Dans son article du New Yorker sur les dépravations de la prison d’Abu Ghraib, Seymour Hersh tente de démontrer que ces actes sont la conséquences d’une politique décidé tout en haut de la hiérarchie. Pour expliquer ce qui a conduit à cette situation, Hersh rappelle un événement : le 7 octobre 2001, un drone Predator volant au-dessus de l’Afghanistan a eu dans son viseur un véhicule qui contenait sans doute le Mollah Omar, le chef des Talibans, mais un avocat du centre de commandement de Tampa refusa d’autoriser la frappe car il l’estimait illégale. Le temps que l’ordre de tir soit donné, la voiture était hors de portée. Hersh avait déjà rapporté cette information et la colère de Donald Rumsfeld quand il apprit cet incident.
Cet évènement, et d’autres, ont entraîné une telle frustration dans les hauts rangs que des méthodes s’écartant des règles furent ordonnées et appliquées discrètement. C’est donc dans l’échec de frapper le Mollah Omar qu’on trouverait la source des techniques employées dans la prison d’Abu Ghraib.
Ce qui est préoccupant dans l’analyse de Hersh, c’est que les opposants à la guerre en Irak sont aussi ceux qui condamnent l’administration Bush pour ne pas avoir attrapé Ben Laden et le Mollah Omar en Afghanistan. Mais auraient-ils approuvé les mesures nécessaires ? Je ne le crois pas. Les soldats sadiques d’Abu Ghraib doivent être condamnés, mais la lutte contre le jihad doit se poursuivre. Notons, en effet, que Zarkaoui, accusé d’avoir voulu mener un attentat chimique en Jordanie était à Bagdad avant la guerre, Bagdad où on a retrouvé une bombe au sarin. Qui a bien pu lui donner ce gaz ?

Source
Slate Magazine (États-Unis)

« What Went Wrong », par Christopher Hitchens, Slate Magazine, 18 mai 2004.