à la merci d’Israël, à peine viable.
Les États arabes doivent rester vigilants aux développements à venir en Israël et aux résultats de la prochaine élection. De même, plus les États arabes seront démocratiques, plus leur légitimité sera grande aux yeux des médias occidentaux, plus les dirigeants élus auront un poids sur la scène internationale et moins la politique intérieure israélienne aura d’impact sur l’ensemble de la région.