« Remanier sans surveillance »

Overhaul Without Oversight
Wasington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Ike Skelton est député du Missouri et membre de la minorité démocrate au Comité des forces armées de la Chambre des représentants.

[RESUME] Le projet de transformation de l’armée que [Donald Rumsfeld] soumet actuellement au Congrès est la réforme la plus radicale depuis 1986. Elle traduit une tendance à rassembler les pouvoirs militaires dans les mains du département de la Défense.
Cette loi annule bon nombre de restrictions légales et de possibilités d’intervention du Congrès pour empêcher les abus de pouvoir commis même par inadvertance. Il faut rappeler que le Congrès s’était penché sur le projet Goldwater-Nichols pendant quatre ans avant de l’adopter en 86 car le sujet était important et ses implications nombreuses. Aujourd’hui, la Chambre des représentants doit se pencher attentivement sur la loi actuelle car elle ne fait pas que donner 400 milliards de dollars au Pentagone pour nous assurer de garder l’armée la plus puissante du monde, elle modifie son organisation en profondeur.
Le département de la Défense veut plus de pouvoir pour gérer son personnel, dont la suppression d’une loi sanctionnant le népotisme. Qu’est-ce qui justifie de telles transformations alors que notre victoire en Irak montre que notre système fonctionne ? Le département de la Défense veut également que les lois environnementales ne s’appliquent pas à lui. Je considère que notre défense passe avant les considérations environnementales, mais la victoire en Irak montre que les États-Unis n’ont pas besoin de nouvelles exonérations légales.
Le Congrès est un garde-fou et il ne faut pas laisser l’exécutif s’en affranchir.

« La Grande-Bretagne peut aider à forger une nouvelle Europe »

Britain can help to forge a new Europe
The Independent (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Gordon Brown est ministre des Finances travailliste britannique. Cette tribune est extraite d’un discours prononcé à l’occasion du dîner annuel de la Confederation of British Industry (CBI), à Londres.

[RESUME] Une Europe réformée peut être un moteur de la libéralisation dans le monde, mais cela requiert que l’Europe s’attaque à son protectionnisme agricole et qu’elle devienne la championne du libre échange. C’est pourquoi elle doit prendre le leadership de l’OMC et s’impliquer dans les négociations de Doha.
L’Europe et les États-Unis doivent s’attaquer ensemble aux barrières douanières. La Grande-Bretagne se situe ainsi au cœur de l’Europe en poussant à une large mise en concurrence et à la libéralisation des échanges, essentiels au plein emploi et à la prospérité pour tous. L’Europe peut se réformer et les pays membres n’ont pas à faire un choix entre l’Europe et l’Amérique, qui ont besoin l’une de l’autre.
Les valeurs britanniques peuvent être une contribution décisive dans cette nouvelle Europe.

« Aussi britannique que le thé de l’après-midi »

As British as afternoon tea
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Mark Curtis est l’auteur de Web of Deceit : Britain’s Real Role in the World.

[RESUME] Les Irakiens devraient se méfier autant de la politique états-unienne que de la politique britannique dans la reconstruction de leur pays. En effet, même si les politiques britanniques dans la région sont perçues comme moins dangereuse que celles des États-Unis, Londres a quand même une tradition de renversement de gouvernement pour installer des régimes répressifs qui lui sont inféodés. Cette tradition est aussi ancrée dans la politique étrangère que le thé de l’après midi.
Il y a 50 ans, le MI6 a joué un rôle aussi important que la CIA dans l’installation du Shah en Iran. La même année, les Britanniques organisaient un coup d’État en Guyane britannique et en 1965, ils ont soutenu le coup d’État en Indonésie qui liquida le Parti communiste indonésien en faisant plus d’un million de morts. Des tentatives ont également eu lieu en Syrie, à Oman, au Yémen et en Égypte. L’invasion de l’Irak et les bombardements en Afghanistan ou en Yougoslavie de Tony Blair ne sont donc que la poursuite d’une tradition.
Londres a également comme tradition de défendre les politiques indéfendables des pays amis. La Grande-Bretagne a ainsi fait l’apologie de la politique d’Ankara vis-à-vis des Kurdes et celle de Moscou vis-à-vis des Tchétchènes. Cette politique a pour but de pousser les gouvernements étrangers à prendre des mesures favorables aux élites britanniques.

« Remettre la pression sur l’Iran »

Turn up the pressure on Iran
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEURS] Daniel Pipes est membre de l’US Institute of Peace. Il est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il est collaborateur de Benador Associates et a fondé Campus Watch, une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ». Patrick Clawson est vice directeur du Washington Institute for Near East Policy

[RESUME] La relation des États-Unis avec les Moudjahidin-e Khalq (MEK) est étrange. Il s’agit d’un groupe qui a été classé parmi les groupes terroristes. Il a d’abord été bombardé en Irak, puis on a signé un accord de cessez-le-feu avec lui et, en fin, il a été désarmé et protégé.
Le MEK a un seul objectif : renverser la République islamique d’Iran, même s’il obéissait aux ordres de Saddam Hussein. Le MEK a commis des actes terroristes, mais il a cessé depuis plus de 15 ans. Il n’agit plus que comme une armée dirigée contre Téhéran. Il ne peut cependant pas espérer renverser les mollahs de cette façon et il faut plutôt s’appuyer sur les mouvements démocratiques qui, eux, peuvent mettre un terme à la théocratie. Le MEK peut néanmoins être utile en fournissant des renseignements sur le terrain. Par exemple, il est bien mieux renseigné sur le programme nucléaire iranien que l’International Atomic Energy Agency.
La politique a adopter vis-à-vis du MEK est sujette à débat à Washington. Le département d’État, soucieux d’être conciliant avec Téhéran, a classé le MEK parmi les groupes terroristes malgré l’opposition de 150 parlementaires et la récente annulation de ce classement par une cour d’appel états-unienne. Lors de la libération de l’Irak, les militaires états-uniens n’ont pas désarmé le MEK, provoquant la colère du département d’État. Pour l’instant, il faut lui laisser suffisamment d’armes pour se défendre, puis retirer le MEK de le liste des organisations terroristes lors de sa réactualisation en novembre, et l’utiliser comme un moyen de pression contre les mollahs.

« Comment repousser les guerres civiles : c’est l’économie, imbécile »

How to stem civil wars : It’s the economy, stupid
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Paul Collier dirige le Center for the Study of African Economies de l’université d’Oxford. Il est le principal auteur de l’étude de la Banque mondiale Breaking the Conflict Trap : Civil War and Development Policy

[RESUME] Un habitant de la planète sur six vit dans un pays en proie à la guerre ou risquant d’y sombrer. Les non-combattants sont les premières victimes de ces conflits, mais les pays riches sont également touchés par les conséquences de ces guerres à plus long terme.
Les caractéristiques communes au début de ces conflits ne sont pas d’ordre politique ou social, mais économique et la démocratie ne rend pas ces pays plus sûrs. Les pays touchés sont généralement ceux qui connaissent une stagnation économique, de bas revenus et dépendent de l’exportation des matières premières. Les chefs rebelles peuvent recruter facilement et une fois les combats amorcés, l’économie s’effondre encore plus alors que les combats s’intensifient et s’arrêtent difficilement. C’est dans les zones de guerre civiles que se développent le trafic de drogue (95 % de la production vient de ces zones), le SIDA (en raison de la multiplication des viols) et le terrorisme international (les zones hors de tout contrôle étatique pouvant servir de havre à ces organisations). Ces conflits peuvent également s’étendre à toute une région.
La communauté internationale répond généralement politiquement et militairement alors qu’il faut mener une politique sur trois fronts :
 Faire pression pour que les gouvernements utilisent les revenus de l’État de façon transparente.
 Rendre le pillage plus difficile pour les groupes rebelles en assurant la traçabilité des matières premières.
 Repenser l’aide internationale pour qu’elle aide les pays pauvres à surmonter les variations brutales des prix des matières premières.