La prochaine visite de George W. Bush au Canada doit nous pousser à nous interroger sur une nouvelle approche de notre coexistence avec nos voisins, même s’ils ont choisi un gouvernement que la plupart des Canadiens n’aiment pas. La dure réalité est que l’administration Bush reflète une opinion publique émergente aux États-Unis : plus conservatrice, plus militariste et plus nationaliste. Le traumatisme du 11 septembre occupe toujours une part importante dans l’esprit des États-Unis et ils croient qu’une réponse forte affranchie des règles internationales est leur meilleure défense. Malgré cela, notre géographie nous lie à eux et nous avons des intérêts communs.
C’est là qu’il y a une division dans notre pays. Certaines élites politiques, économiques, militaires et intellectuelles sont engagées de façon congénitale à accroître l’intégration de notre pays avec les Etats-Unis, mais la majorité de la population le refuse. Le problème est que nous n’avons pas cherché le bon équilibre et que nos dirigeants ont accepté toutes les demandes des États-Unis (notamment en matière de sécurité, ce qui a affaibli notre Charte des droits). Nous avons accepté sans restriction l’interprétation états-unienne de la menace terroriste bien qu’elle ait montré ses limites et qu’elle ait entraîné une dévalorisation du Traité de non-prolifération. Dans le même temps, l’administration Bush a accumulé des déficits colossaux et ne tient pas compte du dérèglement climatique.
La réélection de W. Bush doit marquer le réveil du Canada. Lors de sa visite, de fortes pressions seront exercées pour que des accords soient signés, mais il ne faut rien signer que l’on pourrait regretter plus tard. Nous devons définir notre propre position sur les problèmes globaux, pas contre les États-Unis, mais indépendamment d’eux. Nous devons développer notre principe de « responsabilité de protection », qui place la défense des populations civiles au-dessus de la souveraineté des États et l’appliquer aussi bien au Soudan que dans la protection des populations menacées par le réchauffement climatique. Nous devons également nous pencher sur la proposition mexicaine d’une communauté nord-américaine et nous rapprocher de Mexico pour présenter un front uni face à l’agenda états-unien.

Source
Toronto Star (Canada)

« Bush visit : Let’s start over », par Lloyd Axworthy, Toronto Star, 16 novembre 2004.