Parmi la panoplie de technologies envisagées par le Pentagone pour contrôler les populations, il en est une, The Human Identification at Distance (Identification humaine à distance) - lire à ce sujet notre article L’œil du Pentagone-, qui laisse perplexe. Il s’agit de la reconnaissance automatique, par des caméras de surveillance, d’individus recherchés. En effet les conditions de mesure morphométrique du visage doivent satisfaire un certain nombre de contraintes pour espérer pouvoir, à l’aide de ces paramètres, identifier qui que ce soit.

Des sociétés de traitement automatique des images s’intéressent depuis plusieurs années aux applications d’identification automatique des personnes. Pour ce travail, elles collaborent avec des morphologistes du visage, peu nombreux, dont le savoir est utilisé en médecine légale et en paléontologie. Cette discipline est capable notamment de reconstituer la forme d’un visage à partir d’éléments dégradés ou de squelettes.

Une vingtaine de points-mesures caractéristiques ont été définis sur un visage humain permettant son identification. Les études réalisées sur plusieurs milliers d’individus montrent que la précision de mesure de ces « points d’identification » doit se situer dans une surface de 2 millimètres carrés, surface nécessairement inférieure à l’écart type des données du panel étudié.

Il existe une hiérarchie dans ces paramètres allant du plus reproductible, car plus proche de la boite crânienne, au plus flou, car trop attachés aux chairs. Le plus reproductible est la distance interpupillaire. Vue de face, la ligne passant par le centre des pupilles est la base des rapports qui seront établis avec les autres points de mesure. Vue de profil, c’est la position de l’orifice auriculaire qui a la préférence.

La saisie des mesures présente de nombreuses difficultés

  1. La position de l’orifice auriculaire peut être cachée par des cheveux.
  2. La base du menton ne peut être mesurées que maxillaires joints. En effet, un écart de repos, de 2 mm environ quoique variable, existe entre les dents.
  3. Le centre de la pupille peut être difficilement déterminable quand l’iris est sombre et les yeux plissés, masquant le blanc.
  4. L’expression du visage doit être neutre, sans sourire, car la position des commissures des lèvres est un autre point significatif.

Les conditions d’observation pour identification sont draconiennes

  1. L’instrument de mesure est une caméra CCD offrant classiquement 640 par 480 points images (pixels) utiles. Les pixels sont espacés de 7 microns pour de bonnes caméras, la surface du capteur est donc de 4,48 mm sur 3,36 mm. Pour avoir une précision de 2 mm2, c’est à dire mesurer un carré de 1,4 sur 1,4 mm, il est nécessaire d’inscrire 4 pixels dans ce carré, c’est à dire une surface de 14 sur 14 microns. Le champ disponible est donc 1400 / 14 * 4,48 = 448 mm par 1400 / 14 * 3,36 = 336 mm soit 0,448 m par 0, 336 m.
    Il s’ensuit que pour être identifiable, un visage doit être filmé en gros plan. On ne peut donc espérer identifier des visages dans des images de foules.
  2. Les points à mesurer sont des éléments du relief du visage.
    En conséquence, un visage n’est identifiable qu’avec des ombres identiques, c’est-à-dire dans des conditions reproduites de direction et d’intensité d’éclairage.
  3. La distance interpupillaire est l’élément primordial de la reconnaissance.
    Le sujet doit donc avoir son regard fixe, face à la caméra, toujours dirigé dans même direction vers une cible.
  4. Les mesures sont réalisées par une projection de l’image du visage à la surface d’un capteur CCD.
    Il est donc nécessaire que la distance entre le sujet et la caméra soit constante.

Tous ces éléments interdisent définitivement, et quelque soit la puissance du logiciel utilisé, la possibilité de reconnaissance d’individus dans un milieu aléatoire. Par contre, il est possible de reconnaître des individus dans des conditions constantes.

En conclusion la reconnaissance automatique de visage n’est possible que si le sujet cherche à être reconnu et accepte diverses contraintes, comme pour un contrôle d’accès. Le programme de recherche HID, développé par John Poindexter au sein de l’Information Awareness Office, ne peut aboutir. La reconnaissance automatique d’individus recherchés, parmi des passants, ne peut être qu’une désinformation du Pentagone pour exiger, et obtenir, des modifications législatives substantielles autorisant des intrusions militaires dans la vie privée des citoyens. Il reste que 12 millions de dollars ont déjà été dépensés en "étude de faisabilité" et que 31 millions de dollars ont été provisionnés pour les deux ans à venir, soit 13 % du budget général du Total Information Awareness Program. Il est peu probable que le Pentagone ait été victime d’une escroquerie, mais il est par contre dans les pratiques de l’amiral Poindexter de monter des systèmes de détournement de fonds publics pour financer des opérations interdites par le Congrès.