« La guerre en Irak et l’avenir de l’ordre mondial »

La guerre en Irak et l’avenir de l’ordre mondial
Rossiskaïa Gazeta (Russie) traduit en français sur le site du Réseau Voltaire.

[AUTEUR] Igor Ivanov est ministre des Affaires étrangères de Russie.

[RESUME] La guerre en Irak aura un impact à long terme car c’est de cette crise que vont émerger les bases de l’avenir de l’ordre mondial.
Aujourd’hui, la coalition antiterroriste internationale est en grand danger car la majorité écrasante de la communauté internationale rejette le règlement militaire du problème du désarmement irakien. Les manifestations mondiales contre l’usage de la force montrent également la compréhension par l’opinion publique mondiale que c’est à la communauté internationale de gérer la sécurité internationale. En outre, la résolution 1441 n’a pas donné le droit à l’usage automatique de la force contre l’Irak à personne.
Nous sommes fermement persuadés que l’avenir est aux efforts collectifs dans les règlements des problèmes de la communauté internationale. La fin de la Guerre froide a ouvert la voie à la coopération entre les États, même si les espoirs qu’avaient suscité la fin de la guerre des idéologies ont été déçus. Nous sommes aujourd’hui confrontés à de nouveaux défis comme le terrorisme international, le crime organisé, le trafic de drogue, la prolifération d’armes d’extermination massive, les crises financières et économiques globales, les menaces écologiques et les épidémies en masse. En outre, la vague du séparatisme et d’autres manifestations de l’extrémisme national et religieux a engendré plusieurs nouveaux conflits régionaux dont les effets désastreux se sont développés en raison de la mondialisation.
La Russie a été l’une des premières puissances à affronter la menace réelle du terrorisme international et à poser au niveau global le question de la nécessité du partenariat pour combattre ce fléau. C’est pour cela que nous avons été prêts au lendemain du 11 septembre 2001 à devenir un des membres actifs de la coalition antiterroriste construite avec les États-Unis, l’OTAN, l’Union Européenne et l’ONU. Malgré les difficultés, l’opération en Afghanistan a montré que la lutte efficace contre le terrorisme était possible quand il était traité globalement (militairement, économiquement, politiquement, socialement) et qu’elle était menée avec la communauté internationale dans le respect du droit.
En agissant ensemble dans le cadre de l’ONU, nous pouvons créer un monde multipolaire qui garantirait la sécurité et le progrès égal à tous les États.

« Des juristes internationaux jugent l’injustice »

International lawyers court injustice
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEURS] V.M. Raguz est ambassadeur de Bosnie Herzégovine à l’Union Européenne et à l’OTAN (1998-2000). Barbara Novosel a été avocate pendant deux ans au Tribunal Criminel International sur l’ex-Yougoslavie.

[RESUME] Israël a raison de ne pas reconnaître la Cour criminelle internationale (CCI) et tous les États responsables auraient la même attitude s’ils étaient dans la même situation. En effet, son précurseur, le Tribunal Criminel International sur l’ex-Yougoslavie (ICTY), a besoin d’être profondément remanié pour devenir une institution crédible.
L’ICTY emploie des procédures pour recueillir des témoignages et des preuves, et pour interjeter appel, qu’aucune nation démocratique n’adoptera jamais. La faute en revient au Conseil de sécurité qui a refusé de le transformer. L’ICTY sert les intérêts de ses initiateurs et pas la justice internationale. Il n’a donc pas permis la réconciliation. Le manque de crédibilité de l’ICTY a autorisé des criminels de guerre comme Milosevic et Seselj à se faire passer pour des héros.
L’ICTY a surtout créé des interprétations de la loi internationale qui n’existent nulle part ailleurs. Ainsi,, suivant le type de précédent qu’a créé ce tribunal, l’armée israélienne pourrait être condamnée pour crime contre l’humanité et José-Maria Aznar et Tony Blair pourraient être poursuivis pour leur rôle dans l’intervention en Irak. C’est sur ces jurisprudences que la haute cour de Belgique s’est appuyée pour poursuivre Ariel Sharon pour les massacres de Sabra et Shatila. En outre, les procédures durent des années et utilisent, dans des audiences secrètes, des documents non-signés comme preuves.
Il faut créer une CCI crédible. C’est crucial pour le monde arabe si Saddam Hussein et ses subordonnés sont jugés devant elle.

« Blair, le criminel de guerre »

Blair, the war criminal
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Tam Dalyell est député travailliste de Linlithgow et doyen de la Chambre des communes britannique.

[RESUME] J’estime que Tony Blair, en soutenant une attaque états-unienne contre l’Irak sans l’autorisation de l’ONU, se comporte comme un criminel de guerre et doit être envoyé au tribunal de la Haye.
Je suis député travailliste depuis plus de 41 ans et je n’aurai jamais pensé réclamer cela pour un de mes dirigeants, mais Blair est un homme qui a du dédain pour la Chambre des communes et les lois internationales. L’écrasante majorité des juristes internationaux affirme que cette guerre est illégale et certains reçoivent des coups de téléphone de membres des forces armées anxieux.
Blair accuse les opposants à la guerre d’être des partisans de l’apaisement avec les dictateurs, mais la plupart des opposants critiquent Saddam Hussein depuis longtemps (j’avais signé la motion demandant l’embargo sur les armes en direction de l’Irak en 1987, contrairement à Blair et Gordon Brown). Si quelqu’un pratique l’apaisement, c’est Blair vis-à-vis de George W. Bush. Je ne suis pas anti-américain, mais comme beaucoup dans ce pays, je pense que les fondamentalistes à la Maison Blanche utilisent Blair pour se justifier internationalement. Si la Grande-Bretagne avait affirmé, il y a des mois, qu’elle s’opposait à une guerre en Irak, c’est l’opinion publique américaine qui aurait empêché la guerre.
Beaucoup de travaillistes croient que Blair se trompe sur le danger présent : c’est le terrorisme, pas l’Irak. Or sa politique est susceptible de rapprocher Saddam Hussein et Oussama Ben Laden, qui pourtant se détestent, renforçant donc le terrorisme.
Je pense que Blair comprend ce que sont les horreurs des guerres modernes. Les États-Unis vont utiliser cette guerre pour tester leurs nouvelles armes. Cette guerre va donc entraîner tout ce que la création de l’ONU était censée éviter. Le Parti travailliste ne doit plus tolérer un dirigeant qui a plongé le pays dans une guerre injuste. Il faut que nos troupes se retirent d’Irak.

« Le Canada a laissé tomber son vieil ami »

Canada has let down its old friend
The Independant (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Paul Cellucci est ambassadeur des États-Unis au Canada. Cette tribune est adaptée d’un discours prononcé devant l’Economic Club de Toronto

[RESUME] La guerre en Irak fait partie d’un effort plus large pour combattre la menace terroriste. Comme l’a rappelé James Baker, l’ancien secrétaire d’État de George Herbert Walker Bush, les États-Unis font la guerre pour protéger les autres et leur donner la liberté, pas pour conquérir des territoires ou des ressources. Les cimetières d’Europe témoignent de cette réalité et ils sont remplis également de troupes canadiennes. C’est pourquoi les États-Unis ne comprennent pas pourquoi le Canada ne les soutient pas complètement.
Tout comme les Canadiens, nous sommes attachés à ce que l’ONU soit un organisme efficace, mais nos efforts en ce sens ont échoué. Désormais, c’est donc une question familiale et le Canada fait partie de notre famille. Si sa sécurité était menacée, nous l’aiderions sans même avoir à en débattre. C’est pourquoi tant d’Américains sont déçus par l’attitude du Canada.
Nous sommes en guerre pour libérer l’Irak et protéger les États-Unis et les autres pays du monde des armes de destruction massive irakiennes utilisées par des groupes terroristes ou le gouvernement irakien. C’est pourquoi nous ne comprenons pas pourquoi le Canada ne nous soutient pas pleinement.

« Je voudrais remercier la Vatican… »

I’d Like to Thank the Vatican...
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Michael Moore est écrivain et réalisateur de documentaires. Il a reçu un oscar pour son documentaire Bowling for Columbine.

[RESUME] Je voudrais donner un conseil aux futurs vainqueurs des Oscars : n’allez pas à l’église avant la cérémonie.
Moi j’y étais allé le matin même et, le problème avec les églises catholiques, c’est qu’il m’arrive d’y réfléchir et de penser que c’est mal de tuer les gens ou d’utiliser la violence dans un autre but que de se défendre. Même le pape dit la même chose : cette guerre est un péché. Ces pensées ne m’ont pas quitté quand je suis passé devant les sans abris pour aller au Kodak Theater (un enfant sur six aux États-Unis vivant sous le seuil de pauvreté est une autre forme de violence) ou quand j’ai vu les opposants à la guerre se faire arrêter par la police
Je n’avais pas préparé de discours pour les Oscars, j’ai simplement dit ce que je pensais et j’ai répété ce que j’avais dit à d’autres remises de prix : nous vivons un temps de fiction. Nous avons un président élu grâce à des résultats fictifs qui mène une guerre pour des raisons fictives et qui nous bombarde d’histoires fictives. C’est pourquoi les réalisateurs doivent informer leur public, car une démocratie où les citoyens ne sont pas informés n’est pas une démocratie.
Vu les succès de mon livre Mike contre-attaque, de Bowling for Columbine, et de mon site Internet, cela prouve que beaucoup d’Américains pensent comme moi ; les États-Unis sont pour la paix et ne sont que tacitement pour la guerre parce que c’est ce que vous êtes supposés faire quand votre pays est en guerre et que vous voulez que vos enfants reviennent d’Irak vivants. J’ai pensé que les gens présents à la soirée des Oscars pourraient penser la même chose et je ne pensais pas que mon discours créerait une telle cacophonie en me faisant à la fois huer et applaudir.
Je ne pense pas que ma remarque était inappropriée car je n’ai parlé que du sujet de mon film : les armes et la tradition des Américains de les utiliser contre le monde et les uns contre les autres. En revenant chez moi, j’ai été reçu par des personnes qui m’ont remercié d’avoir fait cette intervention. Ces gens sont comme les millions d’Américains qui n’ont pas la parole, mais qui ont dû envoyer leurs fils et filles en Irak pour peut-être mourir pour que les potes de Bush puissent s’emparer du pétrole de ce pays.

« Ne considérez pas le rôle global de l’Europe comme perdu »

Don’t write off Europe’s global role
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Jack Straw est le ministre britannique des Affaires étrangères .

[RESUME] Rarement dans les dernières années, l’Europe a été aussi divisée que sur l’Irak, mais je veux prévenir ceux qui croient que la politique étrangère et de sécurité commune européenne est morte : ce que cette crise montre, c’est que la politique étrangère des États nations sera toujours déterminée par les intérêts nationaux. Mais cela n’empêche pas l’Union Européenne d’agir dans les ères où tous ses membres ont un intérêt commun. C’est le cas dans les Balkans et il existe également un engagement commun en faveur d’une résolution négociée du conflit israélo-palestinien ; l’UE fait d’ailleurs partie du « quatuor diplomatique » qui a rédigé le « plan de route pour la paix ».
Toutefois, si l’Europe veut développer une influence international en lien avec son poids économique, elle va devoir faire des choix difficile. Robert Kagan pense qu’il existe un fossé infranchissable entre une Europe attachée au phantasme kantien de la paix perpétuelle et ayant abandonné l’engagement militaire et les États-Unis acceptant la réalité d’un monde hobbésien chaotique. Si je suis d’accord avec Kagan pour constater que, hormis le Royaume-Uni et la France, l’Europe a renoncé à faire les dépenses nécessaires pour assurer sa propre sécurité, il est cependant faux de croire que l’Europe a oublié ses responsabilités internationales. Aujourd’hui l’UE utilise la manière forte et douce pour maintenir la sécurité globale.
L’UE est présente militairement en Bosnie et en Macédoine, mais elle peut aussi utiliser son poids économique et diplomatique pour promouvoir la démocratie dans le monde grâce au commerce et aux aides internationales. Vu leurs atouts, l’Europe et l’ONU ont un rôle essentiel dans la reconstruction de l’Irak.

« Guerre urbaine : avantage aux États-Unis »

Urban warfare : advantage US
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] James Blaker est employé dans une entreprise de conseil en défense. Il a été assistant du vice secrétaire à la défense et vice sous-secrétaire à l’Air Force sous l’administration Reagan et conseiller du vice-président de l’état-major sous l’administration Clinton.

[RESUME] Alors que la principale bataille en Irak semble devoir avoir lieu dans ou près de Bagdad, la crainte d’avant-guerre de Donald Rumsfeld et des généraux - une bataille sanglante en milieu urbain - ressurgit. Ce type de combat est toujours dangereux, destructeur et sanglant, mais il ne tournerait pas forcément au désavantage des troupes des États-Unis.
En effet, la première difficulté de ce genre de bataille est la connaissance du terrain, or les troupes états-uniennes le connaisse bien grâce au travail formidable réalisé par le département de la Défense en matière de synthèse des informations recueillies sur Bagdad. En outre, les militaires états-uniens ont la capacité de tirer avantages de ces infos grâce à leur rapidité et leur précision.
Les militaires ont bien sûr l’option de détruire complètement Bagdad, mais ils ne le feront pas pour des raisons stratégiques et morales. Bien sûr une telle bataille ne sera pas facile, mais elle le sera plus que ce que n’envisagent les stratèges irakiens.