« La sécurité dans un monde interdépendant »
Security In An Interdependent World
Dar Al Hayat (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Mohamed ElBaradei est directeur général de l’International Atomic Energy Agency.
[RESUME] Aujourd’hui, le monde est si globalisé que chaque événement peut prendre une envergure mondiale, mais comme nous en sommes encore à une phase de transition, nous n’avons pas encore développé une solidarité internationale.
La Guerre froide a pris fin et le spectre de l’auto-annihilation totale a diminué de façon drastique, mais notre planète ne vit pas pour autant dans la paix et l’harmonie. De nouveaux dangers ont émergé sous la forme de conflits ethniques, de terrorisme, de prolifération des armes de destruction massive et les armes nucléaires ont conservé leur importance malgré leur abandon par quelque pays. Les traité de non-prolifération perdent de l’importance. Après le 11 septembre, la crainte de voir un groupe non-étatique prendre possession d’une arme de destruction massive s’est développée.
Face à cette situation, si nous voulons éviter que les guerres préventives ne deviennent la norme, il faut réorganiser le système international de sécurité collective sur plusieurs points :
– Le Conseil de sécurité doit accueillir les puissances économiques et politiques de notre temps. Il doit disposer de moyens d’agir rapidement en amont des conflits. Le droit de veto doit n’être conservé que lorsque l’usage de la force est en jeu.
– Il faut créer un environnement où l’usage de la force est limité à ce qui est prévu dans la Charte de l’ONU.
– Il faut prendre des mesures qui délégitiment l’usage des armes de destruction massive et il faut cesser de faire des distinctions entre pays possédant et ne possédant pas l’arme nucléaire.
– Développer un système international visant à empêcher que des armes de destruction massive entrent en possession de terroristes.
– Il faut reconnaître que paix et sécurité sont indissociables et soutenir les processus de paix au Proche-Orient et dans la péninsule coréenne.
– Il faut reconnaître que les questions d’insécurité trouvent leurs racines dans les divisions entre riches et pauvres et dans les violations des Droits de l’homme.
« La panique des Alliés dans l’après-guerre met la justice en péril »
Allies’ postwar panic puts justice in jeopardy
International Herald Tribune (France)
[AUTEUR] Kenneth Roth est directeur exécutif de Human Right Watch.
[RESUME] La France, l’Allemagne et leurs alliés qui s’opposaient à la guerre en Irak semblent aujourd’hui paniquer face aux menaces de l’administration Bush et semblent prêts à tout pour faire amende honorable. Cette situation met en grand danger le système de justice international émergeant.
En effet, l’administration Bush se moque de la justice internationale, et particulièrement de la Cour criminelle internationale (CCI). Elle pourrait profiter de sa position de force pour compromettre trois aspects de la justice internationale :
– La résolution 1483 sur l’avenir de l’Irak, votée hier par le Conseil de sécurité prévoit que les complices de Saddam Hussein soient traduit en justice, mais elle ne précise pas devant quelle juridiction. Pourtant, un tribunal international pourrait apparaître comme beaucoup plus légitime et avoir des débats moins passionnés que si la justice est rendue par des Irakiens. Malheureusement, Washington ne veut pas de procès dont les États-Unis ne contrôleraient pas les débats par crainte d’une enquête sur ses activités ou ses alliances passées.
– L’administration Bush tente de convaincre les gouvernements dans le monde d’accorder l’impunité aux Américains dans les enquêtes de la CCI. Elle n’a réussi qu’à convaincre des gouvernements faibles sous la menace, mais aucun gouvernement européen n’a accepté. Toutefois, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont bloqué un texte commun exprimant le refus de l’ensemble des membres de l’Union Européenne.
– Washington est sur le point de renouveler sa demande d’interdire la CCI d’enquêter sur toute opération militaire qui serait réalisée avec l’aval du Conseil de sécurité. Là aussi l’UE doit être ferme et refuser.
« Une légitimité trouvée »
Legitimacy found
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] Proche de la CIA, Richard S. Williamson est ambassadeur des États-Unis à l’ONU pour les affaires politiques spéciales. Il a travaillé à la Maison Blanche sous Ronald Reagan et avait été pressenti initialement par l’administration Bush pour devenir le sous-secrétaire à la défense en charge des conflits de basse intensité.
[RESUME] Grâce au président George W. Bush, à Tony Blair et à tous les membres de la coalition des volontaires, la menace que représentait Saddam Hussein n’existe plus et le monde est aujourd’hui plus sûr. Les Irakiens sont libérés et nous sommes en train d’aider l’Irak à se reconstruire. Pour cela, le maintien de la direction de la Coalition sur le pays est essentiel, même si elle ne restera pas en Irak plus longtemps que nécessaire.
Le Conseil de sécurité n’a pas réussi à faire face à ses responsabilités en Irak, tout comme il avait échoué au Rwanda et au Kosovo. Cependant l’ONU peut jouer un rôle important dans plusieurs conflits comme au Sierra Leone, en Afghanistan ou en Irak de l’après-guerre. C’est une bonne chose que le Conseil de sécurité ait levée les sanctions. La résolution adoptée hier a formalisé le rôle vital de l’ONU en Irak : l’assistance humanitaire où le Programme alimentaire mondial et l’UNESCO seront très utiles.
Ceux qui affirment que cette résolution légitime l’opération « Liberté en Irak » se trompent autant que ceux qui prétendent qu’elle n’est toujours pas légitime. Car la légitimité vient du droit, de la morale et en fin de compte, du peuple, mais pas de discussions de diplomates et de politiciens à l’ONU. Or, Saddam Hussein en violant 17 résolutions du Conseil de sécurité a donné les bases légales nécessaires à une intervention militaire et nous étions en état de légitime défense face à une dictature brutale. Mais surtout, le peuple irakien nous a accueillis comme des libérateurs, nous donnant ainsi toute légitimité d’action.
« La majorité silencieuse d’Irak »
Iraq’s Silenced Majority
New York Times (États-Unis)
[AUTEUR] Zainab Al-Suwaij est directrice exécutive de l’American Islamic Congress.
[RESUME] Cette année, le 28 avril en Irak n’a pas été la célébration de l’anniversaire de Saddam Hussein, mais le début de la conférence de Bagdad pour déterminer le nouveau gouvernement.
Je me suis rendu à cette conférence avec 300 délégués, mettant ainsi fin dans mon cas à un exil qui durait depuis 1991. Les délégués représentaient le peuple irakien dans sa diversité et chacun a pu s’exprimer. Après trois décennies de répression, la conférence est apparue comme une vaste thérapie de groupe. Pourtant, malheureusement, un groupe d’Irakiens était sous-représenté car, sur les 300 délégués, je n’étais qu’une des cinq femmes présentes. C’est pourquoi j’ai rappelé à la tribune que les femmes, qui sont la majorité de la population de l’Irak vues les guerres meurtrières qu’a connu le pays, devaient participer à la reconstruction de l’Irak. À ma grande surprise, j’ai été acclamé.
Nous devons retrouver une confiance mutuelle en Irak après des années où la délation a été encouragée. Tous les groupes irakiens doivent se rassembler et les femmes doivent participer à cette réconciliation. Si le rôle politique des femmes se développe, ce sera un exemple pour tous dans la région.
« Amérique-Arabie saoudite : le divorce »
Amérique-Arabie saoudite : le divorce
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, Laurent Murawiec a brusquement changé d’options politiques pour rejoindre la Rand Corporation. Le 10 juillet 2002, il présenta ses travaux devant le Defence Policy Board, à l’invitation de Richard Perle, et préconisa le renversement des Saoud en Arabie et l’anéantissement de l’islam. Il est aujourd’hui chercheur au Hudson Institute de Washington, un think thank dont [Richard Perle] est administrateur. Il est l’auteur notamment de La Guerre au XXIe siècle et de L’Esprit des nations.
[RESUME] La rupture entre l’Arabie saoudite et les États-Unis semble proche. Donald Rumsfeld a annoncé le retrait des forces américaines d’Arabie saoudite.
Riyad a tout fait pour tenter de sauver Saddam Hussein, pas par sympathie pour le régime de Bagdad, mais parce que l’Arabie saoudite préfère un régime despotique à une démocratie en Irak. Usant de leur poids diplomatique pour atteindre cet objectif et empêchant les États-Unis d’utiliser les bases militaires, elle a réussi à convaincre les Américains qu’ils n’avaient pas besoin des Saoudiens pour gagner une guerre au Proche-Orient et, plus largement que l’Arabie saoudite n’était plus un partenaire.
Le contentieux entre Riyad et Washington est de plus en plus important : les demandes des États-Unis de protéger les bâtiments qui furent attaqués quelques semaines plus tard lors des récents attentats n’avaient pas été prises en compte, les prêches du vendredi continuent d’appeler à la haine contre les juifs et les chrétiens et les « organisation charitables » sous le contrôle du gouvernement saoudien continuent de financer extrémistes et terroristes, dont Al Qaïda.
Les services de renseignements de nombreux pays savent depuis longtemps qu’il existe un deal entre la famille royale saoudienne et Ben Laden. Les premiers veulent un terrorisme régulé et le second veut un terrorisme dérégulé. Ce n’est qu’une divergence tactique entre deux groupes ayant les mêmes buts. En réalité Al Qaïda devrait plutôt s’appeler « l’armée du prince Turki al-Faiçal ben al-Aziz al-Saoud », l’ancien dirigeant des services de renseignement saoudiens pendant 25 ans, qui a curieusement démissionné dix jours avant le 11 septembre.
L’accord américano-saoudien a été conclu en 1945 pour permettre l’approvisionnement pétrolier des États-Unis, mais il a éclaté en 1973, en 1978-1979 et le prince héritier menaçait encore au printemps 2001 d’un nouvel embargo pétrolier. La doctrine Eisenhower n’a plus lieu d’être et il faut lui substituer la doctrine Bush-Rumsfeld. Face à ce changement d’attitude, l’Arabie saoudite se rapproche de Téhéran et donc de l’« Axe du Mal ». S’il n’existe pas encore de substitut à court terme au pétrole saoudien, il existe des substituts au régime saoudien qui porte d’accablantes responsabilités dans la déstabilisation de la région par les groupes terroristes.
« Le pluralisme culturel, un projet politique »
Le pluralisme culturel, un projet politique
Le Monde (France)
[AUTEUR] Abdou Diouf est ancien président du Sénégal. Il est secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie.
[RESUME] La guerre est toujours une défaite de la pensée, mais il serait dangereux de nier que la concurrence des valeurs et des idées, qui sont des facteurs culturels, figurent parmi les causes des conflits de notre époque. Pour construire la paix, il faut prendre la mesure de la réalité culturelle aussi bien que des autres facteurs d’analyse si l’on veut aménager les relations entre civilisations et cultures autrement que par le conflit des civilisations.
Les enjeux d’identité et de cultures sont au cœur de la dynamique mondiale et doivent être pris en compte par les décideurs mondiaux. C’est ce qu’ont voulu faire à Mexico les représentants d’aires linguistico-culturelles et ceux d’organisation internationales réunis autour du thème « coopération, diversité et paix ».
La mondialisation structure notre imaginaire et la logique industrielle qui tend à s’imposer à la culture privilégie la sphère culturelle qui a déjà les moyens d’exploiter le plus cette libéralisation. Cela a pour conséquence que les héros de la jeunesse mondiale correspondent aujourd’hui au modèle consumériste véhiculé par les forces marchandes. Il faut instaurer une sécurité culturelle fondée sur le principe d’une société ouverte assurant cependant des conditions acceptables d’échanges réciproques entre sociétés et cultures.
Il faut mettre en place un système assurant le pluralisme culturel : le maintien de l’ouverture des cultures les unes sur les autres tout en garantissant l’équilibre dans l’échange. Le pluralisme culturel est incompatible avec une vision du monde où certains se considèrent comme les seuls porteurs d’une modernité soi-disant universelle. Les aires linguistico-culturelles ont un rôle clé à jouer. C’est pour cela que nous avons installé un forum permanent de concentration sur le pluralisme culturel.
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