« ONU : une décision grave »
ONU : une décision grave
Le Monde (France)
[AUTEUR] Kofi Annan est secrétaire général de l’ONU.
[RESUME] Dans un ou deux jours, le Conseil de sécurité devra faire un choix décisif, revêtant un caractère beaucoup plus large que l’Irak et traitant de la menace que font peser sur l’humanité les armes de destruction massive. La communauté internationale doit agir pour freiner la prolifération, en commençant par l’Irak qui les a utilisés par le passé et attaqué deux de ses voisins.
Les peuples du monde veulent que ce désarmement ait lieu pacifiquement car ils sont préoccupés par les souffrances et la déstabilisation régionale qui naîtrait de la guerre. Ils craignent également que cette guerre rende plus difficile la lutte contre le terrorisme, la recherche de la paix entre Israéliens et Palestiniens et la dialogue entre les nations et les religions. La guerre doit être le dernier recours et le Conseil de sécurité doit décider si le moment est venu. Si jamais il y avait un désaccord entre les membres et que certains engageaient une action sans l’aval du Conseil, cette action ne serait pas légitime et n’aurait pas le soutien nécessaire pour assurer son succès politique à long terme.
Plus le consensus sera large au Conseil de sécurité, plus la réponse de l’ONU sera efficace sur la question irakienne et sur les autres, telles que le conflit israélo-palestinien, principal facteur de déstabilisation de la région, la question coréenne ou les souffrances de l’Afrique. La guerre n’est pas le seul fléau du monde et le travail en commun est également nécessaire pour lutter contre les trois fléaux que sont l’ignorance, la pauvreté et la maladie. Les peuples font confiance à l’ONU et reconnaissent sa légitimité, les membres du Conseil de sécurité ne doivent pas perdre cela de vue.
« Après le veto français... »
Après le veto français...
Le Figaro (France)
[AUTEURS] Jean-Jacques Descamps est député UMP d’Indre et Loire. Pierre Lellouche est député UMP de Paris, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Hervé Mariton est député UMP de la Drôme et Jérôme Rivière député UMP des Alpes Maritimes.
[RESUME] L’heure de l’unité derrière le chef de l’État est venue, même si nous étions opposés au veto. Cependant, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir et de souligner les trois principaux risques que comporte la position française :
– Les États-Unis peuvent passer outre le veto et déclencher une guerre dommageable pour tout le monde.
– Le désarmement de Saddam Hussein par des voies pacifiques est condamné à l’échec.
– Un veto affaiblirait Tony Blair qui est un Européen convaincu et notre principal partenaire dans l’Europe de la défense.
En plus de son veto, la France doit donc développer une stratégie alternative en proposant une autre route dont les principales étapes seraient :
– Le désarmement de l’Irak devra avoir lieu sous 45 jours.
– Si l’Irak n’obtempère pas, il sera mis sous tutelle de l’ONU pour deux ans.
– L’Irak devra localiser et détruire tout l’armement repéré en 1998 dont on n’a pas la preuve de la destruction et les armes chimiques et biologiques citées par l’ONU avant 1998.
– À l’issue des 45 jours, soit l’Irak a respecté ses obligations, soit ce sera la guerre.
– Cette stratégie alternative devra être proposée au nom de l’Union européenne et la France soutiendrait cette proposition en mettant à la disposition de l’ONU une force symbolique de 1 000 à 2 000 hommes.
« L’Iran joue la montre »
Iran Plays the Waiting Game
New York Times (États-Unis)
[AUTEUR] Reuel Marc Gerecht est ancien officier de la CIA. Il est membre de l’American Enterprise Institute.
[RESUME] Alors que Saddam Hussein essaye de tromper le monde et de cacher ses armes, l’Iran arbore fièrement son nouveau laboratoire d’enrichissement de l’uranium.
Depuis 1983 au Liban, l’Iran utilise le terrorisme, est capable d’envoyer des troupes fanatiques en Irak et voit d’un mauvais œil l’arrivée de la démocratie dans ce pays voisin. Pourtant, l’Iran ne va rien faire pour interférer avec les plans de Washington pour l’instant, car Téhéran a surtout en tête le développement de son programme nucléaire. Depuis 1991 et la Guerre du Golfe, les mollahs se sentent menacés et craignent d’être les prochaines victimes des États-Unis.
Le programme nucléaire n’a aucun intérêt énergétique civil dans ce pays riche en gaz et en pétrole, mais l’Iran préfère exposer au vu et au su de tous les éléments civils de son programme nucléaire afin qu’on ne puisse pas lui reprocher de le cacher.
Pour l’instant Téhéran ne sera pas agressif car il attend d’avoir la bombe. Certes, les cléricaux s’inquiètent de voir un sentiment pro-américain dans la jeunesse et le pire scénario pour eux serait une démocratie en Irak dominée par les Chiites qui pourrait être un exemple pour les Iraniens, mais ils ne paniquent pas pour autant.
Tout ce qu’il leur faut, c’est du temps.
« La doctrine Bush contre les valeurs américaines »
La doctrine Bush contre les valeurs américaines
Le Figaro (France)
[AUTEUR] George Soros est président de l’Open Society Institute et du Soros Fund Management.
[RESUME] La première application de la doctrine Bush provoque le rejet de l’opinion publique mondiale.
Cette doctrine repose sur deux piliers : les USA doivent tout faire pour maintenir leur suprématie militaire et ils s’arrogent le droit de déclencher des actions préventives. Cette doctrine, dissimulée derrière un langage orwellien en opposition avec les valeurs américaines, suppose donc l’existence de deux types de souveraineté : celle des États-Unis et celle des autres. Les relations internationales ne sont donc ici que des rapports de force basés sur la puissance militaire. Cette approche est partagée par Ariel Sharon. On en a vu le résultat.
L’administration Bush a pris le pouvoir avec une idéologie fondée sur le « fondamentalisme du marché » et la suprématie militaire. Le 11 septembre lui a permis de mettre en œuvre son programme en lui fournissant l’ennemi idéal. En effet, en déclenchant la guerre au terrorisme, George W. Bush a déclaré la guerre à un ennemi invisible qui ne disparaît jamais.
Cette politique a entraîné la division de l’OTAN et de l’Union européenne, l’envenimement du conflit israélo-palestinien et, après la libération de l’Afghanistan, le droit et l’ordre ne s’étendent pas en dehors de Kaboul. Le président Bush compte sur une victoire rapide en Irak pour tout améliorer, mais si la victoire militaire en Irak sera facile, les conséquences positives ne sont pas garanties.
Il faudrait plutôt laisser faire les inspections et suivre le plan français. Mais ce n’est pas ce qui sera fait. Il faut espérer que cette guerre ne fera pas trop de dommages. Si déloger Saddam Hussein est une bonne chose, il faut s’opposer à la méthode de Bush.
« La guerre de qui ? »
Whose War ?
The American Conservative (États-Unis)
Afin que nos lecteurs puissent se reporter aux textes originaux, nous traitons habituellement uniquement les articles disponibles sur le Net. Toutefois, vu l’impact aux États-Unis de ce long article de Pat. Buchanan, nous avons décidé de vous en présenter un résumé.
[AUTEUR] Patrick J. Buchanan est ancien assistant des présidents Nixon, Ford et Reagan. Il a brigué plusieurs fois l’investiture républicaine pour l’élection à la présidentielle et dirige The American Conservative.
[RESUME] Le parti de la guerre va sans doute avoir sa guerre. Mais il a fallu pour cela qu’il expose ses membres, ses associations et ses motifs, ce qui a fait apparaître les liens entre sa politique et Israël. Max Boot, David Brooks, Robert Kagan [1] et Lawrence F. Kaplan [2] ont tous dénoncé le fait que j’affichais ce lien en me présentant comme un adepte de la théorie du complot ou un antisémite pour me décrédibiliser.
Nous n’attaquons pas les néo-conservateurs parce qu’ils sont juifs, mais parce que leur politique menace le pays par son bellicisme qui trouve un écho chez Ariel Sharon. C’est ce qu’ont bien compris tous ceux qui n’ont pas cru à leurs attaques. Ainsi, de plus en plus d’analystes notent que le trio Perle-Feith-Wolfowitz construit sa politique en pensant qu’il y a une convergence d’intérêt permanente entre les États-Unis et Israël. C’est pourquoi ils sont liés à Sharon et au Likoud. Les Américains doivent connaître la vérité avant d’être entraînés dans une série de guerres qui mènerait l’Amérique au clash des civilisations et qui n’est pas dans son intérêt. En effet, à cause de cette politique, les États-Unis ont des rapports tendus avec l’ensemble des pays arabes et de nombreux vieux amis et sont en train de perdre la paix qu’ils pouvaient espérer après 50 ans de Guerre froide.
Qui sont les néo-conservateurs ? La première génération sont d’ex-libéraux, socialistes ou trotskistes ayant rejoint l’équipe de Ronald Reagan à la fin des années 70. Ce sont des habitués des think tanks, tel l’American Enterprise Institute ou le Center for Security Policy et ils viennent rarement des milieux d’affaires ou militaires. Ils sont tous favorables aux politiques interventionnistes et soutiennent Israël. Leurs publications sont le Weekly Standard, Commentary, The New Republic, National Review et la page éditoriale du Wall Street Journal. Bien que peu nombreux, ils exercent un grand contrôle sur les organisations et magazines conservateurs.
Leur heure est venue avec le 11 septembre, mais leur plan était plus ancien. Leurs réactions ont été extrêmement rapides après les attentats. Ainsi, Bill Bennett déclarait sur CNN, le 12 septembre 2001, qu’il fallait attaquer le Liban, la Libye, la Syrie, l’Irak, l’Iran et la Chine. Il ne parlait pas de l’Afghanistan, le sanctuaire des terroristes de Ben Laden. Le même jour, le Wall Street Journal nous offrait une liste de cible : les camps terroristes en Syrie, au Soudan, en Libye, en Algérie et peut-être en Égypte. D’après Bob Woodward dans son livre Bush at War, Wolfowitz ne voulait pas attaquer l’Afghanistan, mais il voulait immédiatement attaquer l’Irak. Le 20 septembre, quarante néo-conservateurs, dont Perle et William Kristol exigeaient que le président attaque le Hezbollah et les pays qui le soutenait. Le Hezbollah n’a rien à voir avec les attentats du 11 septembre, mais il a humilié Israël en le forçant à quitter le Liban. Ces exemples montrent que les néo-conservateurs ont utilisé le 11 septembre pour que les États-Unis attaquent des pays qui ne leur avaient rien fait. Cela entre assez dans les théories de Michael Ledeen qui estime que tous les dix ans environ les États-Unis doivent s’attaquer à « un petit État merdique » pour montrer comment ils règlent les affaires du monde. Aujourd’hui Ledeen demande le renversement des régimes irakien, iranien, syrien, libanais et saoudien et estime qu’il faut déstabiliser toute la région et imposer la démocratie dans ces pays.
La liste des ennemis des néo-conservateurs est longue et inclut tous les États arabes. Ils veulent une Quatrième Guerre mondiale contre l’Islam dont les seuls bénéficiaires seraient Israël, le Likoud, Sharon. Cette stratégie induit la chute de dirigeants alliés, comme Mubarak en Égypte, mais cela ne les inquiète pas car comme l’a dit Laurent Murawiec en décrivant sa grande stratégie devant le Defense Policy Board : « L’Irak est le pivot tactique, l’Arabie saoudite est le pivot stratégique et l’Égypte est le prix à payer ». Les néo-conservateurs veulent un empire américain et les sharonistes veulent une hégémonie israélienne sur le Proche-Orient, leurs agendas sont donc complémentaires.
En 1996, Perle, Feith et Wurmser proposait à Benjamin Netanyahu un plan qui prévoyait de combattre la Syrie avec l’aide de la Jordanie et de la Turquie. Ce plan nécessitait l’installation d’une monarchie hachémite à Bagdad et la réoccupation des territoires palestiniens suivies du transfert des populations. Aujourd’hui, Perle préside le Defense Policy Board, Feith est sous-secrétaire à la Défense et Wurmser et sous-secrétaire d’État pour le contrôle des armes. Ces hommes ont donc l’Irak en tête depuis longtemps. Cette guerre s’inscrit parfaitement pour eux dans la doctrine de Paul Wolfowitz qui prévoit d’empêcher l’émergence de tout acteur régional dans le monde et développe la stratégie des frappes préventives.
Ces hommes sont au pouvoir et ils font pression sur George W. Bush pour qu’il ne change pas de politique et ne fasse pas pression sur Israël. Nous considérons que cette attitude empêche tout retour aux accords d’Oslo et donc toute paix qui permettrait une diminution de l’antiaméricanisme et du terrorisme qui nous menacent. Israël est notre allié et a le droit de vivre en paix et en sécurité, mais nous ne pensons pas que les intérêts de nos pays sont toujours identiques et nous ne pensons surtout pas que le régime d’Ariel Sharon est le meilleur ami des États-Unis.
Le président Bush a fait de grandes choses et nous l’admirons, mais il ne mérite pas la réélection s’il continue de suivre l’agenda des néo-conservateurs.
[CONTEXTE] Pour en savoir plus sur les néo-conservateurs, voir l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
« Le programme pour la réforme démocratique d’un dissident saoudien »
A Saudi dissident’s agenda for democratic reform
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEURS] Mohammed Al-Mohaissen est professeur à Riyad. Il est l’un des principaux signataires de la pétition en faveur de la réforme soumise au prince régent d’Arabie saoudite Abdallah, signée par une centaine d’intellectuels et d’universitaires. Ian Urbina est rédacteur au Middle East Research and Information Project (MERIP) de Washington.
[RESUME] De Washington au sommet arabe, il est beaucoup question de réforme en Arabie saoudite en ce moment. Malheureusement, les États-Unis agissent comme si aucune force ne soutenait la réforme à l’intérieur du pays alors que des intellectuels et des citoyens saoudiens poussent au changement depuis la prise de conscience de la fragilité du pays suite à la première Guerre du Golfe.
Ces réformistes souhaitent une transformation du système éducatif afin que le pays s’ouvre plus sur le monde, mais ils demandent surtout des réformes politiques et sociales. Il faut une séparation des pouvoirs avec une justice indépendante et un Parlement avec un pouvoir de surveillance du gouvernement. Les droits des femmes et la liberté d’expression doivent être également accrus.
En Arabie saoudite et dans les autres pays arabes, il existe un sentiment de frustration croissant lié à la crise économique, à l’inaction face au drame des Palestiniens et à cause de l’accord tacite des gouvernements à une guerre en Irak. Le président Bush justifie sa guerre par la réforme, mais la guerre déstabilise les sociétés. Ce n’est pas un précurseur de la démocratie et la guerre en Irak n’a rien à voir avec la promotion de la démocratie. Le seul intérêt réel des États-Unis dans la région, c’est le pétrole.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter