La victoire des travaillistes en Grande Bretagne a eu pour conséquence heureuse en politique étrangère la ratification du traité instituant la Cour criminelle internationale, un texte que les conservateurs avaient toujours refusé et combattu. Nous avons également mobilisé les autres nations et fourni une aide financière aux petits pays pour qu’ils puissent envoyer une délégation à la conférence de Rome au cours de laquelle ce traité a été approuvé par 120 pays. Les États s’y opposant n’étant qu’une demi-douzaine. Il y a donc eu un consensus international, même si les États-Unis étaient du mauvais côté. Cette cour mettait fin à l’impunité des dictatures et je rêvais alors que les Pol Pot de l’avenir puissent comparaître et répondre de leur crime.
Aujourd’hui, la Cour doit travailler sur le plus grave crime contre l’humanité depuis sa mise en place : le nettoyage ethnique au Darfour, mais Washington s’y refuse. Depuis quatre ans en effet, les États-Unis mènent une offensive contre cette juridiction au nom de la croyance selon laquelle aucune institution internationale ne doit restreindre la possibilité d’action des États-Unis (« Aucun citoyen états-unien ne sera jugé par un Belge » avait déclaré un responsable du département d’État qui avait ainsi également montré qu’il savait bien où se trouvait La Haye). Aujourd’hui, Condoleezza Rice fait du lobbying pour que les crimes au Darfour soient jugés n’importe où, mais pas à la Cour criminelle internationale. Il a été question qu’ils le soient par le tribunal sur le Rwanda alors que ce dernier se débat déjà pour réaliser sa tâche initiale.
L’autre option est de créer un tribunal spécial, mais cela prendre plusieurs années et l’intérêt de la CCI est qu’elle peut être mobilisée rapidement. Aujourd’hui, des ministres nous expliquent qu’ils vont essayer de trouver un accord au Conseil de sécurité de l’ONU, mais cela veut dire que les États-Unis n’opposeront pas leur veto, ce qui est pourtant possible. Tony Blair doit enfin faire pression sur George W. Bush et doit lui rappeler ce qu’il lui doit.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« If not in Darfur, then where ? », par Robin Cook, The Guardian, 11 février 2005.