Les affrontements qui ont débuté dans l’Etat Shan en novembre l993, au nord - est de la Birmanie, entre l’armée birmane et les troupes de Khun Sa - Mong Tai Army, MTA - , (La Dépêche Internationale des Drogues n°29) mettent en cause la crédibilité militaire du régime de Rangoon et renforcent l’image de combattant nationaliste du "roi de l’opium", le seul à encore s’opposer militairement à la dictature en place à Rangoon. Cette offensive de Khun Sa intervient à une phase cruciale des tractations entre Rangoon et les mouvements nationalistes ethniques Karen et Môn, dont les zones d’opération incluent le tracé du gazoduc reliant à la Thaïlande le gisement que Total s’apprête à mettre en exploitation dans le golf de Martaban (La Dépêche Internationale des Drogues n°24). La MTA a revendiqué à la mi-mai la capture de six des sept avant-postes de la garnison birmane de Mong Kyawt, dans l’est de l’état Shan, localité qui lui avait été enlevée au début de la campagne. Des combats se poursuivaient le 22 mai à proximité de la ville birmane frontalière de Tachilek, et sur le nouvel axe routier reliant cette ville à Kengtung et la frontière chinoise, bloquant des dizaines de touristes à l’intérieur de l’Etat Shan. Ces succès de Khun Sa, qui auraient coûté plusieurs centaines de soldats à l’armée birmane n’ont été ni démentis ni confirmés par Rangoon. Khun Sa, qui multiplie ses opérations de relations publiques dans sa "capitale" de Ho Mong, a également accueilli, fin avril, un ancien conseiller du président Carter, Peter Bourne. Celui-ci a déclaré au Bangkok post être venu s’entretenir, à titre personnel, avec Khun Sa, pour évaluer la volonté réelle de ce dernier d’éradiquer la culture du pavot à opium dans un état Shan indépendant. Il s’est également déclaré impressionné par la véritable orientation politique prise par le mouvement Shan, qui fait de Khun Sa bien plus que le chef d’une organisation de trafic de drogues. Par ailleurs, l’incapacité dans laquelle se trouve l’armée birmane, forte de plus de 300 000 hommes, bien armée et aguerrie, d’avoir raison de 20 000 hommes soulève quelques interrogations. Même si la MTA possède des missiles antiaériens acquis au Cambodge, au Laos et sur le marché international, pourquoi Rangoon n’emploie-t-elle pas sa force aérienne ? Ho Mong, une véritable ville avec constructions en dur, casernes, entrepôts, hôpital, hôtel, offre pourtant une cible de choix pour l’aviation birmane, qui n’a jamais été arrêtée par des considérations humanitaires ni par le souci d’épargner des populations civiles. Les chefs du SLORC seraient - ils si peu sûrs de l’assise de leur pouvoir qu’ils se refusent à mobiliser les troupes d’élite en garnison dans les villes birmanes pour enfoncer les forces de Kuhn Sa ? Ou bien, malgré son défi aux autorités de Rangoon, Khun Sa continuerait - il à rendre des services à certains membres de la junte ? Par ailleurs, le chef de la MTA continue à bénéficier d’appuis haut placés à Bangkok , ce qui contribue à expliquer que le réseau routier qu’il a fait tracer dans les territoires qu’il contrôle en Birmanie est connecté au réseau thaïlandais et que le franchissement de la frontière pour les biens et les personnes vers Ho Mong n’a jamais rencontré de difficultés insurmontables (rédaction de La Dépêche Internationale des Drogues).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 32