Les appels au retrait d’Irak se multiplient. On trouve désormais des personnes qu’on peut qualifier de néo-conservateurs qui demandent désormais que les États-Unis quittent l’Irak. Ils affirment que chercher la démocratie en Irak est un programme trop ambitieux et qu’il faut avant tout chercher la stabilité, ce qui n’est qu’une façon détournée de demander notre départ.
Il faut pourtant rappeler que la stabilité en Irak demandera une présence militaire permanente en Irak. John Kerry et ses partisans utilisent cette argumentation pour l’instant, mais ils pourraient évoluer pour faire du départ d’Irak le thème principal de sa campagne. On laisserait alors le problème à l’OTAN ou à l’ONU. On se dirige donc peut-être vers un débat sur le retrait, l’impensable devient pensable.
Il est facile de comprendre pourquoi on est arrivé là quand on voit les hésitations de l’administration Bush. C’est un signe de panique et cela donne un sentiment de faiblesse aux Américains et aux Irakiens. C’est cette faiblesse qui risque de diminuer le soutien à la guerre des États-uniens. Même si personne ne parle ouvertement de fuite d’Irak, affirmer que nous revoyons nos ambitions à la baisse est le premier pas dans cette direction.
En réalité, le choix en Irak n’est pas entre la démocratie et la stabilité, mais entre la stabilité démocratique et une guerre civile. En effet, quelle est l’alternative à la démocratie en Irak ? Une dictature ne sera jamais légitime et pour se faire accepter, elle devrait utiliser les mêmes méthodes que Saddam Hussein. La partition du pays n’est pas non plus une solution car l’imbrication des populations est forte et l’indépendance du Kurdistan entraînerait une guerre avec la Turquie. Si nous abandonnons l’Irak, nous le livrons au chaos.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Lowering Our Sights », par Robert Kagan, Washington Post, 2 mai 2004.