« Préparer une chronologie pour la guerre »

Charting a course for war
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] L. Paul Bremer III a été chargé de mission à l’étranger sur la question du contre-terrorisme par l’administration Reagan. Il est président de la National Commission on Terrorism et PDG de Marsh Crisis Consulting.

[RESUME] La guerre au terrorisme a connu trois phases :
  Dans les trois derniers mois de l’année 2001, l’Amérique a détruit les infrastructures d’Al Qaïda en Afghanistan, poussant cette organisation à se disperser.
  De janvier à septembre 2002, une coopération internationale a permis l’arrestation de 2500 terroristes dans le monde.
  De septembre à aujourd’hui, les attentats de Bali, de Mombassa et contre le supertanker français au large du Yémen ont montré qu’Al Qaïda est toujours actif et qu’elle a encore des milliers de tueurs bien entraînés.
Les implications pour la politique américaine de cette résurgence sont claires :
  Il faut rappeler que notre adversaire est le fondamentalisme musulman, qui veut convertir part la force le reste du monde à l’islam, et que nous sommes donc les alliés des musulmans modérés.
  La lutte contre le terrorisme n’a aucun rapport avec le conflit israélo-palestinien et ce n’est pas là que le terrorisme trouve ses racines. Le réengagement de l’Amérique dans le processus de paix et la guerre au terrorisme sont deux choses différentes.
  Quand on ne peut pas se défendre efficacement, il faut être offensif.
Il faudra donc que nos services de renseignements se réforment afin de tuer ou de capturer les leaders d’Al Qaïda et, sur le plan intérieur, le nouveau département de la Sécurité de la patrie devra disposer de vastes pouvoirs.
Cette année nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre au terrorisme. Nous allons nous en prendre aux pays qui soutiennent le terrorisme, au premier rang desquels se trouve l’Irak.

« Essayer d’avoir une vision plus claire des "terroristes" »

Try clearer thinking about ’terrorists’
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Ronald I. Spiers est ancien sous-secrétaire d’État états-unien (1983-1989) et ancien sous-secrétaire général de l’ONU (1989-1992).

[RESUME] Peu après le 11 septembre 2001, George W. Bush a présenté les forces présentes derrières les attentats comme étant un mal à combattre avec patience et dans le cadre d’une large coalition internationale. Il distinguait alors l’Islam et les mouvements de résistances locaux du terrorisme.
Aujourd’hui, ces distinctions ne sont plus d’actualité dans le discours de Washington et de nombreux conflits locaux, qui pourraient être réglés par la négociation, sont présentés comme des épiphénomènes du terrorisme lié à Al Qaïda. La guerre au terrorisme n’est plus une métaphore, mais la justification d’une politique expliquée dans un discours orwellien où la guerre est appelée « restauration de la paix internationale ». Beaucoup de pays ont compris l’intérêt qu’ils pouvaient retirer de cette définition confuse. En Russie, en Inde, en Chine et en Israël on parle désormais de « guerre au terrorisme » pour écraser ses opposants.
Aux États-Unis, des mesures discutables en termes constitutionnels ont été adoptées au nom de la guerre au terrorisme. On veut nous convaincre que la guerre contre l’Irak en fait également partie. Les États-Uniens sont abreuvés de clichés dans lesquels tout conflit est justifié par une supposée « haine de la liberté » qui animerait nos adversaires. Les motivations d’Al Qaïda sont complexes et mal connues, mais ses soutiens populaires disparaîtront en partie si les États-Unis se réengagent dans la résolution du problème palestinien.

« La paix et la fraternité »

Peace and Fraternity
Zayed Centre for Coordination and Follow-up (Émirats Arabes Unis)

[AUTEURS] Le Sheikh Zayed Bin Sultan Al Nahyan est président des Émirats Arabes Unis et Le Sheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyan est prince d’Abu Dhabi et chef des armées des Émirats Arabes Unis. Cette tribune est une synthèse des interventions des deux dirigeants à l’ouverture de la conférence internationale « Terrorism and Reason » au Zayed Centre for Coordination and Follow-up.

[RESUME] Notre époque est celle du village global dans lequel un pays ne peut plus être circonscrit aux frontières d’un État. Aujourd’hui, le monde entier est menacé par les gigantesques stocks d’armes nucléaires accumulées. Elles ne pourront être éliminées que si nous mettons d’abord en place des systèmes internationaux promouvant le dialogue et la tolérance et garantissant la sécurité des États contre les agressions extérieures.
S. A. le Sheikh Zayed Bin Sultan Al Nahyan est préoccupée du sort des peuples qui souffrent, notamment des Palestiniens. C’est pourquoi elle soutient les efforts des institutions internationales qui visent à les défendre et elle contribue personnellement à l’aide humanitaire. L’avenir politique des Palestiniens détermine la paix au Proche-Orient, et celle-ci détermine la paix dans le monde, qui est tributaire de ses réserves énergétiques. Pour enfin assurer la paix, il faut contraindre diplomatiquement Israël à respecter les droits des Palestiniens et les résolutions du Conseil de Sécurité.
S. A. Le Sheikh Zayed Bin Sultan Al Nahyan condamne le terrorisme sous toutes ces formes, qu’il soit le fait d’un État ou d’individus, mais elle ne mélange pas pour autant le terrorisme et la résistance à une occupation. Elle condamne toute atteinte à la souveraineté des États et aux droits des peuples commis au nom de la guerre au terrorisme.
La paix ne peut être assurée durablement que par le développement économique, politique et social et chaque nation doit avoir le droit de choisir librement le système qui lui convient le mieux.
S. A. le Sheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyan rappelle, suivant ces principes, que le développement d’une force militaire aux Émirats Arabes Unis n’a pas d’autres buts que de défendre le pays. C’est par l’action diplomatique et l’écoute des autres que son pays se fait entendre sur la scène internationale et pas par la force armée.

« Israël ne nous laisse pas nous réformer »

Israel Won’t Let Us Reform
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Yasser Abed Rabbo est ministre de la Culture et de l’information de l’Autorité palestinienne. Il aurait dû diriger la délégation palestinienne aux négociations de Londres aujourd’hui.

[RESUME] Les Israéliens affirment qu’ils ne peuvent pas reprendre les négociations de paix tant que l’Autorité palestinienne ne se démocratise pas. Mais, contradictoirement, le gouvernement israélien interdit aux Palestiniens de se rendre à Londres pour discuter du processus de réforme.
En fait la réforme est une excuse pour détourner l’attention internationale du problème central du conflit israélo-palestinien : 35 ans d’occupation israélienne et la négation des libertés des populations occupées. Selon cette logique, qu’importent les atrocités commises par Israël, elles n’auraient rien à voir avec la paix au Proche-Orient. La seule chose importante serait la réforme de l’Autorité palestinienne.
Il est vrai que nos institutions doivent se réformer. C’est le souhait de 85 % de notre population. Malgré les diversions israéliennes, nous avons déjà réalisé des progrès en matière de Droits de l’homme et de transparence budgétaire. Toutefois, ces efforts sont minés par l’occupation et la politique israélienne de punition collective. Ainsi, le Conseil législatif palestinien est dans l’impossibilité de se rassembler à cause des barrages israéliens et ne peut donc voter les réformes. Tandis que les élections, prévues en janvier, ont été reportées. De plus, Israël s’est arrogé le droit de confisquer les impôts prélevés par l’Autorité palestinienne, près de 600 millions de dollars, empêchant ainsi nos services publics de fonctionner. Une vraie réforme n’est possible que si Israël lève ses barrages, abandonne son occupation et restitue le budget palestinien.
Nous désirons la réforme, mais nous savons qu’elle ne produira pas la paix. Celle-ci exige la fin de 35 années d’occupation.

« Le bilan de la Corée du Nord »

North Korea Scorecard
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Franck J. Gaffney Jr. préside le Center for Security Policy, un think tank qui rassemble les anciens théoriciens de la Guerre froide et les partisans de l’impérialisme militaire.

[RESUME] Le moment est venu de faire le point sur la crise coréenne.
Le président Bush a eu raison de dénoncer le régime de Kim Jong Il comme monstrueusement démoniaque.
Les méthodes classiques de contrôle des armements ne peuvent pas fonctionner avec des régimes de ce type.
Les voisins d’une nations dangereuse ont toujours tendance à temporiser plutôt qu’à l’affronter. Mais ce n’est pas une raison pour que les États-Unis en fassent autant, et heureusement, nous avons affrontés l’Union soviétique quand les Japonais et les Allemands cherchaient l’ouverture.
Les États-Unis doivent être capables de conduire deux guerres de front.
La menace proférée par la Corée du Nord de se doter de missiles balistiques suffit à démontrer la pertinence du choix de l’administration Bush de construire le bouclier anti-missiles.
L’administration Bush doit aujourd’hui se concentrer sur l’Irak et donc gagner du temps face à la Corée du Nord. Mais elle devra envoyer au plus vite Kim Jong Il rejoindre Saddam Hussein dans les poubelles de l’Histoire.

« Retour à l’accord-cadre »

Back to the Framework
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Jimmy Carter est ancien président des Etats-Unis. Il préside le Centre Carter d’Atlanta et est lauréat du prix Nobel de la paix 2002.

[RESUME] Il y a un air de déjà vu dans la crise coréenne. Il y a neuf ans, Kim Il Sung expulsa les inspecteurs internationaux et menaça de reprendre la production de plutonium dans le vieux réacteur de Yongbyon. L’administration Clinton envisagea des sanctions économiques et une riposte militaire.
En définitive, je fus invité par le « Grand leader » et avec l’aval de Washington à entreprendre une mission de bons offices. Les Nord-Coréens voulaient seulement obtenir l’assurance qu’ils ne seraient pas menacés nucléairement. En échange, ils acceptèrent de renoncer à la production de plutonium. Un accord-cadre fut conclu. Il prévoyait de geler le réacteur au graphite de Yongbyon, sous contrôle des inspecteurs internationaux, et de garantir l’approvisionnement en énergie du pays en livrant mensuellement du pétrole et en construisant deux centrales nucléaire ne permettant que des usages civils. Bien que ces centrales ne furent jamais construites, l’accord fut partiellement appliqué à la suite des négociations conduites par Madeleine K. Albright.
L’équipe Bush a tout remis en question. Elle a rejeté la politique de rapprochement entreprise par le président sud-coréen Kim Dae Jung ; elle a classé la Corée du Nord dans « l’Axe du Mal » ; elle a accusé le nouveau Grand leader d’affamer sa population ; et elle a annoncé quelle allait construire un bouclier anti-missile pour se protéger de Pyongyang. Se sentant menacée, la Corée du Nord a expulsé à nouveau les inspecteurs et annoncé qu’elle allait reprendre la production de plutonium...
Il faut maintenant revenir à l’accord cadre que j’avais proposé, l’appliquer, et si possible, le prolonger jusqu’à réconcilier les deux Corée.

« La Convention européenne à mi-parcours »

La Convention européenne à mi-parcours
Le Monde (France)

[AUTEUR] Valéry Giscard d’Estaing est ancien président de la République française (1974-1981). Il est président de la Convention sur l’Avenir de l’Europe.

[RESUME] La Convention sur l’Avenir de l’Europe est à mi-parcours, mais elle a déjà bien avancé dans sa mission.
Nous proposons pour la prochaine Constitution européenne :
  Un contrôle politique du principe de subsidiarité assuré par les Parlements nationaux.
  Une simplification des traités et leur compilation dans la Constitution européenne et une simplifications des instruments juridiques afin que les citoyens sachent enfin qui fait quoi en Europe.
  Une inscription dans la Constitution d’une définition de la criminalité grave transfrontalière afin de créer une législation pénale communautaire.
  L’inscription de la Charte des droits fondamentaux européens dans la Constitution
Il reste des points à traiter, notamment en ce qui concerne la gouvernance économique et sociale. Sur ce dernier point, nous avons déjà résolu à l’unanimité que les questions monétaires seraient tranchées au niveau communautaire et les questions économiques au niveau des États membres.
Toutes ces propositions, ont été adoptées en recherchant le consensus le plus large. En effet, lors de la Conférence intergouvernementale, c’est la règle de l’unanimité qui primera. D’abord réticent, les gouvernements se sont beaucoup intéressés au travail de la Convention. Celle-ci est restée démocratique et ouverte au public. Aucune décision n’a été prise après des tractations secrètes entre gouvernements.
Le praesidium présentera les premiers articles aux citoyens et aux gouvernements européens en janvier et, ensuite, la réflexion se portera sur l’équilibre des trois institutions européennes : le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen qui vont se transformer sous l’effet de l’élargissement. Celui-ci mettra fin au principe de la présidence tournante. Il va falloir repenser l’équilibre des pouvoirs entre les trois institutions en fonction de l’orientation plus ou moins fédérale que l’on veut donner à l’Union européenne. Il faudra décider qui aura l’initiative dans certains domaines, notamment la politique étrangère. Dans ce domaine, la crise irakienne montre bien que c’est encore la voix des États membres qui prévaut, contrairement à ce qui était prévu par le Traité de Maastricht. La création d’un poste de ministre des Affaires étrangères européen est donc souhaitable.

« Quelle Europe ? »

Quelle Europe ?
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Serge Dassault est PDG du groupe Dassault, dont la filiale Dassault aviation est productrice des avions de combats Mirage et Rafale. Il est actionnaire de référence de la Socpresse, propriétaire du Figaro. Il est ancien député RPR.

[RESUME] La Pologne vient de choisir un avion de combat américain F-16 au lieu d’une autre proposition européenne, comme le Mirage 2000. De même, la Hollande et l’Angleterre ont choisi le JSF, un avion américain qui ne sera opérationnel que dans dix ans, en lieu et place du Rafale, déjà opérationnel et qui était pourtant désiré par l’état-major hollandais.
Ces choix regrettables pour l’économie de l’Union et de la France empêchent l’utilisation de matériels communs par les différentes armées européennes et l’édification d’une véritable industrie de l’armement qui rendrait l’Union moins dépendante des États-Unis. Alors que les gouvernements se réjouissent de passer d’une Europe des 15 à une Europe des 25, on peut s’étonner que les nouveaux membres, qui vont recevoir plus qu’ils ne vont offrir, ne soient pas soumis à « une préférence européenne » en matière d’armement.
La Pologne ne sera pas mieux défendue par les F-16 américains qu’elle ne l’aurait été par des Mirages, mais elle s’est laissée convaincre par les promesses américaines en matière d’assistance militaire et d’investissements... On sait ce que valent ces promesses.
Les Américains veulent supprimer toute concurrence dans le marché de l’armement et affaiblir l’Europe. Celle-ci ne doit pas devenir un de leurs sous-traitants et il faut, pour cela, imposer aux nouveaux et aux anciens membres « une préférence européenne ».