« Les vues sur l’énergie dans l’ère post-Saddam »

Post-Saddam energy visions
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Michael Renner est chercheur au Worldwatch Institute, institut écologiste états-unien basé à Washington.

[RESUME] Pendant un demi-siècle, les États-Unis ont investi considérablement pour garder le Golfe dans leur orbite géopolitique et conserver un rôle prépondérant dans le marché pétrolier. Ces investissements comprenaient des interventions directes ou indirectes, des transferts massifs d’armes à leurs alliés et l’acquisition de bases militaires dans la région.
Le contrôle du pétrole a toujours prévalu sur les Droits de l’homme et la démocratie. La nouvelle guerre impérialiste en Irak, ayant pour prétextes les armes de destruction massive et l’établissement de la démocratie dans le pays, ne déroge pas à la règle.
Il n’existe aucune preuve d’une responsabilité irakienne dans les attentats du 11 septembre, mais le choc qu’ils ont provoqué a permis à Washington d’adopter un comportement plus belliqueux et unilatéraliste, puis d’adopter la doctrine des frappes préventives. Cela sert aussi de justification à la reprise en main du pétrole irakien qui échappe aux compagnies pétrolières britanniques et états-uniennes depuis 30 ans.
Les intérêts pétroliers commandent les tractations au Conseil de sécurité de l’ONU. La compagnie française TotalFinaElf a de bonnes relations avec l’Irak depuis les années 70, tout comme les compagnies russes et chinoises. Les États-Unis n’obtiendront pas le soutien de ces trois pays sans de sérieuses concessions pétrolières.
Les États-Unis veulent une augmentation de la production de pétrole et une diminution de son coût en prévision de la forte augmentation de leur consommation pétrolière intérieure. Si Washington contrôle l’Irak, ils seront moins dépendants vis-à-vis de l’Arabie saoudite et ils affaibliront l’OPEP et leurs autres fournisseurs : la Russie, le Mexique et le Venezuela.

« Les despotes et bigots saoudiens ne nous arrêteront pas »

Saudi despots and bigots won’t stop us
The Independant (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Abdalaziz Alkhamis est directeur du Saudi Centre for Human Rights Studies. Cette tribune est extraite d’un discours prononcé devant la Chambre des Lords britannique.

[RESUME] Lorsque j’ai demandé à l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Londres, considéré comme un libéral, de transmettre une lettre au gouvernement saoudien dans laquelle était demandée la création d’un institut de surveillance des Droits de l’homme à Riyadh, je me suis vu opposé un refus catégorique. Les atteintes aux Droits de l’homme sont pourtant nombreuses et bien connues dans mon pays. Les droits de la défense dans les tribunaux et les libertés d’expression, d’association et de rassemblement n’y sont toujours pas respectées.
Bien que Ben Laden soit le produit de la culture d’intolérance et de haine développée dans le pays par des dirigeants despotiques et un clergé bigot, le 11 septembre n’a rien changé à la situation de l’Arabie saoudite. Il est impossible d’agir là-bas et nous sommes obligés d’agir de l’étranger pour promouvoir une vision libérale de l’Islam et défendre les Droits de l’homme dans notre pays.

« Le Royaume appelle à des réformes internes dans les pays arabes »

Kingdom calls for internal Arab reforms
Arab News (Arabie saoudite)

[AUTEUR] Le Prince régent Abdallah d’Arabie saoudite est vice-Premier ministre et commandeur de la garde nationale saoudienne. Cette tribune est une reprise par Arab News du texte de l’initiative saoudienne présenté à un groupe de penseurs arabes : « Charter to Reform the Arab Stand ».

[RESUME] Certains estiment aujourd’hui qu’il est facile de s’en prendre à la nation arabe et d’attaquer ses intérêts légitimes. Les peuples arabes considèrent que, face à cette situation, il faut revigorer l’esprit national et prouver que nous pouvons faire face aux enjeux et aux menaces actuelles. C’est pourquoi nous devons réformer nos États. Nous y gagnerons en légitimité et en influence sur la scène internationale.
Pour y parvenir, nous devons rédiger une nouvelle charte de la Ligue arabe qui assurera la protection de nos intérêts légitimes, promouvra les actions communes et régularisera les relations des pays arabes entre eux et vis-à-vis du reste du monde. En outre, nous devons renforcer la coopération économique entre pays arabes et créer une vaste zone de libre-échange arabe prélude d’un marché commun dans lequel le secteur privé sera encouragé.
Les Arabes doivent agir avec détermination et fermeté pour défendre leur souveraineté contre toute intervention étrangère. De même nous rejetons toute agression étrangère contre n’importe quel pays arabe et nous nous interdisons de faire usage de la force entre nos pays.
Les Arabes réaffirment leur devoir d’aider l’Autorité palestinienne et de restaurer les droits du peuple palestinien dans sa patrie occupée face à la brutalité israélienne. Ils veulent une paix juste qui tiendra compte des intérêts arabes légitimes. Elle ne sera rendu possible que par un retrait des territoires occupés depuis 1967 et le droit pour l’État palestinien d’établir sa capitale à Al-Quds (Jérusalem).

« La Russie a des raisons de s’inquiéter »

Russia has reasons to worry
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEURS] Mark Brzezinski est avocat à Washington. Il a été directeur pour les questions russes et eurasiennes au National Security Council sous l’administration Clinton. Lee Wolosky est avocat à New York. Il a été directeur pour les questions de menaces transnationales du National Security Council sous les administrations de Bill Clinton et de George W. Bush.

[RESUME] Les réserves pétrolières irakiennes sont plus importantes que celles de l’Europe et de l’Amérique du Sud réunies et ce pétrole a un intérêt politique et économique particulier pour la Russie.
En effet, la Russie a une créance de 8 milliards de dollars sur l’Irak et a été la première bénéficiaire du programme pétrole contre nourriture. De plus l’économie russe est dépendante des cours du pétrole et sa baisse serait catastrophique pour elle. Les Russes s’inquiètent par ailleurs pour leurs contrats commerciaux avec Bagdad qui pourraient être rompus par un nouveau gouvernement mis en place par les Américains. L’Iraqi National Congress (INC) a d’ailleurs publié des déclarations en ce sens. L’inquiétude sur ce sujet est telle à Moscou que des pourparlers entre l’INC et le gouvernement russe ont commencé. Dans le même temps, le vice-président de la Douma a demandé l’envoi de troupes russes en Irak dès la fin des combats afin de protéger les intérêts de son pays.
Toutefois, la récente annulation par Saddam Hussein du contrat qui le liait à Lukoil, la principale compagnie pétrolière russe, a montré à Vladimir Poutine qu’on ne pouvait pas faire confiance au dictateur irakien et que les Russes devaient être aux côtés des États-Unis. Washington doit cependant donner des garanties sur les cours du baril et sur les intérêts pétroliers de Moscou en Irak.
Il faut cependant éviter d’offrir trop à la Russie car il ne faut pas lui laisser penser qu’elle peut exploiter la guerre au terrorisme. En outre, quoi qu’il en soit, les revenus du pétrole ne seront pas immédiatement disponibles après la guerre et ils devront d’abord servir à la reconstruction du pays.

« Le grand survivant »

The great survivor
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Richard Gott est l’auteur de In The Shadow of the Liberator : Hugo Chavez and the Transformation of Venezuela.

[RESUME] Les évènements au Venezuela qui ont entraîné une augmentation des prix du pétrole ont permis à Hugo Chavez de se remettre en selle politiquement.
Quand l’opposition conservatrice a amorcé sa grève en décembre, après avoir tenté un coup d’État en avril, elle pensait parvenir à renverser Chavez, mais celui-ci n’a pas cédé. Populaire, élu démocratiquement et soutenu par l’armée qui n’apprécie pas la grève, il semble toujours bien en place face à une opposition de plus en plus divisée et sans leader. Le président vénézuélien a pu donner carte blanche à l’armée pour briser la grève après avoir rompu les négociations avec l’opposition : des milliers de dirigeants et cadres grévistes de l’industrie pétrolière ont été révoqués, les installations, les ports et les pipelines sont gardés par l’armée et la compagnie nationale a été réorganisée en deux entités régionales. De plus, les manifestations sont désormais encadrées par la garde nationale. Chavez a affirmé qu’il pourrait recourir à la troupe pour garantir l’ouverture des banques et la distribution de nourriture. Il pourrait aussi supprimer l’autorisation d’émettre des quatre chaînes de télévision qui attisent la déstabilisation.
Cette reprise en main a été possible grâce aux hésitations de Washington et à l’élection au Brésil et en Équateur de deux présidents de gauche, plus proches de lui que les autres dirigeants d’Amérique du Sud. Aux États-Unis, la période de flottement est due au refus d’habilitation d’Otto Reich à la tête des opérations en Amérique latine par le Congrès, du soutien à Chavez de plusieurs élus Démocrates et aux autres préoccupations de Washington dans le monde.
Désormais, Chavez, soutenu par la population, peut radicaliser sa politique et mener une vraie révolution. L’opposition composée des anciennes classes dirigeantes et des anciennes élites économiques reste puissante, mais les classes populaires sont une force qu’il sera difficile de vaincre.

[CONTEXTE] Sur la tentative de coup d’État organisée par Washington à Caracas, en avril dernier, voir notre enquête : « Opération manquée au Venezuela », disponible aux membres de la Zone Réseau.

« Les barbares à nos portes »

Barbarians at the gate
Al-Ahram Weekly (Égypte)

[AUTEUR] Ayman El-Amir est ancien correspondant d’Al-Ahram à Washington. Il a été directeur de la radio-télévision de l’ONU à New York.

[RESUME] Les États-Unis sont entrés dans une lutte pour la domination globale en utilisant une auto-justification pseudo-moralisatrice : c’est une guerre du Bien contre l’Axe du Mal.
Jusqu’à récemment l’ennemi était bien défini : l’Irak, qui avait soutenu les terroristes du 11 septembre, était à la tête de l’Axe du Mal pendant que l’Iran et la Corée du Nord attendaient dans l’ombre que vienne leur tour. Malheureusement, la Corée du Nord, avec la Chine derrière elle, s’est invitée inopinément dans cette belle histoire et, de plus, les inspecteurs de l’ONU ne trouvent pas d’armes en Irak. De ce fait là, les alliés des États-Unis ne sont plus aussi sûrs qu’avant de vouloir renverser Saddam Hussein. Par ailleurs, le soutien de Washington aux atrocités israéliennes contre les Palestiniens manifeste l’hypocrisie de la superpuissance et sape son autorité morale.
Les États-Unis ont une vision messianique de leur place dans le monde. Ils pensent qu’ils doivent défendre partout les valeurs américaines. Ils ont hésité à présenter le dossier irakien au Conseil de sécurité, sachant qu’ils avaient pu passer outre pour le Kosovo. Finalement, ils ont accepté l’intervention de l’ONU, mais uniquement pour instrumentaliser le temps des négociations afin de déployer leurs troupes dans le Golfe.
Les États-Unis ont rejeté la Cour criminelle internationale et le protocole de Kyoto. Ils ne respectent pas les règlements internationaux humanitaires à Guantanamo. Ils défendent le libre-échange tout en poursuivant une politique protectionniste. Ils combattent la prolifération des armes de destruction massive en encourageant Israël à en détenir. C’est le comportement normal d’une puissance impériale qui considère que sa force militaire lui donne des droits moraux. Ce sentiment est d’autant plus fort que le pays vit dans l’illusion que l’effondrement de l’URSS est une victoire morale de la démocratie contre le totalitarisme, ce qui n’est que très partiellement vrai.

« Allemagne-France : un moteur de l’UE… parmi d’autres »

Allemagne-France : un moteur de l’UE… parmi d’autres
Le Monde (France)

[AUTEUR] Hubert Védrine est ancien ministre des Affaires étrangères français (1997-2002).

[RESUME] De nombreuses voix se sont fait entendre dernièrement pour réclamer une renaissance du couple franco-allemand. Il est vrai que l’association des deux États a permis de grandes avancées pour l’Europe, mais, se faisant, les deux pays ont contribué à la création d’une Union Européenne où leur rôle est devenu moins important même s’il reste indispensable.
Le couple franco-allemand semble s’être relancé quand les gouvernements ont trouvé un accord sur la politique agricole commune, mais il reste à s’accorder sur les institutions d’une UE élargie, enjeu majeur à venir. Sur ce point, les conceptions franco-allemandes divergent et il faudra donc innover et faire des compromis. Il faudra également se mettre d’accord sur d’autres questions, notamment sur la politique étrangère européenne de sécurité et de défense, ce qui nécessitera une harmonisation des dépenses militaires, une précision des rapports avec les États-Unis et une interrogation sur la question de la prise de décision. Il faudra également définir les limites de l’UE.
Répondre à ces question nécessite de faire des propositions convaincantes car, si les différents pays de l’UE souhaitent la concorde entre Paris et Berlin, ils ne sont plus prêts à se rallier aveuglément à leurs accords. La France et l’Allemagne ne peuvent plus être le moteur exclusif d’une UE plus multilatérale.
Leur rôle sera cependant déterminant dans l’élaboration de la constitution européenne car l’Allemagne et la France ont des traditions politiques et institutionnelles très différentes. Un accord entre eux représenterait un compromis acceptable par tous.