« OTAN : comment je vois l’avenir »

OTAN : comment je vois l’avenir
Le Monde (France)

[AUTEUR] Vaclav Havel est président de la République tchèque. Ce texte est extrait d’une intervention qu’il a tenu le 20 novembre, à Prague, au cours de la conférence internationale organisée par l’Institut Aspen, qui a précédé le sommet de l’OTAN.

[RESUME] L’OTAN n’a plus pour but de combattre un État mais un mal plus diffus, ennemi des valeurs de l’Occident, et si l’alliance veut continuer d’accomplir sa mission originale, elle doit opérer une transformation franche et massive, obstruée jusqu’ici par le poids des bureaucraties. Pour cela, elle doit avoir des forces militaires disposant d’informations nombreuses, biens et rapidement traitées. Ces nouveaux réseaux de communication et d’information permettront le déploiement, partout où cela est nécessaire, d’unités permanentes de l’alliance qui seront dotées de compétences militaires, mais aussi policières.
Le sommet de Prague est aussi le sommet de l’élargissement, preuve que l’Europe n’est plus divisée en deux. L’OTAN a pour vocation d’embrasser tout l’espace culturel euro-américain, sans égard aux revendications d’appartenance territoriales, passées ou présentes, des uns et des autres. L’alliance couvre une civilisation et un espace géographique qui a ses limites occidentales à la frontière entre les États-Unis et le Mexique et dont la frontière orientale est plus floue. L’admission des pays de l’Est de l’Europe dépendra de la sensibilité des différents États, mais il est d’ores et déjà évident que la Russie avec sa culture eurasiatique ne saurait en faire partie.
Il faut que l’OTAN soit attentive à la future intégration des États des Balkans et à celle, éventuelle, des pays neutres : l’Irlande, la Suisse et la Finlande. En effet, dans un monde ou l’affrontement bipolaire n’est plus et où les ennemis, désormais, sont le crime organisé, le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, la neutralité n’a plus de sens.
Malgré les dissensions, il est nécessaire que l’Europe ait une meilleure conscience de la nature des responsabilités des États-Unis sur le monde et les États-Unis doivent se souvenir qu’ils puisent leurs racines en Europe et qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs un allié plus proche d’eux. L’OTAN est une alliance qui défend la conception occidentale de certaines valeurs humaines, sans mépriser les autres conceptions. Aussi, dans le cadre des négociations avec la Russie et avec la Chine pour lutter contre le terrorisme mondial, il semble difficile d’imaginer que nous ne donnerons pas notre avis sur la guerre en Tchétchénie et la politique chinoise au Tibet.

« Une romance qui vaut la peine de s’engager »

A romance worth entering
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEURS] Bates Gill est ancien directeur du Center for Northeast Asian Policy Studies et dirige les études chinoise du Center for Strategic and International Studies, où Matthew Oresman est chercheur assistant.

[RESUME] La Chine a, pour la première fois, demandé qu’un dialogue bilatéral s’ouvre avec l’OTAN sur les questions stratégiques, les nouvelles menaces et les activités de l’OTAN dans ses pays frontaliers. Cette demande est logique compte tenu des accords de l’OTAN avec la Russie et, depuis 1994, avec les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, pays avec lesquels la Chine a signé des traités. La Chine ne souhaite pas être isolée diplomatiquement alors que des partenaires de l’OTAN sont maintenant à ses frontières. De plus, Pékin sait qu’un partenariat avec l’alliance peut permettre de contrer le terrorisme en Asie centrale et favoriser la prospérité dans cette région.
Ce rapprochement montre que la Chine a désormais une attitude plus responsable et qu’elle reconnaît le rôle de l’OTAN dans le monde de l’après Guerre froide. C’est aussi un moyen pour Pékin, qui craint beaucoup l’unilatéralisme américain, de discuter avec les États-Unis dans le cadre d’une structure où ils n’ont pas le seul pouvoir de décision et de faire ainsi participer les pays européens, pouvant servir de contrepoids, à ses discussions avec Washington.

« Le racket de Prague »

The Prague racket
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] John Laughland est administrateur du British Helsinki Human Rights Group, association étudiant la démocratie et le respect des Droits de l’homme dans les anciens pays communistes.

[RESUME] La Biélorussie n’était pas représentée au sommet de Prague de l’OTAN en raison du refus des autorités tchèques d’accorder un visa à Lukashenko, le président biélorusse, ou à un de ses ministres, suite à des pressions américaine. Certains aux États-Unis commencent, désormais, à présenter Minsk comme faisant partie de leur "Axe du Mal". Pourtant, les explications données à cette éviction sont absurdes.
Les États-Unis ont affirmé qu Lukashenko n’avait été élu président qu’en raison du trucage des élections, bien que l’opposition ait reconnu sa défaite. Dans le même temps, l’OTAN discute avec Poutine dont l’élection, comme toute les élections russes depuis 1991, est truffée d’irrégularités. Washington prétend également que les citoyens biélorusses sont tabassés lorsqu’ils parlent biélorusse. Pourtant le biélorusse est l’une des langues officielles et Lukashenko le parle régulièrement. On affirme aussi que les catholiques et les juifs seraient persécutés pour leur foi alors que c’est l’actuel président qui a rétabli l’ancienne hiérarchie catholique dans son pays et que l’Oxford Institute for Hebrew and Jewish Studies ne note aucun problème pour la communauté juive. Enfin, on affirme que Lukashenko fait assassiner ses opposants alors qu’une de ses prétendues victimes a été retrouvée dernièrement à Londres, en excellente santé.
La vraie raison de la haine vis-à-vis du président biélorusse est son refus de vendre son pays aux entreprises occidentales. Pis, il n’a pas ouvert son marché intérieur, ni aux produits agroalimentaires subventionnés états-uniens, ni à leur matériel militaire. En effet, quand on voit que la Lituanie, tout petit pays à la situation économique catastrophique, va devoir acheter pour 240 millions de dollars d’armes américaines par an pour devenir membre de l’OTAN, on se rend bien compte que ce sont les intérêts économiques américains qui dictent l’élargissement de l’alliance.
Cela n’a rien d’étonnant quand on sait que l’homme que Washington a chargé de superviser cet élargissement pour les États-Unis est Bruce Jackson, ancien officier de renseignement militaire qui était jusqu’en août dernier vice président de Lockheed Martin, l’un des plus gros pourvoyeurs de matériel du Pentagone.
La fonction de Jackson est de "promouvoir la démocratie en Europe" et c’est sans doute cette fonction qui lui permet de déclarer publiquement à la Bulgarie qu’elle devait vendre ses usines nationales de tabac au "bon" acheteur étranger. Ce n’est pas la démocratie que Washington promeut mais un système de contrôle politique et militaire au service des États-Unis et de son industrie militaire. Il s’agit là d’un racket et ceux qui ne s’y plient pas, subissent le sort de Lukashenko.

« Le temps de la carotte et du bâton »

A season for carrot and stick
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Han Sung Joo a été ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud (1993-1994). Il est professeur de sciences politiques à la Korea University.

[RESUME] Les États-Unis ont affirmé qu’ils ne reprendraient pas les négociations avec la Corée du Nord tant qu’elle n’aurait pas démantelé son programme d’enrichissement de l’uranium et la Korean Peninsula Energy Development Organization (KEDO) a décidé de cesser de livrer du pétrole à Pyongyang.
Qu’espérait donc la Corée du Nord en relançant son programme nucléaire ? Pyongyang n’a pas choisi le moment de cet aveu. Elle y a été poussé par les découvertes américaines sur ce sujet, mais elle l’aurait déclaré tôt ou tard afin d’être en position de force pour négocier avec les États-Unis, comme en 1994. Malheureusement pour elle, la nouvelle administration états-unienne n’est pas aussi accommodante que la précédente et est bien décidée à cesser toute aide économique et fourniture de pétrole au régime de Kim Jong Il en rétorsion à la violation du traité.
Il est nécessaire de revenir à la politique de la carotte et du bâton qui avait abouti à un accord en 1994. Toutefois, le succès de cette politique dépendra très largement de la coordination entre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud.

« C’est dans notre diversité que nous tirons notre force »

In our diversity, lies our strength
The Independant (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Colin L. Powell est secrétaire d’État des États-Unis. Il a été assistant aux affaires de sécurité nationale du président Reagan de 1987 à 1989 et chef d’état-major de l’armée états-unienne de 1989 à 1993. Cette tribune est extraite d’un discours prononcé devant des invités musulmans au secrétariat d’État.

[RESUME] Nous sommes bénis de vivre dans une nation où chacun d’entre nous peut vivre sa vie, élever ses enfants et adorer Dieu selon ses croyances sous la protection de la loi. C’est dans notre diversité, notre spiritualité, notre tolérance et notre respect de la dignité humaine que nous puisons notre force et notre espoir en un avenir meilleur.
L’Amérique est une nation où un secrétaire d’État chrétien, fils d’un immigré jamaïcain peut célébrer le ramadan avec des américains musulmans. Les extrémistes de tout bord sont nos ennemis et ils essayent de nous diviser et de nous affaiblir. Pour notre part, nous voulons apporter la paix, la prospérité et la liberté partout dans le monde avec l’aide de nos partenaires musulmans.

[CONTEXTE] C’est à ce discours que Daniel Pipes faisait référence quand il fustigeait le "politiquement correct" de certains membres de l’administration Bush vis-à-vis des musulmans, dans sa tribune Say the name of the enemy parue dans le Jerusalem Post du 19 novembre et que nous avons présenté dans le numéro 35 de Tribunes libres internationales.

« Un lien entre Al Quaïda et l’Irak mis en évidence ? »

An Al Qaeda- Iraq link materializing ?
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Daniel Schorr est chroniqueur à la National Public Radio.

[RESUME] Jusqu’ici, l’administration Bush n’avait jamais été capable d’établir sérieusement de lien entre Al Quaïda et l’Irak. Le rapport affirmant que Mohammed Atta avait rencontré un agent des services secrets irakien à Prague n’a jamais été confirmé. On pouvait même noter une certaine hostilité d’Al Quaïda vis-à-vis de l’Irak, dont le régime laïc avait valu à Saddam Hussein d’être qualifié "d’apostat" et "d’infidèle" par Ben Laden.
Pourtant, d’après la cassette du chef d’Al Quaïda qu’a récemment diffusé Al Jazira, on peut noter que désormais Saddam Hussein et Ben Laden défendent une cause commune : la lutte contre les États-Unis. Ainsi, on trouve dans cette cassette un net soutien à Bagdad et des menaces contre les pays musulmans qui seraient prêts à aider les États-Unis contre l’Irak.
Il s’agit là du plus fort soutien de Ben Laden envers l’Irak. S’il n’y avait jamais eu de liens établis entre les deux ennemis des États-Unis, on peut désormais noter que les terroristes islamiques rallient le régime laïc de Bagdad par anti-américanisme.