La semaine dernière a eu lieu à Paris une conférence organisée au Parlement français avec l’université de Netanya. Cette conférence rassembla les anciens Premiers ministres israéliens et français Ehud Barak et Édith Cresson, mais également des invités des pays arabes et le porte-parole du gouvernement français. Il y fut question de visons du monde et d’échanges culturels. Dans cette réunion, on a pu observer à quel point le fossé est énorme entre notre région qui connaît le nationalisme radical et le fanatisme religieux et une Europe qui est en train de discuter d’une constitution commune. En Europe, on assiste à la fin de la souveraineté des États-nations, une réalité qui a entraîné 150 ans de désastres alors qu’au Moyen-Orient, l’existence d’un État-nation est considéré comme un idéal.
L’Europe, compte tenu de son passé, déteste l’usage de la force et sait que le pouvoir corrompt. C’est pourquoi la vaste majorité des Européens a rejeté la propagande états-unienne concernant l’invasion de l’Irak et elle l’a vue comme une tentative cynique d’accroître la puissance des États-Unis. De même, les Européens rejettent les « informations israéliennes sur la guerre au terrorisme palestinien ». L’Europe a un passé colonial autant qu’elle a un passé antisémite et les critiques contre Israël ont rarement un fondement antisémite hors de la communauté musulmane. Le rejet de l’occupation ne signifie pas que les Européens rejettent l’existence d’Israël comme l’affirme la propagande israélienne.
La gauche européenne ne comprend pas l’incapacité de la gauche israélienne à faire cesser l’occupation, mais la gauche israélienne ressemble moins à la gauche européenne qu’elle ne ressemble à la droit nationaliste israélienne. À Paris, la gauche israélienne est représentée par l’ambassadeur Nissim Zvili, ancien conseiller de Shimon Peres et secrétaire général du parti travailliste qui défend aujourd’hui toutes les politiques d’Ariel Sharon. Avec une gauche comme celle-là, qui a besoin de la droite ?

Source
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.

« Their past, our present », par Ze’ev Sternhell, Ha’aretz, 1er octobre 2004.