Presque un mois après avoir fêté son bicentenaire, la guerre civile a éclaté à Haïti. Ce pays est l’un des plus pauvres du monde. Il est gouverné par Jean-Bertrand Aristide, un ancien prêtre élu en 1990, renversé en 1991 et remis au pouvoir par les États-Unis en 1994, qui a déçu les espoirs de ses partisans avec un gouvernement de plus en plus brutal et corrompu. Il est important de prêter attention à l’histoire de ce territoire car Haïti peut nous fournir des informations importantes sur la façon dont nous devons nous comporter en Irak.
Les États-Unis ont envahi deux fois Haïti. La première fois, en 1915, le président Wilson a envoyé les troupes en raison d’une situation encore pire que celle que le pays connaît aujourd’hui. Il l’a fait par idéalisme (pour diffuser la démocratie dans les Caraïbes) et par réalisme (pour éviter que les Français et les Allemands n’interviennent eux-mêmes). Le pays a été occupé jusqu’en 1934 avec un président haïtien désigné par les États-Unis. Il s’agit de la période où les Haïtiens ont été les plus libres et où le pays a le plus prospéré. Puis les États-Unis sont partis et la situation n’a cessé de décliner avec pour paroxysme l’arrivée au pouvoir des Duvallier. En 1994, Bill Clinton est intervenu également par idéalisme (pour la démocratie) et réalisme (pour mettre un terme aux débarquements de boat people aux États-Unis et satisfaire l’électorat noir), mais les troupes ne restèrent pas aussi longtemps que la première fois et laissèrent vite la main à l’ONU et à Aristide qui s’avéra aussi mauvais que ses prédécesseurs.
La première leçon à retenir, c’est que les élections ne font pas une démocratie puisque Aristide a été largement élu, mais n’a ni un gouvernement humain, ni éclairé. Alors que sous l’occupation des années 20, il n’y avait pas d’élections, mais les Haïtiens étaient plus libres. La seconde, c’est que la reconstruction nécessite la présence des troupes états-uniennes. Il faut donc en Irak d’une part une Constitution qui garantisse les libertés avant d’organiser des élections et, d’autre part, se préparer à laisser des troupes sur place pour des décennies.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Don’t Let Iraq Become a Haiti », par Max Boot, Los Angeles Times, 12 février 2004.