Il y a dix ans, CNN montrait des images de cadavres au Rwanda alors qu’à Washington, on discutait encore de la pertinence de l’emploi du mot « génocide ». En tant qu’anciennes responsables des questions africaines aux États-Unis nous avons dû superviser plusieurs déploiements de force dans ce continent, mais nous sommes restées hantées par les images du génocide rwandais. C’est pour cette raison que nous nous permettons de donner des conseils sur la conduite à suivre au Darfour, une région qui pourrait devenir un nouveau Rwanda si nous ne faisons rien.
La lutte du gouvernement de Khartoum et des milices a déjà causé 10 000 morts, 130 000 réfugiés partis vers le Tchad et un million de déplacés. Si nous n’agissons pas, nous pourrions avoir 300 000 morts selon l’Agence des États-Unis pour le développement international. Les belligérants se sont accordés sur un cessez-le-feu le mois dernier, mais l’insécurité dans la région demeure et le gouvernement soudanais continue de nier sa responsabilité dans les exactions.
Malheureusement, les États-Unis, l’Union européenne et l’Union africaine restent inactifs pour ne pas nuire aux négociations dans le Sud du pays. L’inaction est pourtant un encouragement pour Khartoum et il faut que les États-Unis mettent le Darfour dans la balance dans les négociations dans le Sud. Il faut également que les États-Unis, via le Conseil de sécurité fassent pression sur le Soudan pour arrêter les massacres et laissent l’accès au Darfour aux travailleurs humanitaires. Il faudra peut-être prendre des sanctions. Certains gouvernements accuseront alors Washington d’hypocrisie suite à l’affaire d’Abu Ghraib, mais Washington ne doit pas tenir compte de ces remarques. Il faut que les États-Unis demandent également au Conseil de sécurité d’autoriser une action militaire pour protéger les civils. Il faudra qu’elle soit menée par un pays africain ou européen avec le soutien des États-Unis. Il faut empêcher un nouveau génocide en Afrique.

Source
The Age (Australie)

« Will the world fail to stop another genocide ? », par Susan E. Rice et Gayle Smith, The Age, 8 juin 2004.