« L’Union européenne, pilier d’un monde nouveau »

L’Union européenne, pilier d’un monde nouveau
Le Monde (France)

[AUTEUR] Javier Solana est le haut représentant de l’Union européenne pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

[RESUME] L’Assemblée générale des Nations unies commence et Kofi Annan a invité la communauté internationale à s’unir et à réfléchir à une réforme de l’ONU.
Parmi ses propositions, j’adhère totalement à la définition d’une grille de lecture commune des défis de ce monde et à l’identification des menaces. Tout en continuant de relever les défis que sont la pauvreté, la faim et les grandes pandémies. L’Europe partage pleinement ces ambitions : renforcement et réorganisation des institutions de la gouvernance mondiale comme de la coopération régionale ; extension du champ d’application du droit international.
Le choc du 11 septembre a révélé un monde plus complexe et des menaces plus grandes qu’on ne le redoutait. La crise irakienne a également joué : l’Europe n’a pas su incarner le rôle qui correspond à son potentiel. Elle se doit de mieux assumer ses responsabilités mondiales.
Nous devons affirmer le projet politique européen tout en restant en phase avec le nouveau contexte des relations internationales. Même si la puissance américaine domine, aucun point ne peut se résoudre seul. Le succès de l’Europe reste contrasté. Il nous faut impérativement trouver de nouvelles parades globales ; c’est le sens d’une stratégie de sécurité. L’Union européenne s’est fixé trois objectifs :
 étendre la zone de sécurité de l’Europe
 favoriser l’émergence d’un ordre international stable et équitable, et renforcer l’efficacité du multilatéralisme. Il s’agit d’être prêt à agir en conséquences lorsque les Nations unies sont bafouées.
 Opposer des parades efficaces aux menaces par une politique systématique d’engagement préventif.
Pour satisfaire ces objectifs, les Européens vont travailler dans trois directions : renforcement de leurs capacités militaires et civiles ; meilleure cohérence de leurs outils ; développement de la coopération avec leurs grands partenaires. Ce doit être une Europe capable d’accompagner les autres grands pôles géographiques dans leur quête de stabilité et de développement. L’Union européenne devenant un acteur global, elle doit être l’un des piliers de l’organisation d’un monde nouveau, plus solidaire et plus libre, plus juste et plus sûr.

« Une autre Europe pour une autre mondialisation »

Une autre Europe pour une autre mondialisation
Le Monde (France)

[AUTEURS] Alain Lipietz et Daniel Cohn-Bendit sont députés européens verts.

[RESUME] Cancun a échoué ! La joie des syndicalistes et des altermondialistes n’avait d’égale que la satisfaction des pays du Tiers-Monde. En face, répondait la colère moralisatrice de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Pourtant un compromis était possible. Il s’est négocié dans le « off » :
 Refus d’ouvrir de nouveaux chapitres avant un bilan sérieux des libéralisations déjà réalisées.
 Abolition des subventions à l’exportation et souveraineté alimentaire au Nord comme au Sud.
La « méthode intergouvernementale » est totalement inappropriée aux exigences des 146 pays. Les gouvernements portent avant tout les intérêts des grands exportateurs.
C’est cette même logique qui a « planté » l’Europe à Nice il y a trois ans : la toute puissance du marché a paralysé la démocratie, créant une Europe néo-libérale. Face à ce désastre annoncé, la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing a trouvé le compromis que les gouvernements n’avaient su concevoir. Le traité constitutionnel est loin d’être parfait, mais il débloque l’Europe de Nice :
  Le Parlement voit doubler l’ampleur de ses compétences législatives
  La seconde chambre (le Conseil des ministres) est désormais soumise à une règle simple : majorité des pays représentant 60 % de la population.
  Les citoyens européens, sur pétition d’un million de signatures, peuvent proposer une loi.
« L’esprit des lois » à venir, fixé par les « objectifs de l’Union » contredit l’esprit des directives anciennes. Hélas, ce compromis a rencontré de redoutables ennemis : les souverainistes, les gouvernements. Une Conférence intergouvernementale (CIG) doit à partir d’octobre examiner le projet. Nous leur disons solennellement : « Vous avez échoué à Nice et par vos méthodes vous ne parviendrez qu’à revenir à Nice. »
Enfin, les clauses néo-libérales justifient l’opposition de certains animateurs des mouvements sociaux. Nous leur disons amicalement : « Le choix ne sera pas entre la Constitution proposée et la Constitution idéale, mais entre cette Constitution et celle de Nice. Rejeter le projet, c’est en rester à Nice. Ce que vous dénoncez dans ce projet est l’œuvre de Nice qui n’a engendré jusqu’ici qu’euro-schlérose et montée des populismes. » Une Constitution même imparfaite offre déjà un espace à la démocratie. L’Union européenne, première réponse à la faillite de l’OMC

« Réussir la construction européenne »

Réussir la construction européenne
Libération (France)

[AUTEUR] Pierre Moscovici est ancien ministre des Affaires européennes, représentant de la France à la Convention européenne, et secrétaire national du Parti socialiste chargé des questions internationales.

[RESUME] La Constitution européenne issue des travaux de la Convention est au cœur d’un débat difficile et confus, dans un contexte d’inquiétude : la mondialisation déréglée, le retour du chômage de masse, les menaces contre la paix et l’unilatéralisme américain.
La Convention européenne, avec ses imperfections et ses limites, est une avancée réelle. Par le pluralisme, la transparence et la recherche de consensus, « l’esprit de la Convention » a permis un vrai saut qualitatif. Le compromis positif a simplifié les traités et clarifié les différentes compétences. La Charte des droits fondamentaux de l’Union, qui consacre nos valeurs communes, est intégrée à la Constitution dont elle devient le socle de principe. Le compromis institutionnel marque la fin du système absurde de présidence tournante de six mois. Le président, désigné par le Parlement selon les résultats des élections européennes, aura enfin une légitimité politique. Le Parlement européen est le grand gagnant.
Cette construction est imparfaite et fragile mais le pire a été évité. Les « politiques communes » qui sont la priorité des citoyens échouent dans les domaines économique et social, même si des avancées ont eu lieu (lutte contre la criminalité, défense européenne, Politique étrangère de sécurité commune (PESC)). La reconnaissance de l’eurogroupe, la représentation extérieure unifiée et le renforcement du rôle de la Commission restent trop timides.
Certains, à gauche, amalgament l’Europe et la mondialisation libérale, au risque d’affaiblir la seule instance de régulation dont nous disposons. Soyons conscients que son échec signifierait le maintien des institutions du traité de Nice, soit un terrible retour en arrière. Le texte de la Convention doit donc être pris comme base de départ. Les Européens ne voteront pas ce texte, mais celui qui sortira d’une Conférence intergouvernementale (CIG) au début 2004.
Toute remise en cause des compromis obtenus sur la culture ou les services publics serait inacceptable. Il ne faut pas ajouter de référence explicite à Dieu. Des améliorations sont nécessaires dans le sens d’une réponse aux aspirations des Européens en favorisant le plein-emploi, par l’harmonisation sociale et fiscale. L’Europe à 25 doit être unie, mais ne saurait être uniforme. Une Constitution ratifiée par les peuples est le préalable au grand dessein que l’Europe attend. Il faudra ensuite dépasser cette étape et bâtir un projet commun.

« Envoyer plus de troupes en Irak ne serait pas bénéfique »

Troops in Irak : more isn’t better
The New-York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Danielle Pletka est vice-présidente des études de politique étrangère et de défense de l’American Enterpise Institute

[RESUME] Des propositions expliquent la nécessité d’accroître les effectifs militaires en Irak pour accélérer le transfert de pouvoir vers un gouvernement irakien élu et permettre aux troupes américaines de revenir chez eux. Cela est erroné.
Des fervents internationalistes voulant « légitimer » l’occupation de l’Irak grâce à une force internationale, aux conservateurs qui ont convaincu Donald Rumsfeld, personne n’a expliqué pourquoi plus de forces d’occupation serait meilleur. Pourtant les risques liés à ce déploiement sont évidents.
La communication entre les Américains, les Polonais, les Bulgares et les Fidjiens est déjà un cauchemar, ce qui crée une confusion quant aux responsabilités de chacun. Les Nations unies, en demandant l’internationalisation de la gouvernance de l’Irak, ne font que retarder encore la libération effective.
Ceux qui défendent l’idée d’accroissement des effectifs militaires pensent que c’est la seule voie vers la stabilisation, la libération et la démocratisation. Cette demande se base sur de faux principes : les troupes supplémentaires ne serviront pas à débusquer les Ba’athistes, mais à accomplir un travail qui ne leur revient pas (garder les lignes électriques et les écoles.) Le problème des commandants américains n’est pas dans le nombre de soldats, mais dans l’efficacité des services de renseignements. Et cette situation s’améliore.
La question n’est pas d’appeler plus de réservistes, mais d’entraîner plus les Irakiens pour ce genre de travail. Ils sont au cœur des renseignements et connaissent la population locale. Le Pentagone veut redonner l’Irak aux Irakiens. Déjà 55 000 Irakiens sont entraînés et armés. Selon le Pentagone et les commandants sur place, ce chiffre pourrait atteindre 200 000 au milieu de l’année prochaine.
Les membres du Conseil de gouvernement irakien se sont clairement prononcés contre toute intrusion de troupes supplémentaires - qu’elles soient américaines ou internationales. Le gouvernement par intérim peut prendre plus de responsabilités en ce qui concerne la sécurité et la gouvernance du pays. Une force de sécurité irakienne est impérative pour la libération.
Washington a fait beaucoup d’erreurs : utiliser d’anciens Ba’athistes dans les services de renseignements ou la sélection du nouveau « ministre de l’Intérieur », Nouri Badran qui avait soutenu Saddam Hussein. Le travail n’est pas fini en Irak, mais envoyer plus de troupes n’est pas la bonne réponse.

« Le choix pour les Israéliens »

The choice for Israeli
The Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Jimmy Carter est un ancien président des États-Unis (1977-1981) et préside le Carter Center à Atlanta.

[RESUME] 25 ans après les accords de Camp David, l’espoir d’un éventuel succès du processus de paix subsiste. Les questions de base restent les mêmes, exprimées plus clairement et succinctement dans la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU : le retrait d’Israël des territoires occupés contre une paix sûre et la reconnaissance de l’État d’Israël par tous les gouvernements arabes.
Il est reconnu que les implantations israéliennes sont une violation du droit international et la base de l’incitation à la violence. Pendant la première administration Bush, le secrétaire d’État James Baker avait déclaré : « Je ne pense pas qu’il y ait de plus grand obstacle à la paix que les implantations ». Mais pendant les deux administrations suivantes, le nombre de nouvelles implantations avait explosé, le tout largement financé, incité et protégé par Israël et ses forces armées.
La feuille de route d’avril 2003 exprimait les mêmes propositions. Mais le cabinet israélien a rejeté plusieurs dispositions, les Palestiniens n’ont pas réussi à contrôler la violence et n’ont pas su trouver un négociateur acceptable pour les États-Unis et Israël, et les trois autres partenaires du Quartet de départ (le Royaume-Uni, la Russie et les Nations unies) ont été exclus du processus. Aujourd’hui les intérêts américains ont changé : la paix n’est plus si urgente (même si la question palestinienne est une des plus importantes causes du terrorisme) car les alliances de la Guerre froide ajoutées aux confrontations entre l’Égypte et Israël pouvaient vite mener à une Troisième Guerre mondiale. Le conflit est aujourd’hui relativement localisé.
L’issue du problème est actuellement entre les mains des Israéliens : voulons-nous une paix permanente avec nos voisins ou le maintien de la politique d’implantation dans les territoires occupés ? La deuxième solution est vraiment la pire.

« Traitement du Sida, une urgence sanitaire mondiale »

Traitement du Sida, une urgence sanitaire mondiale
Le Figaro (France)

[Auteurs] Le docteur Lee Jong-wook est directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé et le docteur Peter Piot est le directeur exécutif de l’Onusida.

[RESUME] Tous les jours le Sida tue plus de 8 000 personnes. La quasi-totalité d’entre elles décéderont sans soins, pas même pour soulager leurs souffrances. Dans les pays pauvres, sur les 5 à 6 millions de personnes positives pour le VIH qui ont un besoin urgent d’antirétroviraux, seules 300 000, soit à peine 5 %, les obtiennent (et seulement 50 000 en Afrique.)
Hier à l’ONU, l’OMS et l’Onusida ont annoncé qu’elles projetaient de collaborer avec des partenaires clés afin de fournir un traitement antirétroviral à 3 millions de personnes vivant avec le VIH-Sida dans les pays en développement d’ici à la fin 2005. Un large accès au traitement est désormais possible et réalisable ; le prix n’est plus une excuse : il baisse, et les médicaments génériques accentuent cette tendance. Le programme brésilien de lutte contre le Sida est un exemple (les antirétroviraux sont gratuits, et cette perte d’argent est compensée par une réduction spectaculaire des décès et des hospitalisations.)
Il est temps que la communauté mondiale se mobilise pour amplifier cette action. À cette fin, des équipes d’intervention d’urgence seront envoyées dans les pays les plus touchés. Nous allons mettre en place un nouveau dispositif centralisé pour assurer un faible coût des médicaments et un suivi médical. Il convient cependant avant tout de privilégier la prévention. En fait, prévention et traitement se complètent : disposer d’un traitement renforce le rôle de la prévention.
Pour faire face à cette crise, d’importants investissements devront être réalisés. Le cadre mis en place pour le Sida pourra favoriser le traitement de la tuberculose, du paludisme et des autres grandes maladies meurtrières. Le non-accès au traitement du VIH-Sida est l’une des plus grandes crises de santé publique qu’on ait jamais connu. Il s’agit d’une urgence sanitaire mondiale.