« Les armes nucléaires de Bush »

Las armas nucleares de Bush
Clarin (Argentine)

[AUTEUR] Edward Kennedy est sénateur des États-Unis.

[RESUME] L’administration Bush et la communauté internationale disent tout faire contre la prolifération d’armes nucléaires. Pourtant, 21 millions de dollars sont assignés, aux États-Unis, pour le développement de nouveaux types d’armes nucléaires : les « mini-nukes » et les « bunker-buster ».
Cette nouvelle direction dangereuse en matière de politique nucléaire a des implications négatives dans la guerre contre le terrorisme, mais aussi dans le délicat équilibre de protections internationales. Comment pouvons-nous demander à l’Iran et à la Corée du Nord d’abandonner leurs programmes nucléaires tout en en commençant un pour notre compte ?
Les « mini-nukes » n’ont rien de petit : une seule de ces armes pourrait dévaster une ville américaine entière. L’administration Bush lance ce programme nucléaire pour se servir de ces armes, et cela suscite peu d’intérêts dans les débats alors que toute l’architecture de contrôle des armes nucléaires mise en place avec beaucoup de difficultés depuis 50 ans s’en retrouve menacée.

« L’ombre des mensonges du Vietnam en Irak »

Vietnam’s Shadow Lies Across Iraq
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Stanley Karnow, journaliste, a couvert la guerre du Vietnam de 1959 à 1975. Il est l’auteur de « Vietnam : A history » et a gagné le prix Pulitzer-Histoire.

[RESUME] « Nous avons stoppé le syndrome du Vietnam » déclarait le président George H. W. Bush après sa victoire dans la guerre du Golfe en 1991. Cela suggérait que le public américain avait su se défaire de la mémoire humiliante de cette guerre, ce qui permettait d’entreprendre des actions outre-mer sans anxiété, ni culpabilité.
Mais c’était une erreur. Le spectre de la défaite subsiste et l’Irak peut dégénérer en une débâcle aussi calamiteuse qu’au Vietnam.
Ces deux conflits sont fort différents, mais sont analogues sur certains points. La « théorie des dominos » des présidents Truman, Eisenhower, Kennedy et Johnson, qui faisait du Vietnam le point névralgique de la lutte anti-communisme, rappelle la croisade de Bush en Irak contre le terrorisme international. Aucune preuve n’a été avancée pour légitimer l’importance de ces deux pays pour la sécurité des États-Unis. Le déploiement de forces sophistiquées, dans les deux cas, n’a pas suffit à vaincre les résistances par la guérilla.
Il était difficile de distinguer nos alliés de nos ennemis au sein de la population locale. Mais la similarité la plus criante reste la distorsion de la vérité, voire le mensonge simple, des bureaucrates militaires ou civils en direction des journalistes. Tout est fait pour faire croire à un progrès. Et les membres du Congrès, pour « ne pas laisser tomber nos gars », ont toujours voté les fonds demandés.
De la même manière que le secrétaire à la Défense Robert S. McNamara avait confessé, en 1995, ses erreurs pendant le Vietnam, il est nécessaire qu’un mea culpa similaire ait lieu de la part de l’administration Bush, peut-être même de Donald Rumsfeld.

« Il est temps de confronter le mythe du monopole du bien et du mal »

Time to confront the monopoly myth about good and evil
The Age (Australie)

[AUTEUR] Joseph Wakim est fondateur du Conseil Arabe Australien et un ancien membre d’une commission sur les affaires multiculturelles.

[RESUME] Kofi Annan, durant l’Assemblée Générale des Nations unies, a relevé que des gouvernements « commettaient eux-mêmes des outrages » dans cette guerre contre le terrorisme. L’avertissement implicite est que le monde civilisé a créé l’ « ennemi de la civilisation ».
Monsieur Annan consolide ce lien en suggérant que la justice doit précéder la paix : « le terrorisme sera défait seulement si nous agissons pour la résolution des disputes politiques et des conflits qui génèrent son soutien. »
Après le 11 septembre et la déclaration de George W. Bush disant « vous êtes avec nous ou avec le terrorisme », personne n’osait avancer l’idée que les actions des États-Unis étaient la cause de ces attentats. Kofi Annan a cassé ce tabou et détruit le mythe simpliste du monopole de l’émotion et de la moralité qui soutient la polarité entre les bons et les mauvais. Le Proche-Orient n’a pas le monopole du terrorisme, de même que la « Coalition du Bien » n’est pas seule à être terrorisée. Cette remise en cause de la propagande montre que nos civilisations respectives ont plus en commun que ce qu’on pourrait rêver.
Ce n’est pas parce que je parle arabe que je suis musulman ; et être musulman ne veut pas dire être terroriste, ni moins inquiet pour ma nation qu’un « vrai australien ». Une bombe ne sélectionne pas ses victimes. Nos communautés ont donc encore plus de raisons d’être inquiètes car nous souffrons aussi des haines que provoque la violence.
Si la population a peur des alertes terroristes, ne blâmez pas les citoyens. Les réactions américaines, et donc aussi de l’Australie alignée, plantent les graines de la violence future. C’est ce lien de cause à effet que Kofi Annan a souligné.

« Les Nations unies, doublement endommagées, ont besoin d’une réforme »

A doubly damaged U.N. needs to change
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Ramesh Thakur est assistant du secrétaire général des Nations unies.

[RESUME] Si les États-Unis sont le pouvoir indispensable du monde, les Nations unies sont l’autorité internationale nécessaire. Elles sont la seule organisation à pouvoir agir en notre nom collectif.
Washington avait raison de critiquer l’incapacité de l’ONU à faire face aux menaces réelles, mais George W. Bush a eu tort de passer outre cette organisation.
Les Nations unies en ont été doublement endommagées : dans les pays en guerre pour ne pas avoir donné leur autorisation ; dans beaucoup plus d’autres pays pour ne pas avoir pu stopper cela. L’organisation a besoin de se baser sur les nouvelles réalités internationales.
Pour éviter un régime tel que celui de Saddam Hussein, il est sage d’agir en amont avec la Corée du Nord pour l’empêcher de s’armer. L’Irak a fait perdre à l’ONU son plus important agent exécutif (les États-Unis.) Il était nécessaire de s’affronter à Saddam, mais illégal de la faire sans autorisation des Nations unies.
L’ONU est notre seul espoir d’unité dans la diversité, dans un monde où les problèmes globaux imposent des solutions multilatérales. L’inquiétude de voir l’ONU se soumettre aux appétits et à l’agenda américains de guerre en série est probablement peu fondée.
L’administration Bush n’a pas agit par nécessité, mais par volonté. Le 11 septembre n’est pas une raison, mais une excuse à cette guerre. Ce sentiment est largement partagé et pousse à refuser une soumission qui entamerait la légitimité et le rôle des Nations unies.
Il est temps de réformer cette institution afin qu’elle soit efficace, au centre des grandes questions actuelles et capable de délivrer des services humanitaires.

« Ce qui est bon pour la Russie est bon pour l’Amérique »

What’s good for Russia is good for America
New-York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Robert McFarlane, conseiller en sécurité nationale de 1983 à 1985, préside une firme de conseils en énergie et environnement à Washington.

[RESUME] La rencontre de Camp David ente George W. Bush et Vladimir Poutine peut offrir l’opportunité d’approfondir les relations américano-russes. Leurs expériences communes de victimes du terrorisme et leurs intérêts partagés à assurer une stabilité au Proche-Orient pourraient les pousser à agir ensemble pour accélérer la reconstruction de l’Irak et pour stopper la violence.
Les attaques du 11 septembre et du théâtre de Moscou ont provoqué une détermination à contrer la menace terroriste. L’Afghanistan a été le lieu d’une coopération efficace. Les deux pays reconnaissent les dangers que représentent les armes nucléaires de l’Iran comme les ambitions de la Corée du Nord.
Vladimir Poutine s’est montré prêt à aider les États-Unis au Proche-Orient au sein d’une force internationale (même si elle est sous commandement américain) autorisée par le Conseil de Sécurité. Cette position était impensable, il y a six mois.
Les États-Unis ont intérêt à donner un rôle plus actif à la Russie en Irak car elle connaît mieux les infrastructures irakiennes (après tout, elle en construisit la majeure partie.)
Les motivations russes -comme celles des Américains- ne sont pas purement altruistes : en échange de leur aide physique et financière à la reconstruction, la Russie veut s’assurer que les contrats pétroliers signés avant la guerre seront honorés. Les États-Unis doivent accepter cela car il n’y a aucune base légale pour dénier ces contrats.
L’action de la Russie aura un impact profond sur la vision que les Russes ont d’eux-mêmes, de leurs dirigeants, de leur pays et de leur rôle dans les affaires internationales. La dernière décennie a été traumatisante pour le peuple russe. Les États-Unis ne doivent pas choisir entre la Russie ou l’Europe ; il est dans leur intérêt de coopérer avec les deux.

« Un geste de la tête à Condoleeza »

A nod to Condoleeza
Haaretz (Israël)

[AUTEUR] David Landau est l’auteur du best-seller sur Henry Kissinger. Son dernier livre, Death is not always the winner, analyse les relations entre les États-Unis et le Cuba de Fidel Castro.

[RESUME] C’est si facile. George W. Bush fait un signe de la tête à Condoleezza, Condoleezza parle à Weisglass qui passe le mot à Sharon. Et Sharon est d’accord pour laisser Arafat malgré toutes les menaces de déportation ou d’assassinat. La même procédure a bloqué le mur de séparation avant Ariel.
La plupart des ministres du gouvernement d’Israël sont soumis à Washington afin d’éviter toute confrontation. Car les relations privilégiées qu’Israël entretient avec les États-Unis sont plus importantes que toute autre considération. Israël ne peut se sauver sans cette aide extérieure. Sharon n’est pas le De Gaulle israëlien.
La seule chose qu’il est capable de faire est de crier à son allié : « sauvez-nous de nous-mêmes ! »
Le sauvetage d’Israël est devenu un intérêt américain vital. Depuis l’échec du gouvernement d’Abu Mazen, l’Amérique est devenue plus consciente de la gravité du danger qui peut ruiner toutes les chances de création de « Deux États pour deux peuples ». Bill Clinton a déclaré à Tel-Aviv cette semaine qu’il « aimait Israël plus que les mots peuvent le dire » mais qu’il faut savoir que « chaque année, les Palestiniens sont plus nombreux, plus jeunes, plus pauvres et plus furieux ».
La solution des deux États est dans les intérêts de tous. Le président Bush, avec sa vision clairvoyante de deux États vivant en paix côte à côte, pourrait gagner le soutien de son peuple et du monde s’il faisait juste un signe de la tête à Condoleezza pour qu’elle dise à Weisglass de passer ce mot à Sharon : « sortez des territoires ! ».