« Pourquoi ils crient "Non !" »

Why They Cry ’Non !’
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Max Boot est membre du Council on Foreign Relations. Journaliste réputé dans les milieux économiques, il dirige la page éditoriale du Wall Street Journal. Il a publié The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power.

[RESUME] Colin Powell est le membre de l’administration Bush le plus apprécié en Europe car il est opposé à une attaque de l’Irak sans accord de l’ONU. C’est lui qui a négocié la résolution 1441 avec Dominique de Villepin. En remerciement , le ministre français lui a asséné un coup bas. En effet, lundi, de Villepin a menacé d’utiliser le droit de veto français, que son pays ne détient pourtant que par le bon vouloir de Roosevelt. Il a détruit ainsi les illusions de Powell concernant la possibilité de travailler constructivement avec notre revêche allié européen avant même que les inspecteurs aient rendu leur rapport et contre toute vraisemblance que le programme d’armes de destruction massive de l’Irak soit gelé.
Pourtant ce que nous voulons, ce n’est pas un arrêt de la production d’armes par l’Irak, c’est leur destruction. La résolution 1441 est très claire sur ce sujet. De plus, Saddam Hussein a déjà commis trois violations évidentes de ce texte :
 Le rapport de 12000 pages irakien ne répond pas à toutes les questions d’après Hans Blix.
 Les Irakiens disposent de moteurs pour missiles balistiques.
 Les inspecteurs ont découvert 12 têtes d’armes chimiques qui n’avaient pas été déclarées.
Blix a reconnu que la collaboration irakienne était insuffisante mais en bon bureaucrate de l’ONU, il reste persuadé que tout problème peut être résolu par des négociations interminables. La France, elle, ne croit pas à ce type de négociation et n’hésite pas à avoir recours à la force, comme elle le fait actuellement en Côte d’Ivoire sans mandat de l’ONU. Si elle s’oppose aux États-Unis, c’est en raison de ses intérêts pétroliers en Irak et en raison de son orgueil national, orgueil que Dominique de Villepin avait pourtant brocardé dans son livre "Le Cri de la gargouille". La mauvaise nouvelle pour Paris, c’est qu’elle ne peut jouer son petit jeu d’obstruction que tant que Washington laisse faire les Français et, après lundi, même la patience de Colin Powell a atteint ses limites.

« Pourquoi nous savons que l’Irak ment »

Why We Know Iraq Is Lying
New York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Ancienne administratrice de Chevron-Texaco, Condoleezza Rice dirige l’US National Security Council.

[RESUME] Saddam Hussein n’est toujours pas décidé à désarmer son pays. Quand des États veulent sincèrement se désarmer, comme l’ont fait l’Afrique du Sud, l’Ukraine et le Kazakhstan, ils amènent les inspecteurs aux armes qu’ils possèdent et sur les sites de production, ils répondent aux questions avant qu’on les leur pose et demandent à leur population de collaborer avec les inspections.
L’Irak, quant à elle, fait tout pour conserver son arsenal et a livré à l’ONU un rapport composé de 12200 pages de mensonges. Le document n’explique pas les efforts irakiens pour obtenir de l’uranium et ne parle pas des produits permettant aux Irakiens de fabriquer actuellement de grandes quantités d’anthrax. La déclaration irakienne est en bonne partie un plagiat au mot à mot de rapports antérieurs de l’ONU et elle n’a pour objet que d’induire la confusion. Il s’agit là d’une preuve de la violation par l’Irak de la résolution 1441.
En outre, l’Irak ne permet pas l’accès immédiat et sans restriction aux sites et aux personnes impliqués dans son programme d’armement. La liste de personnes impliquées dans la production d’arme que devait fournir Bagdad est la même que celle de 1991 alors qu’on sait que la production a été poursuivie après. Dernièrement, les inspecteurs ont trouvé douze têtes d’armes chimiques qui n’étaient pas mentionnées dans la déclaration irakienne.
Ces éléments montrent que l’Irak ne veut pas se désarmer et qu’il est temps de lui faire comprendre que ce petit jeu est terminé.

« Une parodie de Droit de l’homme »

Human-rights travesty
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] David Silverstein est directeur adjoint de la Foundation for the Defense of Democracies, un think tank néo-conservateur créé par James Woolsey après le 11 septembre.

[RESUME] Si nous avions besoin d’une preuve supplémentaire que beaucoup de pays ne sont pas avec nous dans la guerre au terrorisme, nous l’avons eu avec l’élection à la tête de la Commission des Droits de l’homme de l’ONU d’un État terroriste : la Lybie.
Cet État impliqué dans les attentats de la discothèque La Belle en Allemagne, de Lockerbie et dans l’explosion d’un avion français au dessus du Sahara dans les années 80, fait moins parler de lui aujourd’hui, mais continue son œuvre de déstabilisation de l’Afrique en vendant des armes en Sierra Leone et au Liberia. Kadhafi développe des armes de destruction massive et a réalisé d’énormes progrès dans l’armement chimique. La Libye n’est pas signataire de la Convention sur les armes chimiques mais, en revanche, elle viole les traités de non prolifération nucléaire et contre les armes biologiques qu’elle a signé. C’est pour ces raisons que ce pays a subi des sanctions diplomatiques, commerciales et financières internationales à partir de 92, sanctions qui furent levées en 1999 contre l’avis des États-Unis.
La Commission des droits de l’homme de l’ONU a pour but de défendre les libertés civiles dans le monde, mais en raison de son système de présidence tournante par continent, les dictateurs africains corrompus ont pu élire la Libye dont le président avait été si généreux avec eux. Face à cette élection, on aurait aimé avoir une réaction du Prix Nobel de la Paix et secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.

« L’état de l’Union : gagner des amis, influencer les nations »

The State of the Union : Win friends, influence nations
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Suzanne Nossel est ancienne conseillère à la mission états-unienne à l’ONU. Elle travaille aujourd’hui dans une entreprise de presse à New York.

[RESUME] Dans son discours sur l’état de l’union de mardi, George W. Bush devra se souvenir qu’il sera écouté par les Américains mais aussi par le reste du monde. Si certaines phrases qu’il a prononcé ont remporté un grand succès aux États-Unis, des propos comme "Axe du Mal", "croisade" ou "il faut être avec ou contre nous" ont été très mal ressentis dans le reste du monde.
L’administration Bush se comporte comme si elle ne devait pas se soucier de l’opinion internationale. Elle parie sur le pragmatisme des gouvernements étrangers pour la suivre sans tenir compte de leur population. Elle croit que sembler attentif à l’avis des autres est une preuve de faiblesse. Dans le même temps, le sentiment anti-états-unien progresse à un point qui pourrait contrer la politique de Washington dans différentes parties du globe. Ainsi, en Turquie, l’opposition de la population pourrait gêner Washington dans la guerre contre l’Irak. En Corée du Sud, une flambée d’antiaméricanisme apparaît au pire moment. Le chancelier Schröder est à présent en position de mettre en difficulté l’administration Bush au Conseil de sécurité.
La position de Washington serait beaucoup plus facile en Irak et en Corée du Nord si les États-Unis étaient suivis par l’opinion internationale. C’est pourquoi, dans son discours de mardi, le président doit :
 Etre persuasif sur l’Irak et expliquer que cette guerre ne répond pas à des problèmes intérieurs américains ou à un impérialisme économique.
 Se montrer respectueux des institutions internationales.
 Montrer que son administration se préoccupe des problèmes plus larges que les crises immédiates et s’intéresse au SIDA, à la pauvreté et à l’environnement dans le monde.
Si Bush veut s’imposer comme un décideur mondial, il doit enfin tenir compte de l’opinion publique internationale.

« Accès aux médicaments : l’Europe en première ligne »

Accès aux médicaments : l’Europe en première ligne
Le Monde (France)

[AUTEUR] Pascal Lamy, fut chef de cabinet de Jacques Delors, puis consultant de la Rand Corporation. Il est commissaire européen au commerce.

[RESUME] L’accès aux médicaments n’est pas un objet de négociation, c’est une question de vie ou de mort. C’est pourquoi l’Union Européenne ne peut accepter que les négociations ouvertes au sein de l’OMC pour permettre aux pays en voie de développement d’accéder aux médicaments essentiels échouent. Les discussions qui avaient bien commencé à l’automne 2002 n’ont pas abouti car le compromis proposé par l’UE et qui avait reçu l’agrément de 143 des 144 pays de l’OMC a été rejeté par les États-Unis.
En 2001, l’accord de Doha autorisait chaque État à accorder des « licences obligatoires », c’est-à-dire le droit pour les pays en voie de développement de produire des médicaments sans l’autorisation des laboratoires détenteurs des brevets. Malheureusement, cet accord n’avait d’intérêt que pour les États ayant une capacité de production pharmaceutique et le cas des autres pays restait à trancher. L’opposition dans les discussions s’est cristallisée sur le nombre de maladies couvertes et le nombre de pays concernés par l’accord.
L’Union Européenne s’est déclarée favorable à une approche large et non restrictive, tandis que les industries pharmaceutiques estiment qu’une trop grande ouverture porterait atteinte à la recherche scientifique en grevant la rentabilité des recherches scientifiques. Cet argument ne tient pas car ce qui est en cause ici, c’est la diffusion de médicaments dans des pays qui n’en consomment pas. Pourtant, les États-Unis ont estimé que le nombre de maladies couvertes et de pays bénéficiaires était trop important.
L’UE n’a pas abandonné pour autant. Nous nous sommes tournés vers l’OMS afin qu’elle fournisse l’expertise médicale nécessaire aux membres de l’OMC. Nous pourrons par son intermédiaire, et en se basant sur l’accord de Doha, distribuer les médicament nécessaires aux pays qui en ont besoin. L’action complémentaire de l’OMC et de l’OMS permettra, je l’espère, de débloquer la situation et d’arriver à un accord final.