« Notre guerre avec la France »

Our war with France
The New-York Times et International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Thomas L. Friedman est journaliste au New-York Times, spécialisé dans les affaires internationales, et a reçu le prix Pulitzer 2002 pour ses commentaires.

[RESUME] Il est temps pour les Américains d’accepter le fait que la France soit devenue notre ennemi. Si vous ajoutez les positions de la France avant la guerre, les déclarations de Dominique de Villepin pendant les affrontements et le comportement actuel, il n’y a qu’une conclusion qui se dessine : la France veut que l’Amérique échoue en Irak.
Elle considère qu’un affaiblissement des États-Unis lui permettra d’être à sa « juste » place : égale à celle des États-Unis, si ce n’est supérieure, dans les affaires du monde. Oui, l’arrogance de l’équipe Bush a avivé l’hostilité française.
L’établissement d’une autorité irakienne légitime est impossible dans le court terme. Les Irakiens le savent et les Français aussi, ce qui rend leur proposition, jugée originale, uniquement malicieuse.
Ce qui est surprenant dans la campagne française -« Opération l’Amérique doit échouer »- est que la France ne semble pas consciente de la manière dont elle peut en subir les conséquences. Si la France était sérieuse, elle aurait usé de son influence auprès de l’Union européenne pour mettre en place une armée de 25 000 hommes et proposer un fonds pour la reconstruction de 5 milliards de dollars. Ainsi, elle aurait pu légitimement demander un siège autour des tables de négociation.
Pourtant, elle n’a émis qu’une proposition boiteuse pour montrer sa différence. Mais la France n’a jamais été intéressée par la démocratie dans le monde arabe moderne. C’est pourquoi se placer actuellement en protecteur d’un gouvernement irakien représentatif, après avoir été si proche du système véhiculé par Saddam Hussein, est manifestement cynique. Clairement, la France ne représente pas le point de vue de l’Union européenne.
Mais le plus triste est que la France a raison : nous avons besoin d’elle pour reconstruire l’Irak. Avoir la France à nos côtés en Irak pourrait être bénéfique à nos deux nations et pour le futur des Arabes. Mais le gouvernement français a d’autres priorités.

« L’Allemagne va partager le fardeau de l’Irak »

Germany will share the burden in Irak
New-York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Gerhard Schröder est le Chancelier fédéral d’Allemagne.

[RESUME] Le terrorisme continue de représenter un risque sérieux et nous sommes unis aux Américains dans cette lutte. Pendant plusieurs mois, des soldats allemands se battaient aux côtés des soldats américains en Afghanistan.
Je suis convaincu que nous n’avons d’autres choix que de continuer en ce sens car Al-Qaïda et le terrorisme mondial sont toujours menaçants. J’ai mis mon propre futur politique en jeu en demandant, en juin 2001, au Bundestag l’envoi de troupes en Afghanistan, ce qui était sans précédent en Allemagne. Et ces troupes ont joué un rôle crucial dans la Force d’Assistance pour la sécurité internationale ; un général allemand dirigeait les forces de l’OTAN et nous nous félicitons de la destitution des Taliban. Maintenant, nous devons nous concentrer sur l’aide à la reconstruction démocratique d’un pays subissant des difficultés extrêmes.
L’Allemagne est prête à élargir le programme de reconstruction au-delà de Kaboul et à assigner du personnel militaire pour protéger des civils et des organisations.
La coopération germano-américaine est solide aussi dans d’autres aires : dans les Balkans, à la Corne de l’Afrique, dans des missions de maintien de la paix à travers le monde, pour des services de renseignement ou encore sur le plan diplomatique pour le processus de paix en Israël/Palestine.
Il est vrai que nous étions en désaccord sur les moyens d’intervention en Irak. Il n’y a plus lieu de continuer ce débat car nous devons travailler ensemble pour gagner la paix. Les Nations unies doivent jouer un rôle central pour accélérer le processus de mise en place d’un gouvernement irakien autonome.
L’Allemagne est prête à apporter de l’aide humanitaire, à assister la reconstruction économique et civile et à entraîner les forces de sécurité irakiennes.
Cela fait exactement trente ans que l’Allemagne a été admise aux Nations unies et nous, Allemands, n’oublierons pas comment les États-Unis nous ont aidé ; nous sommes liés à eux par une amitié profonde.
Cependant, et même si nous sommes enclins à assumer davantage de responsabilités dans les relations internationales, nous ne devons pas oublier que la sécurité ne peut être garantie par un seul pays isolé. Elle nécessite la coopération internationale et ne doit pas se limiter à des activités militaires et de police. Nous devons combattre les racines de l’insécurité, de l’oppression, du fanatisme et de la pauvreté, et le faire ensemble.

« L’ouragan serait une œuvre de Ben Laden ? »

Sera obra de Bin Laden el huracan ?
El Periodico (Espagne)

[AUTEUR] Josep Pernau est journaliste.

[RESUME] Si les prévisions se vérifient, l’ouragan Isabel entrera sur le sol américain entraînant derrière lui la désolation. C’est une catastrophe naturelle.
Mais George W. Bush a-t-il pensé que cela pouvait être provoqué par un groupe islamiste radical ayant l’intention de détruire le pouvoir américain ? Cela pourrait permettre au juge Garzon d’ajouter un délit à ceux déjà imputés à Ben Laden. À partir d’ouragans de laboratoire, n’importe quel météorologue pervers peut en provoquer où et quand il veut, et de l’intensité qu’il désire.
Il est très possible que les autorités nord-américaines aient déjà étudiées cette possibilité sans pouvoir bien sûr la communiquer publiquement afin de ne pas créer de mouvement de panique mondiale. Il faut mettre en place une commission d’experts de l’ONU pour localiser les machines à provoquer des tempêtes.

« Arafat l’intouchable »

Arafat l’intouchable
Libération (France)

[AUTEUR] David Grossman est romancier et essayiste israélien.

[RESUME] Yasser Arafat est certes un dirigeant problématique, versatile et déloyal, et un obstacle à la paix. Mais Israël commettrait une grave erreur, voire un crime, en s’en prenant à sa personne. Sharon aussi peut être décrit comme un obstacle à la paix. En fin de compte, les deux camps seront obligés de serrer la main souillée du sang de l’autre.
L’élimination d’un dirigeant ennemi est une pratique d’organisation terroriste. S’attaquer à Arafat ramènera nos rapports au plus bas et la négociation sera impossible : la rue arabe ne peut accepter tout dirigeant « nommé » par Israël et les États-Unis, comme ce fut le cas pour Mahmoud Abbas. Les Palestiniens considèrent Arafat comme leur symbole national et regardent son humiliation actuelle comme l’incarnation de leur propre situation. Sharon est le seul dirigeant capable de contraindre la majorité à le soutenir s’il acceptait les compromis nécessaires, de même pour Arafat.
L’idée de l’exiler vers Gaza est irréaliste : elle symbolise le désarroi du gouvernement israélien ; Arafat sera davantage un symbole car en exil, mais continuera à vivre et agir sur ses terres.
Sharon sait pertinemment que toute atteinte au statut d’Arafat ne peut qu’affaiblir les Palestiniens modérés au profit des extrémistes et provoquer une guerre fratricide. Mais n’est-ce pas cela que veut Sharon ? Cette situation l’aiderait à « prouver » la justesse de ses vues, de même que la violence qu’il provoque « justifie » a posteriori ses allégations.
Le système de pensée de Sharon est manœuvrier. Cela fait presque trois ans qu’il parvient à égarer le monde entier et en particulier les Israéliens. Israël est au plus bas. Les provocations sont pour lui un moyen politique.
Le feu qu’il allume ne sert que lui, son véritable but étant de terminer sa carrière politique sans devoir s’inscrire dans les pages de l’histoire comme celui qui a fondé l’État Palestinien.

« Dénominations tendancieuses »

Loaded designations
Al Ahram (Égypte)

[AUTEUR] Mustafa El-Feki est président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale égyptienne.

[RESUME] En juin 2003 dans un discours au sommet de Sharm El-Sheikh, le président Bush définissait Israël comme un « État juif ». Ce n’était pas une erreur de langage.
La dénomination employée par George W. Bush n’était utilisée jusque là que par les seuls officiels israéliens et les cercles juifs occidentaux. Cela a des effets importants sur deux questions fondamentales : le droit au retour des Palestiniens et l’immigration juive en Israël.
Le droit au retour concerne les réfugiés de 48 et de 67. Les négociations ont toujours tourné autour du droit au retour et du statut de Jérusalem. Aussi sensible que soit la question de Jérusalem, elle semble plus facile à résoudre. Mais le droit au retour est particulièrement plus complexe. Des millions de Palestiniens se sont installés dans le Golfe, en Jordanie, en Syrie, au Liban et en Égypte, ou sont devenus citoyens américains, canadiens, australiens ou européens. La résolution 194 de l’ONU stipule que ce droit ne concernerait en fait pas plus de quelques centaines de milliers de personnes. Pourtant, pour la diaspora palestinienne, le droit du retour est un grand symbole : il est fondamental et non négociable.
La référence de George W. Bush à un État juif réduit ce droit à une simple demande. Je pense que les Israéliens sont prêts à être plus flexibles sur le statut de Jérusalem pour pouvoir rejeter le droit au retour. Les Américains ont adopté le point de vu israélien des deux États accueillant chacun ses immigrés : le droit au retour des Palestiniens devient alors un prétexte à l’immigration juive en Israël, ce qui menacerait la région car Israël occuperait davantage de territoires, déplacerait plus de Palestiniens et radicaliserait agressivement son expansionnisme.
Les officiels israéliens ont toujours su utiliser pragmatiquement la religion à des fins politiques. Bien qu’un certain niveau d’immigration juive existera toujours, nous sommes contre la promotion d’un flux considérable.
L’utilisation de l’expression « État juif » nie aussi la diversité ethnique et religieuse du pays. La position du gouvernement Bush fait perdre espoir aux Palestiniens.

« Oslo reste une référence pour la paix »

Oslo still points the way to peace
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Shimon Peres est un ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre israélien. En 1994, il partage le prix Nobel de la paix avec Itzhak Rabin et Yasser Arafat pour les accords d’Oslo.

[RESUME] Des personnes ayant commis des erreurs tout au long de leur vie considèrent l’accord de paix d’Oslo comme une erreur. Si une division du territoire n’est pas effective dans les dix prochaines années, la minorité arabe deviendra une majorité arabe. Israël ne sera plus un État juif -ou ne sera plus un État démocratique. Un État juif n’est pas une notion religieuse, mais démocratique : un État où les juifs sont en majorité. S’ils perdent cette majorité, ils seront à nouveau en exil dans leur propre pays, détruisant les efforts d’un siècle. Et si l’usage de la force l’emporte sur le respect de la majorité, nous détruirions nos valeurs éthiques. Ce n’est seulement que depuis cette année que la droite israélienne a compris ce dilemme.
Oslo appliquait les valeurs morales du peuple juif et construisait avec nos voisins un respect mutuel et les bases d’une paix acceptée. Les négociations remplaçaient la terreur. Les activités terroristes cessaient, les économies israéliennes et palestiniennes redémarraient et la menace d’une guerre régionale était éloignée par l’accord avec la Jordanie.
Qu’est-ce qui n’allait pas ? Nous avons accéléré les actions d’implantation et les Palestiniens ont été incapables de contenir le terrorisme, ce qui a fait dérailler l’agenda de paix. Ceux qui ont encouragé les vagues d’implantation ont créé une carte peu compatible avec la paix et quand le Hamas ou le Jihad islamique tuaient des femmes et des enfants israéliens, ils tuaient aussi la motivation et le rythme du processus de paix qui pouvait les mener à l’indépendance.
Si Arafat avait stoppé la terreur en mettant hors-la-loi les organisations terroristes et en emprisonnant leurs dirigeants, un État palestinien indépendant existerait depuis longtemps. La feuille de route montrait la possibilité d’une solution future, mais les erreurs du passé constituaient des obstacles à sa réalisation.
La démocratie autorise les erreurs, mais elle doit les rectifier. Une décennie est passée depuis Oslo. Aucune cause n’est définitivement perdue, même si certains perdent la foi. Le processus de paix est en crise, mais il est la seule option pour tous les peuples du Proche-Orient qui choisissent la vie.

« Une faiblesse politique »

A poverty of political version
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] Gilead Sher était le négociateur israélien de 1999 à 2001 et était à la tête du cabinet du premier ministre Ehoud Barak.

[RESUME] Faisons d’abord face à la réalité des faits : Arafat était, est, et probablement sera un obstacle à toute coexistence pacifique. Il est, plus qu’aucun autre, responsable de la continuation du terrorisme Palestinien. Il n’a jamais clairement recherché un compromis avec le sionisme et s’est toujours servi du terrorisme comme d’un moyen de pression sur Israël. La question est de combattre au mieux ce phénomène.
L’éliminer n’est pas une solution : un pays démocratique ne peut exécuter le dirigeant du camp opposé. Son expulsion n’est pas une panacée : les Palestiniens ne connaissent pas de réelles alternatives à Arafat et le résultat pourrait bien être pire encore. Une culture fondamentaliste s’est ancrée dans la société palestinienne.
Je pense, en fait, que les dirigeants israéliens ont abandonné leur part de responsabilité dans la tentative de progrès. L’alternative entre expulsion et élimination trahit la pauvreté alarmante de leur vision politique.
Sans plan ni stratégie, Sharon ne fait que réagir. La paix n’arrive pas, elle se recherche avec détermination et persévérance.
Ni Arafat, ni Sharon ne veulent négocier ; c’est pourtant la seule solution. La constitution de deux États nécessite :
 d’abord le désengagement simultané des deux peuples dans une période où toute violence est bannie.
 ensuite la création d’un État palestinien viable et désarmé aux côtés d’Israël. Le droit au retour des Palestiniens devra être cantonné à l’État palestinien afin d’assurer le futur d’un État démocratique juif. Quand les deux parties arrêteront de se battre et qu’une élite palestinienne émergera, un accord final sera possible.