« Que veulent les États-Unis ? »
Que veulent les États-Unis ?
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Richard Haass est directeur du planning du département d’État. Cette tribune est diffusée par Project Syndicate.
[RESUME] La question qui dominera le sommet du G8 est : que veut l’Amérique dans le monde ? Aussi, il peut être utile de rappeler les objectifs des États-Unis.
Notre politique étrangère est flexible et l’action en Irak n’est absolument pas un modèle rigide politique sur la base duquel tout sera décliné. Chaque action dans le monde sera adoptée en fonction des réalités locales. Si notre armée est un élément essentiel de notre action sur la scène internationale, elle n’est qu’un des moyens à notre disposition. Le partenariat international est un autre aspect, indispensable dans la guerre au terrorisme.
Les institutions internationales sont une aide précieuse quand elles sont organisées de manière efficace, ont des mandats réalistes et que leurs membres ont des normes et des objectifs communs. L’OMC en est un bon exemple. Le multilatéralisme est davantage couronné de succès lorsqu’il est fondé sur une convergence des intérêts. C’est pourquoi, si l’ONU est parfois la mieux placée pour traiter les objectifs de politique extérieurs des États-Unis, l’Amérique se réserve le droit d’agir seule ou avec une coalition ad hoc quand les Nations unies sont impuissantes.
Notre action vise à empêcher l’implosion des États faibles, car l’anarchie sert l’extrémisme, et à aider les pays qui ont sombré dans la violence. L’objectif de l’Amérique est de rendre le monde meilleur en défendant la démocratie. Aujourd’hui, les différents pôles du monde n’ont pas de positions inconciliables. Cela offre la possibilité de régler les défis communs auxquels nous sommes confrontés.
« Les aviateurs ont été à la hauteur de la situation »
Fliers Rose to Occasion
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Analyste en questions militaires, William M. Arkin est rédacteur du site The U.S. Military Online et chroniqueur du Los Angeles Times.
[RESUME] Suite à la guerre en Irak, l’expression « la vitesse tue » est devenue l’explication la plus courante pour expliquer le succès. C’est sur cet argument que se concentre l’actuelle bataille budgétaire à Washington et la réforme des troupes. Pourtant si on étudie attentivement la physionomie de la guerre, on remarque que ce n’est pas tant la vitesse de déplacement qui a permis de gagner rapidement que la pause des troupes au sol durant laquelle les bombardement massifs ont permis la destruction des forces irakiennes.
Le plan originel prévoyait que la rapidité des troupes au sol serait déterminante, mais face à la résistance des troupes ennemies et aux problèmes climatiques, cette option a été abandonnée au profit de frappes aériennes qui, elles, n’étaient pas gênées par le climat. Le changement de stratégie a permis aux troupes au sol d’entrer dans Bagdad en ayant subit très peu de pertes préalables et en ne faisant face qu’à un adversaire décimé. La coopération entre services de renseignement, forces spéciales, troupes au sol et frappes aériennes a été également une des clés de la victoire.
Quoi qu’il en soit, lors des choix budgétaires, il ne sert à rien de chercher ce qui a marché la dernière fois, mais ce qui fonctionnera la prochaine fois.
« Une sombre magie dans les balles d’argent de l’Amérique »
A Dark Magic in America’s Silver Bullets
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Deborah Blum est une vainqueur du Prix Pulitzer dans le domaine scientifique et professeur de journalisme à l’université du Wisconsin. Elle est l’auteur de Love at Goon Park : Harry Harlow and the Science of Affection.
[RESUME] Le Pentagone a répondu aux critiques en provenance des environnementalistes européens et de médecins proche-orientaux concernant l’utilisation d’armes à l’uranium appauvrie, en soulevant les arrières-pensées politiques qui pouvait exister derrières ces critiques. Les opposants à ce type d’arme affirment que leur utilisation lors des derniers conflits auxquels ont participé les États-Unis a entraîné une grande variété de maladies dans la population civile des pays touchés. Ils demandent l’interdiction de ces armes. La réponse du département de la Défense états-unien a consisté à présenter ces groupes comme des organisation visant à limiter la domination militaire des États-Unis.
Aux États-Unis, peu de groupes demandent l’interdiction de ces armes, contrairement à ce qu’on peut voir en Europe et au Proche-Orient. Toute guerre produit ce genre de conséquences sur l’environnement. S’il est vrai que ce type d’arme,comme d’autres d’ailleurs, est toxique, il offre un avantage sur le champ de bataille qui permet de raccourcir la durée des guerres et donc de faire moins de victimes. Les études du Pentagone ont conclu que, même si l’usage de l’armement à l’uranium appauvri n’est pas anodin, elles n’ont pas produit d’effets dévastateurs ailleurs qu’en Irak, pays qui a refusé de laisser l’ONU étudier les cas recensés par les autorités. On ne dispose donc de faits réellement convaincants. Malheureusement, le monde ne nous fait pas confiance sur cette question.
« Intégrité, renseignement et Irak »
Integrity, Intelligence And Iraq
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Jeffrey H. Smith est ancien conseiller juridique général de la CIA.
[RESUME] George Tenet a sans doute le métier le plus difficile des États-Unis. En plus aujourd’hui, lui, la CIA et le département d’État doivent se justifier sur les informations qu’ils ont fournit concernant la présence d’armes de destruction massive en Irak et sur les liens de Bagdad avec Al Qaïda, alors que leur travail a permis une extraordinaire victoire militaire.
On accuse la CIA d’avoir délibérément exagéré la menace irakienne, sous la pression de l’administration Bush, pour pousser à la guerre. Ces accusations sont un coup dur pour la crédibilité états-unienne et trois enquêtes sont menées à leur sujet : une interne à la CIA, une demandée par la Maison-Blanche et une par le Congrès. Ces enquêtes devront être conduites en gardant à l’esprit les trois principes du renseignement : il existe des limites aux possibilités d’interprétation des renseignements, les services doivent être intègres et ils doivent être indépendants.
La politique des frappes préventives nécessite que cette intégrité et cette indépendance soient encore plus défendues qu’auparavant. Il faut que la CIA ait à sa tête un homme qui soit en mesure de dire au président qu’il se trompe si c’est le cas. Il ne fait pas de doute pour ceux qui connaissent George Tenet qu’il est ce type d’homme. La CIA va, en outre, créer un poste de médiateur, chargé de vérifier l’indépendance de l’agence. Le Congrès ainsi que des réformes au niveau de l’organisation aideront à renforcer cette indépendance et à restaurer la confiance.
« Ne laissez pas passer votre chance au Proche-Orient M. Blair. Il n’y en aura pas d’autre »
Don’t throw away your chance in the Middle East, Mr Blair. There won’t be any more
The Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Sheikh Hamdan bin Zayed est ministre des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis.
[RESUME] Depuis le 11 septembre, beaucoup de pays commettent la dangereuse erreur de croire que les mondes occidentaux et musulmans sont opposés dans un choc des civilisations alors qu’il n’y a rien de religieux dans cette opposition.
Oui, il existe des musulmans fanatiques, mais il ne s’agit que d’une minorité, contrairement à ce que prétendent certains Occidentaux qui s’en prenne à la foi musulmane elle-même. Bien avant le 11 septembre, le Sheikh Zayed ben Sultan Al Nahyan, le président des Émirat Arabes Unis, appelait au dialogue entre la Chrétienté et l’Islam, initiative qui avait été soutenue par le prince de Galles. Toutefois, le dialogue n’est pas suffisant, il faut s’attaquer à ce qui pousse au terrorisme : le conflit israélo-arabe.
Les pays arabes ont proposé de reconnaître Israël en échange de la paix, mais depuis que cette offre a été faite, peu de progrès ont été réalisés. Israël ignore les résolutions de l’ONU, mais la communauté internationale reste passive. Le Royaume-Unis doit agir car il est écouté des deux côtés de l’Atlantique. La « feuille de route » est une opportunité de rapprocher l’Occident et le Proche-Orient qu’il ne faut pas rater.
[CONTEXTE] Sheikh Zayed sponsorise depuis de nombreuses années des recherches et des études croisées pour développer la compréhension réciproque de l’Islam et de la Chrétienté. C’est pourquoi les partisans du « clash des civilisations » ont entrepris une campagne contre lui aux États-Unis. Ainsi, le mois dernier, la faculté de théologie de l’université d’Harvard a refusé un don de 2,5 millions de dollars au motif que Sheikh Zayed serait un ennemi de l’Amérique puisqu’il a réalisé une édition privée du livre de Thierry Meyssan, L’Effroyable imposture. (Cf. « Harvard is pressured to return $2.5m gift », in The Boston Globe du 11 mai 2003 ; « HDS Considers Donation Return », in The Crimson du 12 mai 2003 ; « It smacks of a witch hunt », in Ha’aretz du 25 mai 2003.)
Sheikh Zayed sponsorise également des campagnes politiques en faveur de la paix. Ainsi, au Royaume-Uni, a-t-il largement financé l’association de George Galloway contre la guerre en Irak ; association qui a organisé la grande manifestation contre le soutien de Tony Blair à l’agression états-unienne.
« Bush à Cracovie »
Bush in Krakow
Wall Street Journal (États-Unis)
[AUTEUR] Radek Sikorski est l’ancien vice ministre des Affaires étrangères (1998-2001) et de la Défense (1992) de Pologne. Il est directeur de la Nouvelle Initiative Atlantique de l’American Enterprise Institute.
[RESUME] La presse européenne s’est déchaînée contre la Pologne en raison de l’aide qu’elle a fourni aux États-Unis pendant la guerre en Irak, mais les Polonais sont fiers de leur action dans ce conflit et plus encore des actions de maintien de la paix qu’ils vont mener dans le pays.
Le maintien de la paix est devenu une spécialité des Polonais. Il se sont illustrés dans cette tâche dans de nombreuses parties du globe. Cette capacité à se faire accepter des populations vient de notre passé durant lequel nous avons subi l’occupation, la dictature et la pauvreté, ce qui permet d’établir plus rapidement un lien avec les populations civiles que lorsqu’on est soldat d’une ancienne puissance coloniale. Si la situation en Irak dégénère, l’expérience britannique en Ulster sera précieuse, mais si tout se passe bien, la capacité polonaise à rassurer et à instaurer des liens de confiance avec les populations sera utile. La présence des troupes polonaises internationalise la force de maintien de la paix, ce qui peut permettre à la France et à l’Allemagne d’y participer sans perdre la face.
La venue de George W. Bush en Pologne est le symbole des nouvelles alliances qui se sont mises en place après la Guerre froide. Aujourd’hui, la Pologne va intégrer l’Union européenne et aider à sa modernisation, mais depuis 1939, les Polonais ont perdu foi dans les accords de sécurité avec des pays européens. Sur cette question, nous nous appuyons sur notre alliance avec les États-Unis. Nous préférons l’OTAN à la structure franco-allemande anti-américaine qui se rapproche de la Russie autoritaire de Vladimir Poutine.
L’Europe peut gagner de l’influence en coopérant avec les États-Unis plutôt qu’en s’opposant à eux. La Pologne partage les valeurs et les objectifs américains et l’achat de F-16 états-uniens marque le début d’une nouvelle relation.
« Restaurer l’harmonie russo-états-unienne »
Restoring U.S.-Russia Harmony
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Stephen Sestanovich est membre du Council on Foreign Relations et professeur de diplomatie internationale à l’Université de Columbia. Il a été ambassadeur spécial pour la Russie et les États de l’ancienne URSS (1997-2001).
[RESUME] Alors que les États-Unis et la Russie étaient devenus de quasi alliés après le 11 septembre, la guerre en Irak a renvoyé les deux pays dans une situation diplomatique que Vladimir Poutine et George W. Bush voulaient tous deux éviter.
Le 11 septembre avait poussé la Russie à entrer pour la première fois dans une coalition menée par les États-Unis comme un partenaire à égalité. Mais aujourd’hui, retrouver ce type d’échange ne sera pas facile car les vues de Washington et de Moscou sont très éloignées sur les questions nord-coréenne et iraniennes. En outre, si, pour la Russie, participer à la guerre au terrorisme contre une menace commune était un moyen d’accroître son rôle international, ce n’est plus le cas pour la guerre en Irak.
Bush et Poutine seront en campagne électorale l’année prochaine. Ils ne doivent pas voir ces échéances comme un obstacle à un rapprochement. Poutine peut ainsi dénoncer la façon dont l’Iran a trompé la Russie sur la question nucléaire, renégocier la dette irakienne et cesser de discuter avec Yasser Arafat afin de se rapprocher de Washington. Les Russes reconnaissent qu’ils ont sous-estimé l’effet du 11 septembre sur la mentalité états-unienne, mais les États-Unis n’avaient pas été assez précis dans la définition de leurs nouveaux objectifs. Il faut donc créer un forum permanent de discussion entre les États-Unis et la Russie.
« L’Australie a raison d’interdire le Hezbollah. Voici pourquoi »
Australia is right to ban Hezbollah. Here’s why
The Age (Australie)
[AUTEUR] Dr Colin Rubenstein est directeur exécutif de l’Australia/Israel & Jewish Affairs Council.
[RESUME] Alors que la communauté internationale se focalisait sur l’Irak et Al Qaïda depuis le 11 septembre, elle n’a pas vu que les islamistes fondamentalistes du Hezbollah étendaient leurs capacités opérationnelles partout dans le monde. Dans ce contexte, les efforts du gouvernement australien de John Howard pour faire interdire ce mouvement sont nécessaires.
C’est le Hezbollah qui a tenté d’envoyer un camion rempli d’explosif sur l’ambassade israélienne à Bangkok, en 1994, et qui a commis un attentat suicide dans la communauté juive de Buenos Aires, la même année. L’attaque en Argentine a été préparée par Imad Mughniyeh, le responsable des opérations à l’étranger du Hezbollah qui vit en Iran et qui a des relations régulières avec Ben Laden, depuis 1996. Le Hezbollah exhorte les Palestiniens à commettre des attentats suicide et utilise comme slogan le plus populaire « Mort à l’Amérique ».
Les supporter du Hezbollah affirment que ce groupe est autant un groupe politique qu’un groupe combattant alors qu’il s’agit d’une organisation militaire entraînée par l’Iran pour commettre des attentats terroristes. Les liens qu’entretient cette organisation avec Al Qaïda en font un groupe dangereux.
[CONTEXTE] Loin d’être fondamentaliste, le Hezbollah propose une interprétation progressiste du Coran qui en fait l’équivalent en Islam de la théologie de la libération chez les catholiques. Il entretient d’ailleurs des relations avec ces mouvements homologues en Amérique latine. Impliqué, comme tous les autres protagonistes, dans de nombreux crimes durant la guerre civile libanaise, il est aujourd’hui pacifié et ne poursuit d’activité militaire que contre le reliquat d’occupation israélienne au Sud-Liban. En 2001, les États-Unis ont exigé du Hezbollah qu’il fournisse des renseignements sur Al Qaïda, faute de quoi, il serait inscrit sur la liste des organisations terroristes. Au cours des négociations, la délégation du Hezbollah répondit officiellement qu’elle n’avait aucune information sur Al Qaïda que le département d’État n’ait déjà, vu que Ben Laden est un agent de la CIA. En rétorsion, l’organisation fut déclarée terroriste par les États-Unis. Mais la France et l’Allemagne s’opposèrent à ce que l’Union européenne en fasse de même. Le président Jacques Chirac invita le délégué général du Hezbollah au sommet de la francophonie à Beyrouth et madame Chirac en profita pour apporter son aide à un hôpital du Hezbollah.
« La vache riche et l’Africain pauvre »
La vache riche et l’Africain pauvre
Le Monde (France)
[AUTEUR] Mark Malloch Brown est l’administrateur du programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
[RESUME] Le vote de résolution 1483 a tourné une page importante en rappelant le rôle indispensable de l’ONU. Aussi encourageant que cela puisse être, il est important de noter que, si les dirigeants du monde voulaient véritablement apporter une contribution durable à l’effort de paix et de sécurité à long terme, ils devraient se pencher sur un agenda plus large que l’Irak.
Aujourd’hui 10 millions de personnes sont contaminées par le Sida sans pouvoir bénéficier d’un traitement. 115 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et 1,2 milliards d’humaines vivent avec moins d’un dollar par jour. La déclaration du millénaire, qui a été adoptée à l’unanimité des dirigeants du monde, prévoyait de lutter contre ces fléaux. Mais beaucoup continuent de croire que résoudre ces problèmes est impossible, ce qui est faux si les pays riches fournissent une aide. C’est ce que prévoyait le huitième objectif de la déclaration du millénaire et l’Europe peut avoir un rôle mobilisateur sur cette question.
Les études les plus conservatrices suggèrent que l’aide au développement doit atteindre 100 milliards de dollars par an. Si l’Europe a promis d’augmenter son aide, beaucoup reste à faire. En outre, l’Europe doit cesser de subventionner son agriculture comme elle le fait actuellement après avoir promis d’arrêter lors des accords de Doha. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un monde où une vache reçoit 900 dollars par an de subvention quand un Africain sur deux vit avec moins d’un dollar par jour.
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