Imaginons une élection au Mexique qui mettrait au pouvoir d’un président favorable aux États-Unis, comme tous les présidents depuis 70 ans, mais cette fois des observateurs internationaux détecteraient des fraudes. Si Vladimir Poutine demandait alors un nouveau décompte ou une annulation des résultats, imaginez les protestations des États-Unis. Impensable ? Pas tant que ça : y a-t-il eu des élections sans fraudes au Mexique ? Maintenant, regardez l’Ukraine. Pendant 70 ans, elle a été une part de l’URSS et pendant des siècles, Kiev et Moscou ont été liés. L’indépendance de 1991 a suscité un certain nombre de problème pour la Russie et on comprend l’intérêt de Poutine pour le résultat des élections. Mais Poutine n’est-il pas en train d’installer une dictature en Ukraine ? Peut-être, mais il faut être naïf pour voir en Ukraine une lutte des gentils contre les méchants.
Tous les abus en Ukraine ne sont pas venus du même côté. L’opposition entre l’Occident et Poutine dans ces élections complique la situation pour les Ukrainiens et la rend dangereuse. Il faut que Poutine cesse de se mêler des affaires ukrainiennes et nous aussi. Nous devons comprendre le point de vue de Poutine : son travail est de faire de la Russie un pays puissant et riche ; pour cela il a besoin de pays prêts à collaborer avec la Russie. Mais depuis cinq ans, il a vu la majeure partie de l’Europe orientale être absorbée par l’Union européenne et l’OTAN. Aujourd’hui, les bases de l’OTAN sont à moins de 100 milles de Saint Petersbourg.
Si la direction change en Ukraine, ce pays rejoindra aussi l’Union européenne et l’OTAN : ce sera une menace mortelle pour la Russie et la fin de son rêve d’une communauté économique. Du côté européen, veut-on vraiment que 50 millions d’Ukrainiens intègrent l’Union européenne et avoir une Russie hostile ? Les néo-conservateurs le veulent, nous pas ! Il faut accepter la réalité et privilégier la stabilité à la démocratie en Ukraine.

Source
The Independent (Royaume-Uni)

« Putin should keep his nose out of Ukraine. So should we », par Peter Unwin, The Independent, 28 novembre 2004.