« Le docteur Folamour au-dessus de Damas »

Dr. Strangelove over Damascus
Ha’aretz (Israël)

[AUTEUR] Gideon Samet est éditorialiste pour le journal Ha’aretz.

[RESUME] Si l’attaque contre la Syrie a des avantages du point de vue du programme de Sharon, Mofaz et Ya’alon, elle a aussi un grand inconvénient : elle a été conduite par un dirigeant sur lequel on ne peut pas compter.
La Syrie méritait cette petite attaque car elle n’a pas tenu sa promesse de cesser de soutenir le terrorisme. La sortie aérienne permettait de faire une démonstration de force ayant plus d’impact que le bombardement d’activistes du Hamas ou du Jihad à Gaza. En outre, cela montrait qu’Israël gardait en mémoire ce que le régime syrien avait fait, il y a 30 ans. Il faut aussi considérer que la vraie menace pour Israël est hors de ses frontières et va jusqu’à l’Iran en passant pas les rampes de lancements de missile syriens. Dès lors, des frappes sur le nord de Damas sont un étape stratégique.
Toutefois, les dangers que représentent cette sortie sont supérieurs aux avantages qu’on peut en espérer. En effet, aujourd’hui, la principale menace est incarnée par l’Iran et son programme nucléaire. Face à ce danger, Israël doit, comme pendant les deux Guerres du Golfe, laisser agir les occidentaux et espérer que les négociations porteront leur fruit. Malheureusement, l’attaque de la Syrie s’inscrit peut-être dans une stratégie régionale de Sharon, notre Dr. Folamour, qui pourrait nous mener à la catastrophe que nous avons évité il y a 30 ans avec Golda Meir.

« L’impuissance du pouvoir »

Impotence of power
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Jonathan Freedland est éditorialiste au Guardian, au Daily Mirror et au Jewish Chronicle. Il travaille occasionnellement pour la BBC.

[RESUME] 30 ans après qu’Israël eut craint de disparaître suite à l’attaque surprise de la Syrie et de l’Égypte, ce pays est sur le point d’entrer dans un nouveau conflit régional en raison de la soudaine détérioration de ses relations avec Damas. Toutefois, cette fois ci, c’est Israël qui a mené le raid contre la Syrie.
L’attaque contre le camp de Ein Saheb apparaît pour le reste du monde comme une démonstration de la puissance militaire israélienne et de sa complète supériorité dans ce domaine sur ces voisins. De même, quelques semaines avant l’attaque, un avion de chasse israélien avait volé à basse altitude au-dessus de la maison familiale du président syrien Bashar El-Assad, sans doute pour rappeler à la Syrie qu’Israël pourrait l’écraser quand il le voudrait. Toutefois, ces actions n’ont pas la même signification en Israël et dans une partie de la diaspora juive que dans le reste du monde. En effet, pour eux, il s’agit d’une vengeance contre l’attentat d’Haïfa.
Israël est en train de devenir fou de colère et si la logique leur rappelle que l’occupation est une injustice et que des Palestiniens meurent tous les jours, la logique a de moins en moins sa place face aux images des victimes des attentats. Aujourd’hui, le gouvernement israélien veut aller toujours plus loin. S’il n’a pas éliminé Arafat, c’est sans doute en raison de la présence des pacifistes. Il a donc frappé Damas. On ne sait pas encore affirmer si l’attaque contre la Syrie a pour but de démontrer aux terroristes qu’ils peuvent être frappés n’importe où, ou bien s’il s’agit de l’expression de la rage et de la frustration d’Israël. Quoi qu’il en soit, la seule solution aux problèmes d’Israël n’est pas militaire, c’est la table des négociations.

« A mes amis arabes »

A mes amis arabes
Le Monde (France)

[AUTEUR] Avraham Burg député du Parti travailliste israélien, est ancien président de la Knesset (1999-2003) et ancien président de l’Agence juive, chargée d’organiser l’immigration juive vers Israël. Ce texte est paru en langue arabe dans le quotidien palestinien Al-Qods (Jérusalem) du 15 septembre.

[RESUME] Je suis un enfant d’Hébron où ma mère est née en 1921. En 1929, la moitié de ma famille a été égorgée par des pogromistes pendant que l’autre moitié était sauvée par le propriétaire arabe de notre résidence. Depuis, ma famille est divisée entre ceux qui ne feront plus jamais confiance aux Arabes et ceux, dont je fais partis, qui chercheront toujours des voisins avides de paix.
Je pense que j’ai des devoirs sur la ville où ma mère est née, mais que j’ai le devoir de créer des conditions d’existence qui soient autre chose qu’un interminable conflit mortel. Pour cela, je suggérais récemment dans un texte paru dans un le plus grand quotidien d’Israël et repris par le Monde qu’il fallait dessiner une frontière incontestée entre les deux territoires, pousser à un retour de la solidarité dans la société israélienne et mettre au ban le personnel politique corrompu. Toutefois, la critique de la société israélienne doit s’accompagner d’une critique de mes amis arabes à qui je dis : j’enrage de voir se propager le fanatisme chez vous.
Tout comme je dois renoncer à Hébron, vous devez renoncer à Jaffa et un compromis territorial doit être trouvé. La misère de vos réfugiés n’est pas imputable à Israël, mais à ces pays qui les ont laissé dans des camps pour instrumentaliser votre colère et qui craignent que la Palestine ne devienne la première démocratie arabe.
Comme les juifs l’ont fait avant l’émergence du sionisme, les Palestiniens ont cultivé leur faiblesse au lieu de cultiver leur force et leur valeur. Vous devez vous détourner de ceux qui prétendent être des émissaires de Dieu et envoient des kamikazes. Ceux-là ne doivent pas être vos héros. Vous devez orienter vos ressources en faveur d’une société arabe modèle car une Palestine exemplaire peut déclencher une révolution positive dans le monde arabe tout entier.

« Où sont les armes de l’Irak ? »

Where are Iraq’s weapons ?
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] [Daniel Pipes] est membre de l’US Institute of Peace. Il est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il est collaborateur de Benador Associates et a fondé Campus Watch, une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] Supposons un instant qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak (même si on peut encore en trouver) et que les renseignements obtenus concernant les programmes d’armement de Saddam étaient complètement faux. Qu’est-ce que cela implique ? Cela signifierait que l’administration Bush a fait la même erreur que l’administration Clinton, que l’ONU, que les Français et les Allemands et que tout le monde s’est trompé. Il faudrait donc expliquer pourquoi Saddam a donné à tout ce monde l’impression qu’il possédait ces armes.
Peut-être que son attitude s’explique par une volonté délibérée d’avoir l’air plus fort qu’il ne l’était vraiment, mais cela impliquait des sanctions économiques qui le privaient de milliards de dollars, affaiblissaient son économie et, pire encore de son point de vue, pouvaient entraîner sa chute et l’exécution de ses fils. Il ne semble pas que quelqu’un pourrait faire une telle erreur de jugement, mais il faut prendre en compte que, comme souvent chez les despotes totalitaires, Saddam était aveuglé par l’arrogance et l’ignorance.
Il n’est pas rare que les dictateurs, pris au piège de leur propre propagande et n’étant plus entourés que par des conseillers n’osant plus les contredire de crainte des représailles, soient coupé de la réalité. C’est ce qui a poussé Hitler à attaquer la Russie alors que l’Allemagne était en position de force dans la Seconde Guerre mondiale et c’est ce qui a poussé Staline à ignorer les signes annonciateurs de cette attaque. De son côté, Saddam Hussein a fait la preuve de ce type de comportement irresponsable en attaquant l’Iran et le Koweït.
Il est donc possible que Saddam ait fait semblant de posséder des armes de destruction massive et que nous, de l’extérieur, nous n’avons pu qu’agir en fonction de son attitude. La propension des demi-dieux totalitaires à se mettre en situation délicate eux-mêmes a des implications directe sur la gestion des cas nord-coréens, libyens ou des autres États voyous. Leur vanité et leur isolement peut conduire à des catastrophes qui n’ont aucun sens pour le monde extérieur, mais qui peuvent faire des dégâts.

« Retourner en Afghanistan »

Return to Afghanistan
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Don Ritter est un ancien représentant états-unien Républicain (1979-1993) ayant régulièrement pris position dans les années 80 pour l’aide aux Afghans contre les Soviétiques. Il est président de l’Afghanistan-America Foundation.

[RESUME] Suite au 11 septembre et à la chute des Talibans, la diaspora afghane menée par les Américains d’origine afghane a commencé à rentrer pour aider à la reconstruction du pays. Ils ont quitté leur confort pour se diriger vers cette nouvelle frontière qu’est l’Afghanistan, apportant les principes de société ouverte, de démocratie et d’économie libre à ce pays fermé. Leur contribution au succès des États-Unis et de leurs alliés est cruciale.
La politique états-unienne de reconstruction a d’abord été lente à intégrer le contingent de la diaspora avant de lui donner un rôle important. Rôle qui sera sans doute intensifié par le nouvel ambassadeur le Dr. Zalmay Khalilzad. La diaspora afghane n’est pas seulement composée d’hommes d’affaires ou de professionnels expérimentés, ce sont également de bons connaisseurs de leur pays. Ils ont donc le profil idéal pour les organismes d’aide internationaux.
Avec leur aide, le président Karzaï veut faire de son pays un pont entre les pays d’Asie centrale et du Sud. Les Afghans Américains voient leur pays en terme d’opportunité d’investissement pour reconstruire le pays. Malheureusement, la lourdeur bureaucratique issue de la monarchie et du communisme demeure. Il ne devrait pas être aussi difficile pour ceux qui veulent investir leur argent de la faire dans ce pays. De même le gouvernement central doit soutenir un système méritocratique et non plus le népotisme.

« Les vieilles habitudes ont la vie dure »

Old Habits Die Hard
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Yuri Ushakov est l’ambassadeur de la Fédération de Russie à Washington.

[RESUME] La rencontre des présidents George W. Bush et Vladimir Poutine à Camp David démontre la force croissante de la relation américano-russe. Nous sommes parvenus à transcender le désaccord sur l’Irak. Nos deux présidents se comprennent et peuvent se parler franchement et de façon constructive. Malheureusement, cette attitude n’est pas unanimement partagée en Russie et aux États-Unis, où beaucoup se focalisent encore sur le passé et les vieux stéréotypes. Cela fait obstacle à notre coopération dans la guerre au terrorisme.
Les États-Unis continuent de voir la Russie à travers le prisme de l’URSS. Ceci est palpable dans certaines lois. Ainsi, les citoyens russes qui travaillent à l’ONU ne peuvent pas s’éloigner à plus de 25 miles des bureaux des Nations unies sans prévenir les autorités américaines. En outre, l’amendement Jackson-Vanik de 1974 qui devait permettre aux juifs d’émigrer plus facilement est toujours dans la législation alors qu’il n’existe plus aucune entrave à leur émigration. Cette loi ne porte pas vraiment atteinte aux intérêts commerciaux russes, mais nuit aux relations de nos deux pays.
Les stéréotypes influencent également la perception américaine du complexe problème tchétchène. Nous pensons pourtant que les autres pays ayant souffert du terrorisme ne devraient pas utiliser cette question dans leur traditionnelle propagande, et ce d’autant plus que le processus politique est en cours dans la région. Nous n’avons pas utilisé l’Afghanistan et l’Irak pour vous présenter comme des méchants. Nous ne devons pas laisser l’héritage de la Guerre froide saper notre partenariat contre le terrorisme.

« Il faut un référendum, et le gagner ! »

Il faut un référendum, et le gagner !
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Ancien secrétaire général de l’Élysée sous François Mitterrand, Hubert Védrine a été ministre des Affaires étrangères français (1997-2002). Il vient de publier Face à l’hyperpuissance. Le texte ci-dessous est un résumé d’une interview accordée au Figaro.

[RESUME] Valéry Giscard d’Estaing a obtenu de la Convention européenne le meilleur projet de Constitution possible et il faut espérer que l’esprit du texte sera préservé par la conférence intergouvernementale. Si des améliorations peuvent être obtenues, il faudra toutefois négocier à la marge sous peine de voir le texte être intégralement renégocié et de revenir aux blocages du sommet de Nice de décembre 2000. Le texte offre un cadre qui perfectionne et clarifie les rapports entre la Commission, le Parlement et les États membres et maintient comme moteur de l’Europe le travail intergouvernemental soumis à une discipline collective.
Suite à la fin de la Guerre froide, les Européens ont cru que le monde aller s’unifier autour de nos valeurs, cela n’a pas eu lieu. Aujourd’hui, un vote majoritaire sur les questions de politique étrangère aboutirait à une Europe atlantiste ou à une Europe pacifiste, mais pas à une Europe puissance. Il faut débattre de ce concept. En effet, les atlantistes le trouvent dangereux car il diviserait l’occident ; les pacifistes rejettent la notion même de puissance ; et certains États membres craignent un leadership d’un trio composé de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Il est donc important de discuter et, en attendant, la France ne doit pas se dépouiller de ses capacités d’action dans le domaine international.
Nous assistons actuellement en France à un eurodécouragement lié à la fin de la croyance que l’Europe puissance se constituerait sans difficulté, ce que les propagandistes ont eu le tort de faire croire. Nous devons faire accepter la nouvelle constitution par référendum. Malheureusement, si un seul pays ne le ratifie pas, la constitution restera lettre morte.