Paul Labarique

Les multiples tentatives de l’administration Bush pour renverser Aleksandr Loukatchenko et faire basculer la Biélorussie dans l’orbite atlantique ont échoué. Non pas que le très autoritaire président ait été particulièrement soutenu par la Russie, mais parce qu’il s’est appuyé sur ses électeurs. Appréciant la bonne gestion économique du pays et le maintien de son indépendance, les Biélorusses se sont méfiés d’une opposition trop ouvertement soumise aux intérêts de Washington.

Depuis l’effondrement et la dissolution de l’URSS, les États-Unis ont multiplié les coups fourrés pour prendre le contrôle des États de la région et encercler la Russie. S’ils ont réussi avec les mêmes méthodes douces en Yougoslavie, en Géorgie et en Ukraine, ils ont échoué en Biélorussie. Ce particularisme tient à la fois à l’identité biélorusse et à l’expulsion systématique des agents états-uniens par le gouvernement d’Aleksandr Loukachenko.

Condoleezza Rice vient de prêter serment comme secrétaire d’État des États-Unis. Elle est la première femme noire à accéder à cette fonction. Personnalité cultivée et brillante, elle a mené carrière à l’université, dans le secteur pétrolier et en politique. Sœur adoptive de Madeleine Albright, elle a toujours rassuré les milieux WASP en s’opposant farouchement aux revendications des minorités. Soviétologue, elle s’est spécialisée dans le containment de la Russie, même après l’effondrement de l’URSS.

Dans son discours d’investiture, le président George W. Bush a élevé l’expansion de la liberté dans le monde au rang de vocation religieuse et d’objectif principal de la politique étrangère et militaire des États-Unis. Pour réaliser cette mission paradoxale de contraindre les peuples à la liberté, Condoleezza Rice sait pouvoir s’appuyer sur le projet de « Communauté des démocraties » élaboré par son prédécesseur Madeleine Albright.

Habile manœuvrier, Donald Rumsfeld s’est opposé au sein du Parti républicain au réalisme d’Henry Kissinger. Loin d’être belliciste par idéologie, ce disciple de Machiavel s’est fait faucon pour faire rêver les États-uniens de grandeur après l’humiliation du Vietnam. Mêlant politique et affaires avec son ami Franck Carlucci, il a accumulé influence et fortune. Écarté de la course à la Maison-Blanche au profit de George Bush père, il a poursuivi son chemin jusqu’à atteindre le pouvoir suprême dans l’ombre de sa marionnette, George Bush fils.

Depuis trente ans, Paul Wolfowitz participe à presque tous les cabinets civils du Pentagone. Intellectuel brillant, disciple de Léo Strauss, il justifie de la guerre par l’extension de la démocratie de marché. Il s’est fait une spécialité d’inventer des menaces imaginaires pour justifier de nouveaux crédits et de nouvelles aventures. Il a théorisé les interventions préventives et l’intimidation des « compétiteurs émergeants ». N’hésitant pas à s’ingérer dans la tactique militaire, il a imposé ses conceptions aux officiers de terrain.

La théorie selon laquelle la destruction du World Trade Center à New York et la fabrication de fausses cartes à puce dans une banlieue française participent du plan conduit par une seule et unique organisation terroriste mondiale trouve sa confirmation dans les aveux des « repentis d’Al Qaïda ». Mais à y regarder de plus près, ces repentis sont rares et leurs témoignages sont douteux, voire pas crédibles du tout. Bien qu’à ce jour aucun tribunal n’ait admis les prétendus liens entre des attentats commis en Europe et Al Qaïda, dont pourtant ces repentis témoignent, experts et journalistes persistent à échafauder des hypothèses et à préconiser des politiques sur la foi de ces dépositions.

Gale Norton a deux visages : lorsqu’elle s’adresse aux électeurs, c’est une avocate écologiste et pacifiste qui milite pour la dépénalisation des drogues douces et la dissolution de la CIA. Mais lorsqu’elle est secrétaire à l’Environnement de l’administration Bush, elle ne fréquente plus que des associations d’extrême droite, plaide pour ce qu’elle appelle « le droit constitutionnel des industriels à polluer » et s’applique à saboter le Protocole de Kyoto. Elle incarne la capacité des multinationales états-uniennes à communiquer sur la « valeur-liberté » pour mieux garantir leur impunité.

Pour répandre la pensée libertarienne, Sir Antony Fisher a créé 90 instituts dans le monde. Au centre de cette toile, le Manhattan Institute de New York joue le rôle de briseur de tabous. La « Révolution conservatrice » qu’il promeut veut éliminer la contre-culture des années 60 et en finir avec le féminisme. Surtout, elle vise à démanteler les services sociaux et à repousser les populations noires et pauvres hors de la mégalopole. C’est là qu’ont été élaborés les discours de l’intolérance moderne : l’inadaptabilité des Noirs, le « zéro tolérance » face aux incivilités et la « compassion basée sur la foi ». C’est là qu’ont été formés les politiciens républicains de la Côte Est comme Rudolf Giuliani.

Dov S. Zakheim est une figure à part dans le dispositif néo-conservateur mis en place autour de George W. Bush. Rabbin reconnu, rouage essentiel du « complexe militaro-industriel » états-unien, il a longtemps servi de caution juive pour les politiques de Washington défavorables à Israël. Depuis, il a rejoint le camp des ultra-conservateurs aux côtés de Dick Cheney et intégré le groupe des « Vulcains » mené par Condoleeza Rice. En juillet 2004, il participe à la restauration du « Comité du danger présent », dont le but affiché est de contraindre la future administration à lutter contre l’Islam.

Les médias se font régulièrement l’écho de l’arrestation en Europe de membres d’Al Qaïda, créditant ainsi la théorie états-unienne du complot islamique mondial. Cependant les tribunaux rejettent, affaire après affaire, les accusations d’appartenance à une organisation terroriste globale. Ils ne prononcent de condamnation que pour des délits de droit commun ou pour des projets criminels sans lien avec Al Qaïda. En pratique, les poursuites antiterroristes apparaissent comme un moyen détourné de criminaliser les opposants de gouvernements arabes amis tout en donnant des gages de bonne conduite idéologique à Washington.
USA : Élection présidentielle 2004
Les Démocrates agitent la menace d’un coup d’Étatpar
Paul Labarique

Des militaires de très haut rang ont évoqué publiquement la possibilité d’une attaque terroriste de grande envergure contre les États-Unis à la veille de l’élection présidentielle. Des personnalités du Parti démocrate ont alors laissé entendre que l’administration Bush pourrait la laisser commettre pour bénéficier du réflexe de soutien au président en période de crise. D’autres ont même suggéré que l’administration Bush pourrait s’appuyer sur cette menace pour suspendre les élections et se maintenir au pouvoir. Ce procés d’intention vise surtout à présenter John Kerry comme un rempart contre une éventuelle dérive dictatoriale, alors qu’en réalité, elle est déjà amorcée avec son soutien.

Depuis le début du XXè siècle, les États-Unis ont forgé leur unité nationale sur la dénonciation d’un ennemi interieur. Les communistes occupent une place de choix parmi les cibles de cette chasse aux sorcières qui toucha aussi les anarchistes, les citoyens d’origine japonaise, les homosexuels et les athées. L’État fédéral a mis en place de gigantesques structures de répression articulées à des milices patronnales. Cette violence permanente contre des bouc-emissaires se tourne aujourd’hui vers les musulmans.

Dès le début de la Guerre froide, les États-Unis se sont appliqués à neutraliser l’influence soviétique dans le mouvement syndical européen. S’appuyant sur l’AFL-CIO, une organisation qui tient plus de la corporation de branche que du syndicat de classe, la CIA a fait exploser la CGT française et a financé la dissidence de Force ouvrière. Puis, l’Agence a regroupé les centrales atlantistes européennes au sein d’une Confédération des syndicats libres. Le système a été ultérieurement étendu à l’Afrique et à l’Asie. L’opération a été dirigée par Irving Brown, responsable du réseau stay-behind en Europe.
Articles les plus populaires