« C’est le bon moment pour les États-Unis de quitter l’Arabie saoudite »

The time is right for US to pull out of Saudi Arabia
The Scotsman (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Francis Fukuyama est professeur d’économie politique internationale à la School of Advanced International Studies de la Johns Hopkins University. Il est l’auteur de La Fin de l’histoire et, plus récemment, de Our Posthuman Future.

[RESUME] Les États-Unis ont démontré leur force en Irak et ont atteint le zénith de leur puissance. Ils doivent profiter de cette position de force exceptionnelle. Il ne faut pas s’attaquer à un nouvel adversaire et il ne faut pas étendre notre empire comme certains le réclament. Au contraire, il faut se replier et profiter de la victoire pour retirer les troupes stationnées en Arabie saoudite, depuis 1991, et maintenues sur place pour surveiller la zone d’exclusion aérienne du Sud de l’Irak.
Ces bases ont toujours été mal vues par la population et sont une source d’instabilité. Ainsi, elles furent parmi les premières cibles de Ben Laden, en 1996. Elles sont aujourd’hui inutiles et un retrait de nos troupes montrerait au monde arabe que les États-Unis ne sont pas venus dans la région pour la conquérir. En plus de cela, si l’Arabie saoudite n’est pas vraiment devenue un ennemi avec le 11 septembre, il faut reconnaître que nous n’avons pas que des amis dans le royaume. Il nous est reproché notre hypocrisie en raison de nos relations avec le royaume alors que nous prétendons défendre la démocratie. Après le 11 septembre, un retrait de nos troupes aurait été vu comme une capitulation, mais aujourd’hui cela sera vu comme un acte de magnanimité
Dans ma thèse La Fin de l’histoire, j’expliquai que le monde était engagé dans un processus de modernisation qui pousse vers la démocratie libérale et l’économie de marché. Or, sur le long terme, l’islamisme n’offre pas une alternative crédible car il ne s’adresse pas aux non-musulmans et il ne répond pas aux aspirations des musulmans.

« Qui est le prochain sur la liste ? »

Who’s next in line ?
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] L’administration Bush a expliqué à la Syrie qu’elle pourrait être le prochain pays libéré dans la guerre au terrorisme, ce qui a horrifié les opposants à George W. Bush. Ils devraient pourtant retenir de la guerre en Irak que c’est parce que Saddam Hussein a cru pouvoir compter sur les pacifistes pour éviter la guerre qu’il a pensé pouvoir sauver son régime et qu’il a rendu la guerre plus probable.
La rapide destruction du régime irakien a envoyé un signal fort aux pays restant de l’« Axe du Mal » et aux autres États voyous, comme la Syrie. Ils ont compris qu’ils risquent le même sort que l’Irak s’ils ne changent pas d’attitude. La Syrie doit tout particulièrement changer de comportement. Comme l’Irak, elle soutient et abrite des organisations terroristes internationales et elle cherche à acquérir des armes de destruction massive, dont peut-être les armes irakiennes. En outre, Damas abrite les responsables du régime irakien, d’après Donald Rumsfeld, et a fourni des armes à l’Irak pour combattre les États-Unis.
Malgré les hésitations de la CIA et du département d’État, Washington doit employer tous les moyens nécessaires pour modifier le comportement de Damas ou changer le régime. Dans cette dernière hypothèse, cela permettrait de libérer deux pays : la Syrie et le Liban. Cela priverait de nombreuses organisations terroristes sévissant en Israël de base arrière, permettant ainsi de relancer le processus de paix israélo-palestinien.
La transformation de la région aura marqué une avancée décisive quand nous serons également parvenus à transformer ou à changer les régimes en Iran et en Arabie saoudite.

« Le prochain à partir : Yasser Arafat »

The Next to Go : Yasir Arafat
New York Times (États-Unis)

[AUTEUR] David Makovsky est membre du Washington Institute for Near East Policy et il est l’auteur de Making Peace with the P.L.O.

[RESUME] Il est de rigueur en Europe et dans le monde arabe d’affirmer que le problème du Proche-Orient vient du manque d’engagement de Washington dans le processus de paix israélo-palestinien. Pourtant, les États-Unis se sont engagés et les Européens et les Arabes devraient faire de même.
Pendant que tout le monde était focalisé sur l’Irak, Yasser Arafat a été obligé d’accepter Salam Fayyad comme ministre des Finances et Mahmoud Abbas comme Premier ministre. Ces changements lui ont été imposés par la résolution affichée par Israël de ne pas céder à la violence et par le discours de George W. Bush de juin dernier affirmant qu’Arafat n’était pas un interlocuteur légitime. En outre Arafat a dû faire face à une opposition interne dénonçant la corruption de son régime et son autoritarisme. L’Union européenne et l’ONU ont également soutenu les nominations de Messieurs Fayyad et Abbas.
Malheureusement, Yasser Arafat peut continuer à nuire. C’est pourquoi les Européens et les Arabes doivent affirmer publiquement qu’ils n’ont pas confiance en lui afin de favoriser la succession. Les pays arabes doivent aussi cesser de financer le terrorisme. Israël, en échange, doit cesser l’expansion de ses colonies.

« Qui est la prochaine cible ? L’ONU »

Who’s the next target ? The UN
National Post (Canada)

[AUTEUR] David Frum a été le rédacteur des discours de George W. Bush et notamment le discours de l’ « Axe du mal ». Il est rédacteur de National Review et membre de l’American Enterprise Institute. Il est auteur d’une hagiographie de George W. Bush : The Right Man : The Surprise Presidency of George W. Bush.

[RESUME] La prochaine cible de la guerre au terrorisme pourrait bien être l’ONU. Cette organisation essaye de s’insinuer dans la reconstruction de l’Irak. Kofi Annan a affirmé que seule une résolution de l’ONU pourrait donner une légitimité à la libération de l’Irak.
En réalité, l’ONU n’a aucune légitimité à donner car, en 30 ans de guerre contre le terrorisme et les États terroristes, elle a toujours été, ou presque, du mauvais côté. Depuis 1972, et l’attaque de Munich, l’ONU a passé des douzaines de résolutions contre Israël et très peu contre le terrorisme. De même, l’ONU a conservé Saddam Hussein au pouvoir pendant 12 ans avec l’aide de la France et de la Russie en empêchant qu’on s’en prenne à l’Irak et en regardant ailleurs quand Saddam Hussein détournait l’argent du programme « pétrole contre nourriture » pour s’acheter des armes.
Les États-Unis sont en train de construire un Irak libre et personne ne veut que les alliés irakiens de Saddam Hussein en fassent partie. Alors, pourquoi inviterions-nous ses alliés étrangers en France, en Russie, en Allemagne et en Syrie ? Si l’ONU avait un rôle en Irak, cela permettrait à la France de garder secrets les documents qui prouvent une relation entre Saddam et Jacques Chirac.
En outre, l’ONU est notoirement incompétente pour traiter les problèmes du terrorisme. C’est au nom de la charte de l’ONU qu’Israël a été condamné pour avoir détruit une centrale nucléaire irakienne construite par les Français. La Charte n’a en revanche rien à dire contre l’usage de la force par des organisations non-étatiques.
La seule légitimité d’un gouvernement vient de celle donnée par les gouvernés. Le gouvernement irakien sera légitime quand il sera élu.

« Reconstruire l’Irak II : Non, l’ONU doit faire ce travail »

Rebuilding Iraq II : No, the UN is right for the job
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Joseph S. Nye est ancien secrétaire adjoint à la Défense (1994-1995). Il est doyen de la Kennedy School of Government de l’université d’Harvard et auteur de The Paradox of American Power.

[RESUME] Pour les néo-conservateurs, comme Richard Perle dans sa tribune du Guardian « Thank God for the death of the UN », la guerre en Irak a permis à la fois la chute de Saddam Hussein et celle de l’ONU.
Donald Rumsfeld voudrait minimiser le rôle de l’ONU dans l’Irak de l’après-guerre, mais elle reste nécessaire pour ne pas délégitimer les États-Unis davantage dans le monde. En effet, plus la menace d’un empire américain apparaîtra comme importante, plus il sera difficile pour Washington de bénéficier de l’aide de ses alliés démocratiques, en raison de la pression des opinions publiques. Ceux, dans l’administration Bush, qui veulent diminuer le rôle de l’ONU et créer une organisation des démocraties devraient se souvenir que le problème de la légitimité des États-Unis se pose surtout dans les démocraties.
Cela ne veut pas dire que nous devrions tout abandonner à l’ONU, mais il faut lui laisser un rôle vital pour utiliser les mots de George W. Bush, Tony Blair et du département d’État. L’ONU devra s’occuper des tâches humanitaires, des liens avec les ONG, des procès des criminels de guerre et de la reconstruction du système judiciaire. La Banque mondiale aidera à la redistribution des revenus du pétrole et une conférence internationale installera un nouveau gouvernement en Irak.

« Reconstruire l’Irak I : l’ONU n’est pas apte à faire ce travail »

Rebuilding Iraq I : The UN is not up to the job
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] S. Neil MacFarlane est professeur de relations internationales à Oxford et membre du Geneva Center for Security Policy.

[RESUME] Il est surréaliste d’observer, dans le débat concernant la reconstruction de l’Irak, certains affirmer que deux grandes puissances qui ont payé avec leur sang et leur argent pour gagner cette guerre devraient laisser la place à une organisation qui a refusé de les soutenir. Il y a, en outre, de sérieuses raisons de penser que l’ONU n’est pas la mieux placée pour reconstruire efficacement l’Irak.
Les expériences du Kosovo et du Timor Oriental ne laissent pas présumer la possibilité pour l’ONU d’administrer un pays de 22 millions d’habitants dont la pacification n’est pas terminée et demandera encore du temps. De plus, l’ONU n’est pas un acteur cohérent. C’est une confédération d’agences pas toujours compétentes, souvent en concurrence et avec un secrétaire général ayant des pouvoirs faibles.
La reconstruction de l’Irak ne saurait tolérer cette faiblesse. Elle nécessite de l’autorité, de la coordination et de la cohérence, éléments que la direction de l’ONU par le Conseil de sécurité ne saurait donner. Ainsi, si les agences de l’ONU ont un rôle important à jouer dans le domaine humanitaire, l’ONU doit surtout permettre à une autorité irakienne par intérim de se former.

« Les barrières commerciales perpétuent la pauvreté »

Trade barriers perpetuate poverty
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEURS] Cet article a été signé par les ambassadeurs à l’OMC de l’Argentine, l’Australie, la Bolivie, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, la Nouvelle Zélande, le Paraguay, les Philippines, l’Afrique du Sud, la Thaïlande et l’Uruguay.

[RESUME] L’échec des négociations sur la libéralisation des échanges de produits agricoles est un sérieux coup d’arrêt pour les négociations de Doha de l’OMC. Tant que certains s’opposeront à la réforme de leur agriculture, nous ne parviendrons pas à un accord, ce qui serait nocif pour le développement et le commerce mondial en général.
Les négociations de Doha avaient pour objectif d’entraîner de vraies réformes afin de lutter contre les inégalités. Il faut cesser de subventionner les exportations et ouvrir les marchés aux produits tropicaux. Le Groupe Cairns s’oppose aux 300 milliards de dollars de subventions versées à l’agriculture dans les pays riches et pense que la libéralisation des échanges entraînera la croissance pour tous. L’Union européenne a bénéficié pendant des années de la libéralisation des échanges et elle doit aujourd’hui accorder cette possibilité aux autres pays.
Jacques Chirac a proposé que les exportations à destination des pays de l’Afrique subsaharienne ne soit plus subventionnées. C’est une première reconnaissance des dommages que peuvent causer les subventions. Les États-Unis ont affirmé qu’ils arrêteraient de subventionner leur agriculture si les autres le faisaient également. Nous devons donc négocier avec l’Europe et le Japon.

« La Coalition sur le banc des accusés »

Coalition in the dock
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Richard Overy est un historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Il est l’auteur de Interrogations : Inside the Mind of the Nazi Elite et de Russia’s War.

[RESUME] Les crimes de guerre sont toujours perpétrés par les vaincus. C’est pourquoi, en 1945 à Nuremberg, le bombardement des villes allemandes et les crimes soviétiques ne furent pas jugés.
Si Saddam Hussein est capturé vivant, s’il n’est pas assassiné par les troupes états-uniennes, il devra comparaître pour crime contre l’humanité et il ira peut-être rejoindre Slobodan Milosevic à La Haye. Pourtant, cette fois-ci, la situation pourrait être différente, car l’opinion publique mondiale considère l’invasion de l’Irak comme une agression et la coalition a commis des crimes en pulvérisant la résistance irakienne.
Un dossier d’accusation contre la Coalition anglo-états-unienne aurait trois éléments principaux :
 Les États-Unis et le Royaume-Uni ont conduit une guerre illégale, sans accord de l’ONU, et le fait que Saddam Hussein ait désarmé ou non n’y change rien.
 Les États-Unis et le Royaume-Uni ont tué des milliers de civils.
 Les prisonniers de guerre irakiens ont été maltraités et n’ont pas eu accès aux soins de la Croix rouge.
Personne ne croit vraiment que George W. Bush et Tony Blair seront inculpés. La loi internationale ne s’appliquant qu’aux États les plus faibles. Cela a été marquant durant la campagne d’Irak, où des actes commis par la Coalition n’étaient présenté comme des crimes de guerre que lorsqu’ils étaient le fait des Irakiens.
En trois semaines, la violence de la Coalition a détruit 60 ans d’efforts pour établir des lois gérant les relations entre États.