« Associer la force et le droit »

Teaming might and rights
Ottawa Citizen (Canada)
Cet article est tout d’abord paru dans le Wall Street Journal (États-Unis).

[AUTEUR] Sergio Vieira de Mello est le Haut commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme.

[RESUME] L’ONU fait actuellement face à une crise majeure et si nous ne parvenons pas à la résoudre, nous nous exposons à de graves conséquences pour l’ordre du monde.
Lors de la crise irakienne, les puissances ont été incapables de parler la même langue et de s’accorder sur la place de l’ONU. Selon moi, le seul moyen de retrouver un langage commun est de nous interroger sur le lien unissant les Droits de l’homme et la sécurité. Concernant l’Irak, le Conseil de sécurité a discuté de la question des armes de destruction massive, mais il a ensuite été incapable de se mettre d’accord sur la question du danger que faisait courir un régime violant les Droits de l’homme. Sur cette question, des membres de la Commission des Droits de l’homme de l’ONU et du Conseil de sécurité se sont rejeté les responsabilités. Tous ont été incapables de comprendre que les questions des Droits de l’homme sont souvent liées à celles ayant trait à la sécurité. Les membres du Conseil de sécurité, et surtout les membres permanents, doivent reconnaître cette évidence qui a entraîné le génocide du Rwanda et les massacres de Srebrenica.
Tant que les États mettront en avant leur rivalité plutôt que la discussion, ils auront tort de blâmer Kofi Annan et l’ONU, qui ont toujours tenté de promouvoir le consensus, sans parvenir à l’obtenir. Il est grand temps pour les États de redéfinir la sécurité collective.

Seuls les inspecteurs de l’ONU peuvent aider à la chasse aux armes »

U.N. Inspectors Can Only Help in Weapons Hunt
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Jonathan B. Tucker est membre de l’United States Institute of Peace, un organisme dépendant du Congrès. Il a été inspecteur en désarmement en Irak, spécialisé sur les armes biologiques en 1995, et membre du Center for Nonproliferation Studies du Monterey Institute for International Studies.

[RESUME] L’administration Bush a commis une grave erreur en refusant le retour des inspecteurs de l’ONU et de l’International Atomic Energy Agency en Irak car, non seulement leur expertise était précieuse mais en plus, sans eux, les inspections de la coalition n’ont aucune légitimité.
Pour l’administration Bush, Hans Blix et Mohamed ElBaradei ont sapé les efforts des États-Unis pour démontrer les violations de la résolution 1441 par Saddam Hussein avant la guerre. L’administration ne voit pas quelle valeur auraient des inspections de l’ONU qui feraient double emploi avec ses propres inspecteurs. Pourtant, accepter leur retour empêchera le développement de théories conspirationistes en cas de découverte d’armes de destruction massive par les membres de la coalition. En outre, les inspecteurs connaissent le terrain et ils ne seront pas de trop, vu la taille de l’Irak. Il faudra simplement se répartir les tâches et les inspecteurs de la Coalition pourraient ainsi interroger les dirigeants irakiens pendant que les inspecteurs étudieraient les documents trouvés et les sites pouvant avoir un double usage afin de s’assurer que le prochain gouvernement d’Irak n’acquerra pas d’armes de destruction massive.
Pour que l’administration Bush accepte ce plan, il faudra toutefois que Hans Blix, contre lequel elle a un fort grief, démissionne avant le terme de son mandat en juin.

« L’arme politique contre la faim »

L’arme politique contre la faim
Liberation (France)

[AUTEUR] Jacques Diouf est directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (OAA/FAO).

[RESUME] Lors des sommets mondiaux de l’alimentation en 1996 et en 2002, la communauté internationale a pris l’engagement de diminuer de moitié, d’ici à 2015, le nombre de personnes souffrants de faim ou de malnutrition. Il est temps que cette volonté se traduise dans les actes par une augmentation de la part consacrée à l’agriculture dans les pays du Sud et de la part de l’aide du Nord au secteur agricole dans ces pays.
Aujourd’hui, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 840 millions de personnes souffrent de la faim, dont 200 millions dans l’Afrique subsaharienne (soit un habitant sur trois). Cela s’explique surtout par les conflits, mais aussi par la faible productivité des cultures dans ces pays et la faiblesse de l’aide au développement consacrée à l’agriculture, puisqu’elle ne représente que 7,4 % (un montant qui a diminué de 50 % entre 1990 et 2000). Tout se passe comme si la communauté internationale était prête à apporter une aide alimentaire, mais pas à affronter les causes du problème. En outre, les pays développés subventionnent leur agriculture à hauteur de 300 milliards de dollars. Les conditions d’accès au commerce international pour les pays en voie de développement sont loin d’être équitables.
Pour y remédier, l’OAA, en plus de l’aide au développement agricole, a dispensé une formation à 800 experts en provenance de pays en voie de développement pour qu’ils soient plus efficaces lors des négociations de l’OMC. Nous avons constaté que notre action sur le terrain porte ses fruits. Cela prouve que la lutte contre la famine n’est qu’une question de volonté politique.

« Galloway est un escroc - comme c’est pratique »

Galloway’s a crook - how convenient
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Scott Ritter a été inspecteur en désarmement en Irak de 1991 à 1998 et chef de l’équipe de recherche sur les caches d’armes. Il s’est opposé à la guerre en Irak.

[RESUME] J’ai été choqué par les allégations, fondées sur des documents en provenance d’Irak, selon lesquelles George Galloway aurait été payé par l’Irak pour défendre sa cause. Si cela est vrai, cela porterait atteinte à un homme que je respecte, mais le fait que cette information arrive au terme d’une grande campagne pour le décrédibiliser me fait douter de sa véracité. Il faut cependant que j’admette que je ne sais pas s’il est innocent ou coupable.
Tout ce que je sais de George Galloway, c’est qu’il a créé une association qui a permis de sauver une fillette irakienne atteinte d’une leucémie et qu’il présidait l’association d’amitié irako-britannique à une époque où cela était politiquement incorrect. Il dénonçait alors la dictature de Saddam Hussein comme il dénonçait l’embargo et exprimait une réelle compassion. Il a également condamné la guerre et dénoncé la faiblesse du dossier d’accusation contre l’Irak, avis que je partage.
On peut noter, par ailleurs, qu’on n’a toujours pas trouvé les armes de destruction massive irakiennes. S’il s’avérait que la politique britannique s’est fondée sur un mensonge, il faudrait que Tony Blair et son gouvernement s’en expliquent. La population britannique a donc plus que jamais besoin d’une voix pour l’opposition. Les Britanniques doivent se rappeler que c’est Blair, et pas Galloway, qui leur doit des explications.

« Pourquoi Bush ne s’attaquera pas à la Syrie… durant ce mandat »

Why Bush won’t move on to Syria ... this term
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Dennis Jett est doyen de l’International Center de l’University of Florida. Il est ancien directeur sur les questions africaines du National Security Council sous l’administration Clinton et conseiller du Carter Center sur les questions africaines.

[RESUME] Les analystes qui pensent que la guerre a changé avec la guerre en Irak et que le modèle qui a été appliqué là-bas est transposable partout se trompent comme ceux qui craignent que l’administration Bush s’en prennent désormais à la Syrie, l’Iran la Libye ou la Corée du Nord. Même si le Pentagone est persuadé qu’il peut mener une nouvelle guerre immédiatement, les analystes politiques de la Maison Blanche ne veulent pas d’une seconde guerre durant ce mandat présidentiel.
L’accroissement de la précision des armes ne change pas totalement la nature de la guerre. Toutefois, il faut bien vendre une guerre pour justifier l’augmentation des dépenses militaires permettant de fonder la politique étrangère des États-Unis sur la domination militaire. Sans guerre acceptée par l’opinion, les néo-conservateurs ne peuvent pas justifier leur programme et la guerre en Afghanistan n’était pas une démonstration suffisante. Imaginez le dommage qu’auraient subi les néo-conservateurs si Saddam Hussein avait coopéré et les inspections réussies : cela aurait démontré que le multilatéralisme fonctionnait et que les Européens ayant de faibles dépenses militaires étaient parvenus à résoudre le problème.
Les néo-conservateurs avaient donc besoin de cette guerre et Saddam Hussein était la cible parfaite. Toutefois, il n’existe plus de cible présentant à la fois la méchanceté et la faiblesse du régime irakien. En réalité, l’un des véritables buts de la guerre est d’empêcher un changement de régime à Washington.

« L’Europe a besoin de prendre une autre voie sur l’immigration »

Europe needs a new way with migrants
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Theo Veenkamp est directeur de la stratégie au ministère de la justice néerlandais et il est ancien directeur général de l’agence néerlandais pour l’accueil des réfugiés. Il est coauteur du rapport : People Flow : Managing migration in a New European Commonwealth.

[RESUME] Beaucoup de pays d’Europe font face à un dilemme : pour des questions de sécurité, le contrôle des frontières leur paraît plus nécessaire qu’avant, alors même qu’il est devenu plus difficile d’exercer un contrôle et que cette politique a créé un trafic d’humain organisé par les réseaux criminels. Il faut donc changer d’approche pour ne pas pousser les immigrants dans l’illégalité et à la merci de groupes criminels
Les immigrés illégaux représentent 15 % du nombre total d’immigrés en Europe, mais 30 % des nouveaux arrivants. Il nous faut accepter que le développement de la mobilité est une conséquence logique de la globalisation. Il faut donc organiser l’arrivée des migrants en mettant en place des centres de transit aux frontières et des procédures permettant de différencier les visiteurs, des travailleurs et des réfugiés et les voyageurs pourraient alors disposer d’un visa temporaire valable dans toute l’Europe. Il faudra simplifier les procédures pour obtenir ces visas afin de ne pas pousser les migrants à se tourner vers les réseaux illégaux et développer la coopération des services des différents pays européens afin d’assurer le suivi de cette population.
Ce système ne sera pas facile à mettre en place, mais il devrait permettre d’avoir des flux migratoires plus transparents et une politique répondant mieux aux besoins économiques et démographiques de notre continent.