« Une guerre contraire au droit »

Une guerre contraire au droit
Le Figaro (France)

[AUTEURS] Jacques Myard est ancien diplomate et député UMP des Yvelines. Pierre Maillard est ambassadeur de France et ancien conseiller diplomatique du général De Gaulle. Gabriel Robin et Jacques Tissé sont anciens ambassadeurs.

[RESUME] Malgré tout le bruit autour de la guerre en Irak, la question des buts de guerre a été totalement occultée. Dans le camp des faucons, personne ne semble vouloir les définir pour ne pas avoir à développer leur inanité, leur illégitimité ou leurs mensonges.
C’est d’abord la menace irakienne qui a été mise en avant pour justifier la guerre, mais l’Irak ne menace pas ses voisins, qui sont tous hostile à la guerre et qui, au mieux, laissent les états-uniens utiliser leurs bases sur leur sol. La menace terroriste ou nucléaire irakienne n’est pas plus démontrée. C’est pour cette raison que les pays opposés à la guerre demandent plus d’inspections et leur renforcement, afin de prouver que l’Irak n’est pas une menace, ce que vient confirmer les discours assurant que la guerre sera rapide.
Après la menace, on nous a parlé d’un changement de régime. Ce qui est un but illégal, même si c’est pour imposer une démocratie. De toute façon, après les échecs en Haïti, à Grenade, au Pakistan, au Koweit ou en Afghanistan, on peut douter de la capacité des États-Unis à amener la démocratie par la force dans un pays. En outre, quand on voit que la démocratisation de l’Irak entre dans un processus plus large de redécoupage du Proche-Orient, on peut penser qu’on est revenu à l’époque des découpages coloniaux alors que nous pensions que l’anti-colonialisme était une doctrine des États-Unis. Le dernier but de guerre est inavouable, il s’agit du pétrole.
La guerre en Irak n’a pas de buts légitimes. Il faut mettre en place en Irak un régime de surveillance approprié qui sera respectueux de la souveraineté du pays. L’ONU ne peut donner son aval à la guerre voulue par Washington sous peine de perdre toute crédibilité et la France doit conserver sa posture diplomatique, en allant, si besoin, jusqu’à utiliser son veto.

« La manipulation du public se construit dans les brumes de la guerre »

Manipulation of the Public Builds Along With War Clouds
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Matthew Rothschild est rédacteur en chef de Progressive magazine.

[RESUME] La rhétorique de George W. Bush est hautement manipulatrice. Plus de trente fois lors des sept derniers mois, il a présenté les États-Unis comme un pays hautement vulnérable. Son argument le plus récurrent est qu’autrefois, les États-Unis étaient protégés par les océans et que ce n’est plus le cas. Pourtant, depuis Pearl Harbor et l’existence des missiles intercontinentaux, nous savons que cela ne suffit plus à nous protéger. Selon Mark Crispin Miller, auteur de The Bush Dyslexicon, cette argumentation est centrale dans le programme anticonstitutionnel de l’administration Bush. C’est une façon de se présenter comme le dernier rempart contre les ennemis de l’Amérique et d’accaparer les pouvoirs.
De même, l’Irak est présenté comme un danger croissant alors que ses installations militaires sont bombardées tous les jours par la coalition anglo-américaine, qu’il est surveillé par les inspecteurs et par les satellites espions états-uniens. Chacun des discours de Bush présente la guerre comme une possibilité qui s’imposerait à lui alors même que c’est lui qui impose cette possibilité. C’est sans doute une façon de se dédouaner à l’avance des conséquences de la guerre à venir.

« Nouvel ordre : la fin des alliances »

New Order : the End of Alliances
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Rajan Menon est membre du Council on Foreign Relations et président des études politiques eurasiennes du National Bureau of Asian Research. Il est professeur des relations internationales à la Lehigh University.

[RESUME] Nous prenons le chemin d’un monde dans lequel les alliances n’existeront plus. Cela peut paraître étrange pour des États-uniens qui les ont toujours connues. Cependant, il faut se rappeler que les alliances étaient mal vues par les États-Unis dans les premiers temps de la république et que ce n’est qu’avec l’industrialisation et l’augmentation de l’interdépendance entre les États que Washington en a formé.
Nous vivons actuellement dans un système d’alliances, comprenant l’OTAN, l’OTASE et l’ANZUS, qui a été créé dans la stratégie de l’endiguement issue de la Guerre froide. La « pactomanie » de la Guerre froide est aujourd’hui remise en question. Comme l’a noté Robert Kagan, l’OTAN est de plus en plus divisée, ce qui est logique après la disparition de l’URSS. La guerre contre le terrorisme, les missions de maintien de la paix et la promotion de la démocratie ne sont pas des objectifs unificateurs. L’OTAN est donc appelée à disparaître, de facto si ce n’est pas nominalement.
Toutefois, contrairement à ce qu’affirme Kagan, il ne s’agit pas là d’un problème américano-européen. Toutes les alliances sont en train de décliner : l’OTASE est connue par bien peu de jeunes Américains, l’ANZUS ne se porte pas bien non plus et cette tendance touche également les alliances bilatérales, comme c’est le cas pour l’alliance américano-sud-coréenne et comme ce sera bientôt le cas pour l’alliance américano-japonaise.
Nous vivons une époque de transformation du contexte international et de diffusion des menaces. Il nous faut donc tenir compte de la fin des alliances, et de ce que nous n’aurons bientôt plus de bases militaires partout dans le monde, pour revoir nos principes stratégiques militaires.

« La capture d’un membre clé d’Al Qaïda »

Key Qaeda Capture
New York Post (États-Unis)

[AUTEUR] [AUTEUR] Max Boot est membre du Council on Foreign Relations. Journaliste réputé dans les milieux économiques, il dirige la page éditoriale du Wall Street Journal. Il a publié The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power. Il est expert du cabinet de relations publiques Benador Associates.

[RESUME] Pendant des mois, de supposés experts en sécurité nationale, dont de nombreux clintonistes, ont argumenté contre la guerre en Irak en s’appuyant sur l’hypothèse que nous ne pourrions pas lutter à la fois contre Al Qaïda et contre l’Irak. Ils étaient cependant bien incapables d’affirmer ce que les États-Unis pourraient faire de plus contre Al Qaïda en n’attaquant pas l’Irak. Envahir le Pakistan peut-être ?
L’arrestation de Khalid Sheikh Mohammed, l’un des cerveaux des attentats du 11 septembre vient déontrer qu’ils se sont trompés. Cette arrestation vient s’ajouter à celles de Abu Zubaydah et de Ramzi Binalshibh au Pakistan et l’incinération au Yemen de Qaed Salim Sinan al-Harethi abattu par un drone Predator. La lutte contre Al Qaïda est lente et laborieuse. Elle mobilise le FBI et toute la communauté du renseignement américain. Or la préparation de la guerre en Irak n’influe pas sur les missions de ces agences sur le long terme même si elles les privent de l’utilisation des drones pour le moment.
Il y a 60 ans, nous combattions en même temps l’Italie, l’Allemagne et le Japon, aujourd’hui nous sommes plus puissants et plus riches, nous pouvons donc combattre cette portion de l’Axe du Mal que sont l’Irak et Al Qaïda.
Il est vrai que de nombreux alliés des États-Unis, comme la France et l’Égypte, sont sceptiques sur la guerre en Irak. Cela ne les empêche pas de nous aider dans la guerre au terrorisme car elle entre aussi dans leurs intérêts, Al Qaïda ayant attaqué de nombreuses cibles dans le monde et les menaçant également. En outre, la guerre en Irak n’amènera pas plus d’actions terroristes, ni ne permettra de recruter plus. On peut en effet noter qu’Al Qaïda a émergé pendant les années 90, période durant laquelle les États-Unis étaient impliqués dans le processus de paix israélo-palestinien, et qu’aujourd’hui de nombreux terroristes potentiels sont dissuadés par la crainte de finir leurs jours à Guantanamo.
La lutte contre le terrorisme et celle contre les États voyous doivent être menées en même temps.

« La sécurité internationale et les armes »

International security and arms
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Anthony H. Cordesman détient la chaire de stratégie Arleigh A. Burke du Center for Strategic and International Studies. Il est ancien conseiller aux questions de renseignement au département de la Défense états-unien. Cette tribune est extraite d’un discours prononcé lors de la vingtième conférence de la World Media Association, qui s’est tenue le 20 février dans un grand hôtel proche du Pentagone, à l’initiative du révérend Sun Myung Moon et en présence du secrétaire d’État adjoint, Richard L. Armitage.

[RESUME] Nous faisons face aujourd’hui avec l’Irak, la Corée du Nord et les tensions indo-pakistanaises à trois crises de prolifération. Chacune d’elles est une menace pour la stabilité régionale, pour l’ONU et pour les systèmes d’alliance issus de la Guerre froide. Ces crises sont à la fois le symbole et la cause des transformations du système international.
En effet, la question de prolifération est un sujet d’inquiétude pour les États-Unis depuis l’administration Eisenhower, mais aujourd’hui elle a une dimension différente. Ce danger a perdu son caractère planétaire pour se concentrer dans certaines régions, malheureusement extrêmement instables.
Le problème se pose :
 Avec les acteurs du conflit israélo-arabe.
 Dans les pays du Golfe persique.
 Dans la péninsule indienne entre l’Inde et le Pakistan.
 Entre la Chine et Taïwan.
 Dans la péninsule coréenne.
Durant la guerre froide, chacun des deux blocs connaissait les effets des armes de destruction massive et ne souhaitait pas que la situation dégénère. Aujourd’hui nous voyons des États connaissant mal les effets de leurs armes et appréciant moins bien les risques. De plus, nous avons constaté avec la secte Aum au Japon que les armes de destruction massive n’appartiennent plus aux seuls États.
Face à cette situation, on observe que les inspections de l’ONU ne fonctionnent pas et, même si nous désarmons l’Irak, le problème dans la région restera entier. Il faut donc mettre au point une nouvelle stratégie mondiale mêlant l’endiguement, les inspections, la sécurité intérieure, le contrôle des armes, la dissuasion et aussi les frappes préventives et la guerre afin de prévenir au maximum les risques, même si on ne peut rien empêcher complètement.