L’entrée des troupes de la Coalition dans Bagdad a été présentée par la Maison-Blanche comme un acte de libération du peuple irakien. C’est ce que s’évertue à croire Emma Nicholson, rapporteur sur l’Irak au Parlement européen, dont The Times publie le point de vue. Pourtant, au regard du droit international, cette guerre est une agression contre un État souverain et il appartenait au Peuple irakien, et à lui seul, de se libérer. Mais, depuis l’effondrement de l’URSS, les Occidentaux se sont efforcés de présenter la violation de la souveraineté d’un État comme un impératif moral lorsqu’elle était entreprise pour des motifs humanitaires. C’est ce que le docteur Kouchner a appelé le « droit d’ingérence », recyclant ainsi une expression traditionnelle de la diplomatie anglaise, inventée jadis pour justifier de l’attaque de l’Empire ottoman par l’Empire britannique. Cependant, le « droit d’ingérence » n’est qu’une expression politiquement correcte pour désigner le droit du plus fort à envahir le plus faible, tandis que le prétexte de « l’exportation de la démocratie » a remplacé celui de « la mission civilisatrice de l’Occident ».
Ce jargon nous a non seulement masqué le caractère colonial de cette invasion, mais il nous a aussi fait oublier que, devant le Conseil de sécurité, la Coalition avait prétendu faire cette guerre pour désarmer le régime de Saddam Hussein. Il faut absolument trouver les armes de destruction massive, écrit le général Wesley Clark dans The Times, faute de quoi Washington et Londres se retrouveront isolés face à la colère du monde arabe. Cette alerte intervient alors qu’à Washington l’annonce du prochain départ à la retraite du chef d’état-major de l’US Army, le général Eric Shinseki, et de la démission jointe de son bras droit, le général John Keane, semblent confirmer la rumeur selon laquelle ils auraient refusé de monter un coup tordu : faire apporter des armes qui auraient été « découvertes ». Quoi qu’il en soit, conclut le général Clark, après l’Irak, la guerre au terrorisme continue vers de nouvelles cibles et il faudrait être bien inconscient pour investir désormais son argent en Syrie.
Bien qu’il soit considéré comme un faucon, Robert Kagan met en garde les vainqueurs face au sentiment de puissance qui les enivre. Dans le Washington Post, il plaide pour une gestion discrète de l’après-guerre : renoncer au fantoche Chalabi et ne pas jeter les Européens dans les bras des Français. Mais cet avertissement de Kagan arrive trop tard et a peu de chances d’être entendu par ses amis. Dans Le Figaro, Laurent Murawieck se félicite de l’abandon de la « doctrine Eisenhower » : pour garantir leur approvisionnement en pétrole, les États-Unis ont systématiquement soutenu les régimes en place au Proche-Orient, depuis 1956. Le stratège préféré des néo-conservateurs poursuit en regrettant qu’à l’époque Eisenhower ait stoppé l’opération franco-britannique de Suez. La référence n’est pas anodine : elle explicite clairement que les États-Unis de George W. Bush ferment cinquante ans de parenthèse anti-colonialiste et prennent la relève des Empires européens. Murawieck conclut en menaçant la Syrie, bien sûr, mais aussi la dynastie saoudienne comme il l’avait fait, en juillet dernier, au Conseil consultatif de défense du Pentagone. Emporté par la fureur de la victoire, James Woolsey, qui a préparé cette guerre depuis de si longues années, clame dans Le Monde que la Quatrième Guerre mondiale est commencée et que « l’Amérique » va la gagner. Sans discussion, il attribue aux États-Unis la responsabilité d’avoir fait éclore 110 démocraties sur la planète au cours du XXème siècle et annonce qu’ils en feront naître encore, jusqu’à ce que le monde arabe soit entièrement transformé. Il menace à son tour l’Iran, la Syrie, le Soudan, la Libye et l’Arabie saoudite. Rien ne doit arrêter l’extension de la Pax Americana explique Daniel Pipes dans le Jerusalem Post, et surtout pas la crainte de susciter des vocations de terroristes. En effet, la campagne d’Afghanistan n’a pas fabriqué de nouveaux Ben Laden, celle d’Irak n’en créera pas non plus. Pipes relève cependant que l’opinion publique arabe voit aujourd’hui en Ben Laden non plus un islamiste, mais un agent des États-Unis, et qu’il ne risque donc plus de faire école. Il parie que Saddam Hussein sera bientôt également démonétisé, bien que les deux personnalités n’aient aucun rapport et que la Coalition ait affronté cette fois le Peuple arabe et non une confrérie islamique marginale.
Jack Straw expose aux lecteurs du Figaro ses intentions avant de rencontrer son homologue français, Dominique de Villepin. Pour réconcilier le Royaume-Uni et la France, il propose de laisser l’ONU s’occuper des coûteux secours à la population et s’engage à ne pas confisquer le pétrole irakien, comme d’ailleurs les Conventions internationales le stipulent. De leur côté, les commissaires européens Chris Patten et Pascal Lamy plaident dans l’International Herald Tribune pour un rapprochement euro-atlantique. Européens et États-uniens doivent cesser de se chamailler bruyamment et s’accorder discrètement sur leur intérêt commun à diriger le monde.
Face aux ambitions des faucons, ces paroles apaisantes venues de la vieille Europe auront peu de poids. La suite des opérations militaires, et notamment la question d’une incursion de la Coalition en Syrie sous un prétexte qui reste à inventer, dépend de la stabilisation de l’Irak. Washington accélère l’implantation d’un gouvernorat militaire de crainte que des mouvements irakiens d’opposition à Saddam Hussein ne créent un Conseil national de la Résistance. D’ores et déjà des groupes chiites soutenus par Téhéran et un groupe de militaires rebelles soutenus par Moscou ont constitué une plate-forme anti-coloniale. La Confédération helvétique a refusé aujourd’hui de bloquer les avoirs irakiens alors même qu’ils pourraient être utilisés pour financer cette résistance. Vladimir Poutine a clairement indiqué que la Russie ne se confronterait pas directement aux États-Unis, mais qu’elle ne les laisserait pas s’approprier l’Irak et encercler la fédération par le sud. Pour refroidir les ardeurs russes, la Coalition a d’abord bombardé les alentours de l’ambassade russe à Bagdad, puis a attaqué le convoi de l’ambassadeur Titorenko. Maniant la carotte avec le bâton, Washington a proposé simultanément à Moscou un accord économique sur l’Irak. Cependant, la Russie s’est rapidement rapprochée de l’Iran et a conclu hier un accord pétrolier avec la Fondation Mostazafan. Demain, Vladimir Poutine recevra à Saint-Pétersbourg Gerhard Schröder et Jacques Chirac. Les discussions porteront notamment sur le renforcement des liens économiques et financiers entre les trois pays pour renforcer leur indépendance face aux États-Unis. À ce sujet, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz note, dans The Guardian, que la Russie a beaucoup perdu en suivant les conseils du FMI, en 1998. Bien qu’elle n’ait pas encore terminé sa mutation, elle a aujourd’hui tout intérêt à envisager autrement son intégration à l’économie mondiale.
« Une terrible victime, mais aussi la raison de notre guerre »
A terrible victim, but also why we went to war
The Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Emma Nicholson est la rapporteur du Parlement européen sur l’Irak.
[RESUME] Bien que le réflexe naturel soit de détourner le regard face aux horreurs de la guerre, nous qui l’avons soutenue, et qui avons défendu l’argument que le changement de régime diminuerait les souffrances des Irakiens, devons les regarder en face.
Aujourd’hui, le monde est choqué par les images du jeune irakien Ali IsmaIl Abbas, atrocement brûlé par les bombardements. Cela me rappelle le choc que j’aie ressenti, il y a douze ans, face aux souffrances identiques du jeune Amar, aujourd’hui rétabli et mon fils adoptif, blessé lors de la répression des Chiites par les troupes de Saddam Hussein.
Aucune personne décente n’aime la guerre et ceux qui aiment cette région voient cette guerre avec le cœur lourd. Mais l’exemple d’Amar nous donne raison : quand il s’agit de détruire un dictateur ou d’arrêter un génocide et qu’il n’existe plus d’autres moyens, la guerre devient un moindre mal. La guerre était inévitable car Saddam était une menace pour ses voisins et qu’il s’attaquait à sa propre population comme ce fut le cas en 1988 contre les Kurdes qu’il a gazé et en 1991 contre les Chiites. Il a également montré qu’il était un adepte du nettoyage ethnique.
La reconstruction de l’Irak nécessitera un énorme travail de la part de l’OMS, la Banque mondiale, le HCR et d’autres corps internationaux, mais il faudra surtout l’aide du peuple d’Irak.
« Nous sommes maintenant au moment de vérité concernant les armes de destruction massive »
Now is the moment of truth on weapons of mass destruction
Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Le Général Wesley Clark a été commandant suprême des forces de l’OTAN en Europe (1997-2000). À ce titre, il a dirigé les troupes de l’alliance pendant la guerre du Kosovo. Il songe aujourd’hui à porter les couleurs démocrates lors de la prochaine élection présidentielle.
[RESUME] Avant la guerre, le débat sur la justification du conflit s’était focalisé sur les preuves de la possession d’armes de destruction massive par l’Irak. Nous sommes maintenant au moment de vérité sur cette question. Si aucune arme de destruction massive n’est trouvée, la colère des pays arabes augmentera et cela entravera beaucoup des efforts entrepris par Londres et Washington pour mettre fin à leur isolement diplomatique.
Donald Rumsfeld a prétendu que les États-Unis allaient non seulement trouver les armes et les détruire, mais aussi remonter aux sources d’approvisionnement. Cela nécessitera un lourd travail, à commencer par l’interrogatoire des 5 000 scientifiques irakiens qu’il va falloir trouver. Si nous avions bien fait notre travail, leurs noms et signalements devraient déjà être distribués aux points de contrôles sur les routes menant vers la Syrie ou la Jordanie.
Il faudra centrer les interrogatoires sur les sources extérieures d’approvisionnement. Il faudra également enquêter sur le terrain avec l’aide des forces spéciales. Nous pourrons compter sur le soutien de tous les États du monde qui, même s’ils n’étaient pas en faveur de la guerre, sont soulagés que ces armes ne soient plus dans les mains d’un dictateur capricieux. Une fois les liens extérieurs mis en lumière, il faudra publier nos preuves et nous en prendre à eux.
Les pays qui soutiennent le terrorisme doivent apprendre que les forces états-uniennes sont dans la région et que, s’ils ne changent pas d’attitude, ils vont faire face à notre puissance militaire. Ce n’est pas le bon moment pour investir de l’argent en Syrie.
« Résister aux tentations de Superpuissance »
Resisting Superpowerful Temptations
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Robert Kagan est membre de la Carnegie Endowment for International Peace. Il est analyste sur les questions de stratégie militaire et écrit une tribune mensuelle dans le Washington Post. Il est l’auteur de Of Paradise and Power : America and Europe in the New World Order.
[RESUME] Si W. Bush veut réussir l’après-guerre, il va devoir résister à quelques dangereuses tentations.
Il ne faudra pas soutenir les carrières politiques de personne que l’on connaît et à qui on fait confiance pour reconstruire l’Irak, comme Amhed Chalabi. Ahmed Chalabi est un honnête homme, mais ce n’est pas aux États-Unis de l’installer au pouvoir si on veut construire un Irak démocratique.
Il ne faudra pas punir les alliés européens qui ne nous ont pas soutenu en Irak. Après tout, aucun de ces pays n’a vraiment mis en péril notre effort de guerre à l’exception de la Turquie et il serait suicidaire de s’en prendre à la seule démocratie de la région pendant qu’on veut reconstruire l’Irak. Les États-Unis, ne doivent surtout pas apparaître comme posant le choix entre être « Européen » et pro-Américain, nous perdrions et nous poserions un problème à Tony Blair. Les États-Unis ne doivent pas tenter de diviser l’Europe, c’est la France qui le fait. Au contraire, les États-Unis doivent se rapprocher de l’Europe.
Enfin, les États-Unis ne doivent pas abandonner leur effort de propagande parce que la guerre se termine. Au contraire, ils doivent continuer de la justifier et montrer au monde toutes les armes de destruction massive qu’ils auront récoltées en Irak. À l’avenir, la capacité qu’auront les États-Unis à diriger le monde dépendra de la façon dont l’histoire retiendra cette guerre.
« La fin de la « doctrine Eisenhower » »
La fin de la « doctrine Eisenhower »
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, Laurent Murawiec a brusquement changé d’options politiques pour rejoindre la Rand Corporation. Le 10 juillet 2002, il présenta ses travaux devant le Defence Policy Board, à l’invitation de Richard Perle, et préconisa le renversement des Saoud en Arabie et l’anéantissement de l’islam. Il est aujourd’hui chercheur au Hudson Institute de Washington, un think thank dont Richard Perle est administrateur. Il est l’auteur notamment de La Guerre au XXIesiècle et de L’Esprit des nations.
[RESUME] Le 20 septembre 2001, George W. Bush a annoncé que les États-Unis mèneraient une guerre de longue haleine contre les États qui soutiennent le terrorisme. Cette guerre ressemblera plus à la Guerre froide qu’à la Seconde Guerre mondiale.
Jusqu’ici, le monde arabe avait échappé aux bouleversement mondiaux liés à la fin de l’affrontement bipolaire. Depuis 1945, l’approche américaine du Proche-Orient consistait à défendre les dictateurs arabes pour s’assurer qu’aucune autre puissance ne puisse s’assurer le contrôle des puits de pétrole. Cette politique prit le nom de « doctrine Eisenhower », en 1956, quand les États-Unis commirent l’erreur d’interdire à la France et à la Grande-Bretagne d’empêcher la nationalisation illégale du canal de Suez.
Cette erreur n’incita pas les dictateurs arabes à la gratitude :ils remercièrent les États-Unis en quadruplant le prix du pétrole, en 1973, et profitèrent de leur nouvelle richesse usurpée pour financer l’essor de l’armée du Jihad. Les groupes terroristes ainsi financés bénéficièrent d’une impunité de la part des États-Unis jusqu’au 11 septembre 2001. Ce jour-là, George W. Bush a mis fin à la doctrine Eisenhower. La prise de Bagdad marque un changement politique qui fait trembler la dictature syrienne, les ayatollahs et les perfides Saoudo-Wahhabites.
« L’Amérique va gagner la quatrième guerre mondiale »
L’Amérique va gagner la quatrième guerre mondiale
Le Monde (États-Unis)
[AUTEUR] James Woolsey est ancien directeur de la CIA (1993-1995). Il est fondateur de la Foundation for the Defense of Democracies, un think-tank néo-conservateurs fondé après le 11 septembre. Pendant plusieurs années, il fut le mentor du Congrès national irakien. Aujourd’hui, il est pressenti pour occuper le poste de ministre de l’information dans le gouvernorat du général Jay Garner sur l’Irak.
[RESUME] Nous sommes entrés dans la Quatrième Guerre mondiale dont l’enjeu, plus que la lutte contre le terrorisme, est d’étendre la démocratie aux parties du monde arabe et musulman qui menacent la civilisation libérale que nous avons édifiée tout au long du XXième siècle et que nous avons défendu pendant la Guerre froide, la troisième Guerre mondiale.
La guerre que nous menons durera sans doute quelques décennies et elle s’inscrit dans un contexte historique plus large qui a vu l’Amérique contribuer à la démocratisation du monde. En effet, il y avait dix démocraties en 1917, il y en a 120 aujourd’hui. Tout au long de cette période, il y a toujours eu des personnes pour prétendre que certains peuples ne pouvaient pas accéder à la démocratie, mais, avec un peu d’aide, les Allemands, les Japonais, les Russes et les Taiwanais ont fini par comprendre.
Aujourd’hui, la démocratie n’a pas cours dans les pays arabes même s’il existe des démocraties dans les pays musulmans non arabes. Un certain nombre des dictatures arabes (l’Irak, l’Iran, la Syrie, le Soudan et la Libye) financent le terrorisme et cherchent à se procurer des armes de destruction massive. Pour vaincre le terrorisme, il faut changer la face du Proche-Orient. Saddam Hussein, les autocrates saoudiens et les terroristes doivent comprendre que l’Amérique est en marche. Nous n’avons pas voulu de cette guerre, mais maintenant que nous y sommes, nous gagnerons cette quatrième guerre de la liberté contre la tyrannie.
L’Amérique doit convaincre les habitants des pays du Proche-Orient qu’elle est à leurs côtés, comme elle était aux côtés de Vaclav Havel, de Lech Walesa ou d’Andreï Sakharov.
« Est-ce que 100 Ben Laden vont naître ? »
Are 100 bin Ladens on the way ?
Jerusalem Post (Israël)
[AUTEUR] Daniel Pipes est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il est collaborateur de Benador Associates et a fondé Campus Watch, une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] De nombreuse personnalités, dont le président égyptien Hosni Moubarak, ont affirmé que la guerre en Irak allait provoquer une multiplication des attaques terroristes alors que c’est précisément le contraire qui va se passer : elle va réduire le terrorisme.
C’est ce qui s’est passé il y a un an et demi en Afghanistan. Oussama Ben Laden avait alors plus de soutien dans le monde arabe que Saddam Hussein n’en a aujourd’hui. Quand la guerre a commencé là-bas, les commentateurs prédisaient un développement du terrorisme et le renversement du gouvernement du Pakistan. Pourtant deux mois plus tard, ce sont les Talibans qui furent renversés, tandis que les images des Afghans acclamant leurs libérateurs diminuèrent l’influence des militants de l’islam. Après la défaite de Ben Laden, la colère des musulmans se tourna contre lui et il fut accusé d’être un agent sioniste envoyé pour discréditer l’Islam.
On peut s’attendre à un phénomène similaire après la victoire états-unienne en Irak car, comme en 2001, il y a des manifestations de gratitude des Irakiens envers nos troupes. Il y a peu de victimes civiles irakiennes. Nous respectons les traditions et la foi des habitants du pays et nous allons laisser le pétrole dans leur main. En outre, notre victoire diminuera l’ardeur de nos ennemis en montrant notre force.
« Mes quatre engagements »
Mes quatre engagements
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Jack Straw est ministre travailliste des Affaires étrangères britanniques.
[RESUME] Malgré les tensions entre la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis au cours du XXème siècle, nos relations ont prospéré car les trois pays partagent des valeurs communes. Nous continuerons à les défendre ensemble contre les terroristes et les proliférateurs.
La Grande-Bretagne a pris la décision de recourir à la force pour obliger l’Irak à se conformer au droit international. Nous avons estimé que ne pas réagir aux violations des résolutions du Conseil de sécurité encourageait les proliférateurs. La France ne partage pas ce point de vue, mais elle partage notre intérêt pour l’avenir de l’Irak et c’est sur ce thème que portera ma rencontre d’aujourd’hui avec Dominique de Villepin. Concernant le futur de l’Irak, nous prenons quatre engagements :
Dans les jours et les semaines qui viennent des secours d’urgence seront acheminés par notre armée.
Nous veillerons à ce que l’ONU supervise l’aide internationale à long et moyen terme.
Nous collaborerons avec l’ONU et ses membres à la rénovation et à la modernisation de l’Irak.
Nous veillerons à ce que la richesse pétrolière soit utilisée à l’avantage des Irakiens.
Nous entendons ceux qui critiquent a priori notre action en Irak en la qualifiant de futile, mais nous pouvons réussir à reconstruire ce pays comme nous l’avons fait en Afghanistan. Il faut que la France et la Grande-Bretagne collaborent sur ce dossier et travaillent à l’édification d’une Europe plus forte qui soit un partenaire plus égal des États-Unis.
« Laissons tomber les mégaphones »
Let’s put away the megaphones
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEURS] Chris Patten est commissaire européen britannique chargé des relations extérieures. Pascal Lamy fut chef de cabinet de Jacques Delors puis consultant de la Rand Corporation. Il est commissaire européen au commerce et négociateur de l’AGCS.
[RESUME] Les temps ont été difficiles pour ceux qui croient à l’unité européenne, à un partenariat transatlantique fort, à l’OTAN et à l’ONU. Nous devons pourtant nous souvenir que les États-Unis et l’Europe ont besoin l’un de l’autre, qu’ils sont des partenaires économiques essentiels et qu’ils ont des racines communes dans l’Europe des Lumières.
Les Américains restent majoritairement internationalistes et ne doivent pas écouter ceux qui veulent les détourner de l’ONU. Nos différences de positions ne doivent pas être exagérées. Personne n’a nié qu’il fallait que l’Irak soit privé d’armes de destruction massive ou que l’Irak serait mieux sans Saddam Hussein. L’Europe et l’Amérique doivent préserver leurs intérêts communs, minimiser leurs différences et maximiser leur influence commune. Cela passe par un combat commun contre le terrorisme, une coopération dans les Balkans, en Afghanistan, dans le processus de paix au Proche-Orient et l’après guerre. Sans les Européens et les autres membres du Quatuor diplomatique, la paix ne sera pas possible dans la région car, à tort ou à raison, beaucoup dans la région pensent que les États-Unis représentent les intérêts du seul Israël.
Il nous faut également travailler ensemble dans les débats actuels à l’OMC. Les populations des deux côtés de l’Atlantique doivent abandonner leurs mégaphones et reconnaître qu’elles ont une responsabilité commune dans la direction du monde.
« La ruine de la Russie »
The ruin of Russia
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Joseph Stiglitz est professeur d’économie et de finance à l’Université de Columbia et Prix Nobel d’économie 2001.
[RESUME] Le passage du communisme au capitalisme était censé apporter une prospérité sans précédent en Russie. Ce ne fut pas le cas.
En dix ans, la part de la population russe vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 2 % à 40 %. Avec une croissance économique de 4 % en moyenne par an, il faudra encore dix ans pour retrouver le PIB dont disposait le pays au moment de la chute du communisme. Pourtant pour les néo-libéraux du FMI, la période d’avant 98 n’est qu’une période de transition et, depuis la crise du rouble, les autorités ont été poussées à faire les réformes qu’exigeait le FMI et la situation s’est améliorée.
En réalité, jusqu’en 1998, le rouble était surévaluée, mais le FMI interdisait à Moscou de dévaluer. Par la suite, l’augmentation du prix du pétrole a profité à l’économie russe, tout comme l’amélioration de l’environnement économique mondial. Toutefois, la croissance que connaît la Russie a surtout profité à la nouvelle classe de propriétaires qui a émergé dans les années 90. C’est pourquoi la transition russe n’est pas terminée.
Les économistes réformateurs sont tellement orientés qu’ils n’ont même pas réussi à remplir leur petit objectif de croissance économique.