« La feuille de route contre la réalité »

Road Map vs. Reality
Washington Post (États-Unis)

[AUTEURS] Gareth Evans est président de l’International Crisis Group. Il est ancien ministre des affaires étrangères australien (1988-1996). Il a été rapporteur sur les questions de sécurité du Forum économique mondial de Davos. Robert Malley est directeur du Middle East Program de l’International Crisis Group. Il a été l’assistant spécial du président Bill Clinton sur la question israélo-arabe (1998-2001). L’international Crisis Group vient de publier un rapport sur la feuille de route, intitulé A Middle East Roadmap to Where ?.

[RESUME] La « feuille de route » n’a aucune chance d’être mise en application alors qu’il est crucial qu’elle le soit. Ce texte n’est malheureusement qu’une succession d’étapes par lesquelles devraient passer les Israéliens et les Palestiniens. Il ne prévoit aucune méthode de vérification ou d’indication sur ce qui devrait être fait si les engagements ne sont pas réalisés ou si le calendrier n’est pas respecté. Elle continue à suivre une logique séquentielle qui avait conduit les accords d’Oslo à l’échec et ne définit pas les termes de l’accord
Pourtant, la feuille de route n’est pas totalement inutile car elle permet de rappeler aux différentes parties en présence les principes et les objectifs de la négociation. En outre, elle offre la possibilité d’entraîner une transformation des pratiques politiques chez les Palestiniens, qui doivent admettre que la force armée doit être le monopole du pouvoir central ; chez les Israéliens, qui doivent cesser les provocations inutiles et doivent choisir des gouvernants qui comprennent ce qui est nécessaire pour faire la paix ; pour les États-Unis qui doivent se ré-impliquer dans le processus de paix israélo-palestinien.
Il y a autant de raison d’espérer que de désespérer vu le contexte international. En réalité, l’utilité de la feuille de route tient à son existence, pas à son contenu.

« La feuille de route est un piège au Moyen-Orient »

Mideast road trap
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] Dans son discours où il accusait le département d’État de saboter la politique de George W. Bush, Newt Gingrich prenait pour exemple la « feuille de route ». Il affirmait que ce plan qui associe à la négociation l’Union Européenne (et la France), la Russie et l’ONU affaiblirait la position du président Bush sur la question israélo-palestinienne.
Gingrich a raison. Vu la composition du quartet, on peut penser que les trois autres partenaires vont essayer de dicter sa conduite à Israël, pays auquel ils sont hostiles, et de transformer profondément les propositions de M. Bush. Ainsi, le président avait réclamé en juin que ni Arafat, ni une autre personne associée au terrorisme, ne soit considéré comme un interlocuteur valable. Cela a seulement entraîné la nomination de Mahmoud Abbas, connu sous le nom de guerre d’Abu Mazen (ce qui en dit long sur lui), alors que celui-ci est un fidèle lieutenant d’Arafat. Le président avait affirmé qu’un État palestinien ne pourrait voir le jour qu’après l’abandon du terrorisme, mais le quartet n’exige rien de tel et prévoit la création d’un État palestinien qui laissera Israël incapable de se défendre en 2005.
La feuille de route est un piège pour Israël. Ce programme est absurde alors que notre victoire en Irak nous offre la possibilité d’une véritable paix entre Israël et de nouveaux régimes arabes non-radicaux.

« Les néo-conservateurs sans masques »

The neoconservatives unmasked
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Joshua Muravchik, néo-conservateur déclaré, est membre de l’American Enterprise Institute. Il travaille au sein de plusieurs organismes de communication satellites de la CIA. Il est l’auteur de Heaven on Earth : The Rise and Fall of Socialism.

[RESUME] Dans les journaux du monde entier, les néo-conservateurs sont présentés comme un groupe mystérieux qui est responsable de la guerre en Irak, de la rhétorique de l’« Axe du Mal », de la guerre au terrorisme et d’avoir détourné la politique de George W. Bush.
Les néo-conservateurs sont apparus dans les années 70 et désignent les libéraux au sens réel du terme, attaché à l’idéologie d’Harry Truman et opposés à la rébellion des années 60. Beaucoup d’entre eux ont rejoint le parti Républicain dans les années 80 en réponse à la politique de Reagan de rupture avec la traditionnelle volonté de détente de son parti. Les néo-conservateurs devinrent les plus déterminés des anticommunistes de l’administration Reagan.
Idéologiquement, les néo-conservateurs soutiennent le renforcement de la puissance militaire des conservateurs traditionnels. Il y ajoutent la volonté de défendre les valeurs des États-Unis partout dans le monde. Ainsi, la guerre au terrorisme porte la marque des néo-conservateurs par son utilisation de la puissance militaire, par son idéologie et par sa rhétorique issue de la Guerre froide, mais cela ne veut pas dire que nous dictons la politique de George W. Bush. Après tout Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice et Dick Cheney ne sont pas des néo-conservateurs et il est difficile de savoir en fonction de qui ou de quoi, le président prend ses décisions.
Quoi qu’il en soit les néo-conservateurs ne sont pas une cabale secrète qui tire les ficelles dans l’ombre, c’est un courant politique parmi d’autre qui affirme publiquement ses opinions.

« Vérifier tous les faits »

Verifying all the facts
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Nail Al-Jubeir est directeur de l’information à l’ambassade saoudienne aux États-Unis.

[RESUME] L’augmentation de l’attention portée au Proche-Orient lors des deux dernières années a développé en parallèle la présence de pseudos experts de la région, affirmant des demies vérités. Ils sont mis sur le même plan que de véritables experts qui, eux, sont incapables de rendre compte de la complexité du monde arabe. Des avis idéologiquement orientés sont donc émis, puis repris par les journalistes, car leur simplisme les rend faciles à répéter.
L’Arabie saoudite est victime de cette situation. En effet, bien que le royaume ait entrepris de grands efforts pour lutter contre le terrorisme et ses réseaux de financement, fait reconnu par de nombreux dirigeants états-uniens, beaucoup croient, à cause de la répétition de fausses infos que l’Arabie saoudite ne lutte pas réellement contre les terroristes. Pourtant, George Tenet, le directeur de la CIA a reconnu l’importance de notre aide dans la lutte contre Al Qaïda et nous avons réformé nos associations caritatives afin de nous assurer qu’aucune ne puisse utiliser ses fonds pour financer des terroristes. George W. Bush et Colin Powell ont reconnu ce travail.
Heureusement pour l’Arabie saoudite, ceux qui sont chargés de traiter avec le royaume aux États-Unis sont de vrais experts ayant des informations correctes.

« Comment l’Allemagne a perdu la guerre d’Irak et son amitié avec les États-Unis »

How Germany lost the Iraq war and its friendship with the US
Taipei Times (Taiwan)

[AUTEUR] Michael Mertes est un ancien conseiller du chancelier allemand Helmut Kohl. Il est membre de Dimap Consult, un think tank commercial basé à Bonn et Berlin. Cette tribune est diffusée par Project Syndicate.

[RESUME] L’Allemagne est l’un des grands perdants de la guerre en Irak. Elle a perdu de l’influence en Europe, malgré l’annonce de la création d’une armée européenne, et dans le monde. Elle a perdu son statut de médiateur entre la France et les États-Unis et le soutien états-unien pour obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. En outre, les institutions multilatérales sur lesquelles s’appuient sa politique internationale, l’ONU et l’OTAN, ont été affaiblies et les États-Unis semble désormais vouloir s’appuyer sur des coalitions ad hoc.
Les relations germano-américaines ont souffert de l’attitude que Gerhard Schroeder a adopté pour gagner les élections malgré la crise économique et l’accroissement du chômage. La confiance sera difficile à retrouver. Les États-Unis ont déjà annoncé qu’ils allaient retirer une partie de leurs troupes stationnées en Allemagne pour les redéployer en Europe. L’attitude choisie par Schroeder l’a poussé à se rapprocher de la Russie. Cela a conduit les pays de l’Est à se rapprocher des États-Unis et de la Grande-Bretagne.
Le prestige de l’Allemagne est aujourd’hui affaibli. Il faut que le chancelier comprenne que le gaullisme ne va pas à l’Allemagne et que c’est la politique étrangère traditionnelle qui a permis la réunification. En outre, si l’Allemagne veut accroître son poids diplomatique, il faut qu’elle cesse de croire que seul le pouvoir civil suffit. Elle doit augmenter ses dépenses militaires.

« Irak-Kosovo : deux poids, deux mesures »

Irak-Kosovo : deux poids, deux mesures
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Épouse de l’ancien ministre français de la Défense, Charles Millon, Chantal Delsol est philosophe catholique, auteur de La République : une question française. Elle est réputée proche de l’Opus Dei.

[RESUME] Pourquoi, alors que les arguments pour les deux guerres étaient semblables, les gouvernants et l’opinion en France ont-ils désavoués la guerre en Irak et soutenu celle du Kosovo ? Pourquoi renverser la tyrannie à Belgrade justifiait-il des dommages collatéraux qui n’étaient pas admissibles en Irak ? La proximité géographique (Milosevic sévissaient en Europe à la différence de Saddam Hussein) n’a jamais été évoquée par les opposants à la guerre en Irak qui se sont contentés de rappeler que leur opposition à la guerre avait comme fondement le respect du droit. Pourtant, la guerre au Kosovo n’avait pas plus de bases légales que celles d’Irak.
Lors de la guerre au Kosovo, la France se faisait la championne du droit d’ingérence car elle avait l’impression qu’elle contrôlait la situation, même si rien n’aurait été possible sans les Américains. Dans le cas de l’Irak, la France a craint de se vassaliser en suivant les États-Unis. Elle a donc préféré mettre ses idéaux et le droit d’ingérence au placard pour afficher sa différence. Cette attitude prouve que pour nous le souci international n’est pas le terrorisme ou les États-tyrans, mais la hauteur de notre voix. La France a préféré prendre la tête d’une coalition hétéroclite d’États totalitaires et d’États pacifistes manipulés par les premiers, plutôt que d’accepter le rang moyen qui est le sien.
Bien entendu, on peut être agacé par l’attitude de l’Amérique et discuter sa politique et l’efficacité de la guerre au terrorisme, mais l’attitude de la France est clairement guidée par la rancœur. On ne peut structurer aucune politique digne de ce nom de la sorte.