Colin L. Powell appelle le Congrès à soutenir le « Compte du millénaire » (MCA) : une sorte de nouveau Plan Marshall destiné à créer de nouveaux marchés et à asseoir pacifiquement l’influence des États-Unis, notamment en Afrique et au Proche-Orient. Il en fait l’éloge dans le Washington Post. Cependant, loin d’être l’entreprise philanthropique que présentait la propagande de la Guerre froide, le Plan Marshall était avant tout un investissement des industriels états-uniens en Europe, garanti par leur gouvernement, en vue de fastueux bénéfices. Il s’accompagnait de clauses politiques très contraignantes plaçant les États bénéficiaires dans une situation de vassalité. De même le MCA est une mobilisation conjointe des industriels états-uniens et du gouvernement fédéral. Il s’accompagne de clauses politiques publiques : mise en place de procédures « démocratiques », déréglementation économique et privatisations massives, investissements dans la santé et l’éducation. Il comprend aussi probablement des clauses politiques secrètes autorisant l’activité des réseaux d’influence US hors du contrôle des gouvernements nationaux. Le MCA avait été annoncé par George W. Bush, lors de son discours devant les gardes côtes. Il est indissociable de la « guerre au terrorisme » et de la création du nouvel appareil sécuritaire états-unien (Centre anti-terroriste, Commandement des forces spéciales, Conseil de sécurité de la patrie), comme le Plan Marshall était indissociable de la Guerre froide et de la mise en place de l’appareil sécuritaire d’Harry Truman (CIA, État-major interarmes, Conseil national de sécurité).
Daniel Pipes préconise dans le Jerusalem Post une interprétation biaisée de la feuille de route. Une fois le Quartet évincé, les États-Unis doivent reprendre en main le processus de négociation et imposer comme pré-condition la fin de la violence du seul côté palestinien. Il justifie ses analyses en s’appuyant sur une interprétation aberrante des positions de Yasser Arafat et sur les études rédigées par Douglas Feith (avec Richard Perle), lorsqu’il conseillait Benjamin Netanyahou, pour saboter l’application des accords d’Oslo. Frank J. Gaffney décrit dans le Washington Times les graves menaces que le gouvernement chinois ferait peser sur la liberté à Hong Kong. Pour mobiliser ses lecteurs, le coordinateur des faucons exagère de réels problèmes pour finalement conclure que la question n’est pas tant la liberté à Hong Kong que l’intégration du territoire dans la Chine continentale et l’incertitude que cela fait peser sur Taiwan. Guillaume Parmentier souligne dans l’International Herald Tribune que la normalisation des relations entre les États-Unis et la France ne se fera pas sans efforts. Elle est à ses yeux indispensable de sorte qu’il considère les divergences lors de la crise irakienne comme de simples incidents à réparer .
La représentante Jane Harman revient avec calme sur les armes de destruction massive irakiennes. Dans le Washington Post, elle exige qu’on les retrouve rapidement ; non pas parce que leur absence illustrerait leur inexistence, mais parce que le but de l’attaque était de les détruire et que ce but n’est toujours pas atteint. En outre, elle observe que si on ne les trouve pas, cela développera la suspicion face aux informations des services de renseignement et rendra impossible la politique des frappes préventives.
Jean-Marie Guéhenno appelle, dans le Los Angeles Times, les membres permanents du Conseil de sécurité à s’accorder rapidement pour intervenir en Iturie. Selon lui, il est possible d’éviter que la République démocratique du Congo ne connaisse des massacres comparables à ceux qui ont ensanglanté le Rwanda voisin, encore faudrait-il le vouloir.
Enfin, Mgr Carlos Ximenes Belo s’indigne dans l’International Herald Tribune de la décision de l’Union européenne d’interrompre le financement de centres d’aide aux victimes de tortures. Il rappelle le soulagement que ces centres apportent dans le monde et la responsabilité de la communauté internationale de venir en aide aux victimes.
« De l’aide pour l’entreprenariat »
Aid for the Enterprising
Washington Post (États-Unis)
Version française de cette tribune disponible sur le site du Réseau Voltaire.
[AUTEUR] [Colin L. Powell] est secrétaire d’État des États-Unis. Il a été assistant aux affaires de sécurité nationale du président Reagan (1987-1989) et chef d’état-major de l’armée états-unienne (1989-1993) sous la présidence de George Herbert Walker Bush.
[RESUME] La moitié de l’humanité vit avec moins de deux dollars par jour, un milliard d’individus n’a pas d’eau saine et deux milliards n’ont pas l’électricité. Sortir l’humanité de la misère est un grand défi pour le XXIème siècle. Nous, la plus grande démocratie au monde, devons le relever car il a un grand impact pour la liberté, la croissance et la sécurité dans le monde.
C’est dans cet esprit qu’a été rédigé le projet « Millenium Challenge Account » (MCA) proposé au Congrès, la plus importante aide au développement depuis le plan Marshall. Le MCA a une approche révolutionnaire qui consiste à aider les États en échange de réformes démocratiques et de libéralisation économique afin qu’ils se développent également par eux-mêmes. Pour s’assurer du bon usage de ces fonds, un conseil indépendant le Millenium Challenge Corp, que je présiderai en tant que secrétaire d’État, supervisera ce programme.
L’aide du MCA s’ajoutera à celle de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Le MCA aidera les États à améliorer leurs politiques. Il faut que le Congrès soutienne cette initiative.
« Apprendre des dures leçons d’Oslo »
Learning the hard lessons of Oslo
Jerusalem Post (Israël)
[AUTEUR] [Daniel Pipes] est membre de l’US Institute of Peace. Il est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il est collaborateur de Benador Associates et a fondé Campus Watch, une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] La « feuille de route » ne peut avoir un résultat positif si elle n’évite pas les erreurs commises lors des accords d’Oslo. Des accords qui ont échoué dès le début quand, le 13 septembre 2003, Rabin et Arafat se serraient la main devant la Maison Blanche alors que pour Arafat, comme il l’a déclaré à l’époque à la télévision jordanienne, ces accords n’était qu’une étape vers l’objectif de détruire Israël.
En réponses aux déclarations d’Arafat et à la violence, Rabin n’a rien fait, et ses successeurs n’ont pas non plus agis. Douglas Feith (aujourd’hui vice-secrétaire à la Défense sur les questions politiques) expliquait cette absence de réaction en 1996 par le fait que les gouvernements israéliens sont entrés dans un processus de retrait, pas un processus de paix. Les Palestiniens en ont profité pour attaquer davantage les Israéliens tout en affirmant vouloir la paix. George W. Bush semble l’avoir compris. C’est pourquoi, il appelle à une fin totale de la violence comme pré-condition à la feuille de route. Cette fois-ci, il faudra être ferme et refuser tout compromis sur la question de la violence et tout nouveau mensonge palestinien.
Les États-Unis ont adopté la tolérance zéro vis-à-vis de l’Irak, il faut faire de même avec les Palestiniens.
« La mort de la liberté à Hong Kong »
Death of freedom in Hong Kong ?
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] [Frank J. Gaffney Jr.] est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] Lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine communiste, j’avais écris que les manifestations de joies semblaient forcées, comme lors de l’annexion des Sudètes et de l’Autriche par Hitler, et que Bill Clinton et les membres du Congrès qui ne pensaient qu’au commerce devraient s’alarmer du risque pour les libertés à Hong Kong malgré les discours rassurants des dirigeants chinois.
Aujourd’hui, la Chine s’attaque aux libertés religieuses, de la presse et d’expression en proposant une loi qui sera adoptée le 9 juillet par le conseil législatif contrôlé par Pékin. La courageuse minorité démocratiquement élue dans ce conseil en appelle à l’aide internationale pour empêcher cette loi d’être adoptée. Elle a reçu le soutien de personnalités du Congrès. Si nous ne sommes plus à l’ère Clinton, George W. Bush souhaite quand même l’aide de la Chine dans le dossier nord-coréen, dans la guerre au terrorisme et dans la lutte contre la prolifération.
Toutefois, si le président ne fait rien pour Hong Kong, la Chine y verra un encouragement et fera pression sur Taiwan.
« La France doit tendre la main aux États-Unis »
France must reach out to U.S.
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] Guillaume Parmentier fut directeur adjoint de l’information à l’OTAN (1990-94), puis conseiller du ministre français de la Défense, Charles Millon (1995-97). De 1997 à 1999, il met en place une structure qui donne naissance au Centre Français sur les États-Unis (CFE), qu’il dirige aujourd’hui à l’Institut française des Relations Internationales (IFRI), et au Center on the US and France (CUSF), que Philip H. Gordon dirige à la Brookings Institution.
[RESUME] Lors de son voyage en Europe, George W. Bush n’a pas laissé paraître de ressentiment, mais il ne faut pas croire pour autant que les relations entre la France et les États-Unis sont à nouveau normales. Sans engagement de la France, un retour à la normal n’est pas possible.
La France ne doit pas confondre les Américains qui se sentent sincèrement trahis par la France et vers qui elle doit se tourner et ceux qui ont utilisé les images des cimetières de Normandie avec beaucoup de mauvaise foi. Si la France ne se tourne pas vers les Américains, les tensions perdureront longtemps. Un autre problème vient du fait que la France et les États-Unis ne se font pas confiance. Les États-Unis sont persuadés que la France n’aurait pas fait la guerre en Irak même avec l’accord de l’ONU et qu’elle a tendu un piège aux États-Unis. La France, non sans raisons, croit que les États-Unis se sont servis des inspections pour gagner du temps et que leur choix d’attaquer était déjà fait depuis longtemps.
Il faut que le dialogue soit rétabli à tous les niveaux et que la France mettent en place des réseaux de communication informels qui lui permettront de mieux comprendre les États-Unis et de mieux expliquer ses choix politiques. Ceux qui sont attachés aux relations franco-américaines doivent agir vite. Ceux qui veulent faire de l’Europe une puissance mondiale y ont également un intérêt car ils ne rassembleront pas les partenaires européens dans l’opposition aux États-Unis.
« ADM : Qu’est ce qui s’est mal passé ? »
WMD : What Went Wrong ?
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Avocate engagée pour la défense des droits des femmes et des gays, Jane Harman fut une proche collaboratrice du président Jimmy Carter. Elle s’est spécialisée dans les questions environnementales avant d’être élue députée (démocrate) de Californie. Actuelle présidente du groupe démocrate à la Commission du renseignement de la chambre des Représentants et membre de la Commission de la sécurité de la patrie, elle est devenue une référence dans son parti en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme.
Jane Harman est professeur de relations internationale à l’université de Californie (UCLA).
[RESUME] Avant la guerre, le dossier de renseignement sur les armes de destruction massive irakiennes était convaincant et défendu par des responsables de l’administration Bush et le directeur de la CIA. C’est pourquoi j’ai voté en faveur de l’usage de la force contre Saddam Hussein.
Aujourd’hui, nous n’avons trouvé que de faibles traces de la présence d’armes de destruction massive en Irak. Nous devons donc analyser sereinement la situation. Il nous faut dans un premier temps comprendre pourquoi nous n’avons pas trouvé les armes de destruction massive tout en redoublant d’efforts pour les trouver. Car tant qu’elles n’ont pas été trouvées, les États-Unis et leurs alliés ne sont pas plus en sûreté qu’avant la guerre. Il est également important de trouver les scientifiques qui ont travaillé sur ce programme d’armement. Il semble que la stratégie militaire en Irak n’a pas assez tenu compte des armes de destruction massive et de leur recherche.
Ensuite, nous devons analyser sur quelles bases les services de renseignements se sont appuyés pour affirmer que l’Irak était une menace imminente et avait des liens avec Al Qaïda. Il faudra aussi vérifier si des analystes ont subi des pressions. Sur la base de cette enquête, nous devrons déterminer si le gouvernement a la capacité de disposer de renseignements fiables sur les programmes nord-coréen et iranien. Si ce n’est pas le cas, il faudra que le gouvernement révise sa politique de frappes préventives car celle-ci nécessite des renseignements sûrs.
« Le danger d’ignorer le Congo »
The Danger of Ignoring Congo
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Jean-Marie Guéhenno est ancien diplomate et fut notamment chef du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères (1989-93) et ambassadeur auprès de l’Union de l’Europe occidentale (1993-95). Il a présidé l’Institut des hautes études de la Défense nationale (1998-200), avant d’être nommé secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix. Il est membre du Siècle.
Fils de l’écrivain Jean Guéhenno (de l’Académie française), il a tenu la rubrique du marché de l’art dans Le Monde, sous le pseudonyme de Jean-Marie Guillaume.
[RESUME] L’intervention de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC) est risquée. Les troupes française arrivée ce week-end en complément des troupes uruguayennes sont dans une situation difficile dans laquelle beaucoup de choses peuvent mal se passer.
Kofi Annan s’est engagé de longue date sur cette question et a envoyé une force d’interposition dans la région avec l’aide du gouvernement uruguayen. Si nous n’agissons pas, nous aurons affaire à un massacre et nous devons nous souvenir de l’exemple du Rwanda voisin, il y a dix ans.
La plupart des morts sont causés par des milices mal entraînées, peu disciplinées, mal dirigées et peu soutenues ; une force militaire bien équipée et mobile peut leur faire arrêter leurs exactions. Nous devons aussi conduire les coupables devant les tribunaux. L’action est certes dangereuse, mais l’inaction peut aboutir à des massacres massifs. Les cinq membres du Conseil de sécurité doivent mettre de côté leurs divergences sur l’Irak pour agir ensemble dans la région.
« Une décision de l’Union européenne qui laisse les victimes de tortures démunies »
An EU decision leaves torture victims out in the cold
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] Mgr Carlos Ximenes Belo est l’ancien administrateur apostolique de l’Église catholique au Timor oriental. Il a reçu le Prix Nobel de la paix en 1996.
[RESUME] Au Timor oriental, presque toutes les familles tentent d’effacer les traces de près de 25 ans de conflits armés, parfois d’emprisonnement et de tortures. Elles ont besoin de soutien pour reconstruire leur vie. Nous avons besoin de l’aide internationale et je suis alarmé par l’annonce par l’Union européenne de son intention de diminuer les fonds pour son programme d’aide aux personnes torturées en faveur du programme pour la prévention de la torture. Si la prévention est essentielle, on ne peut pas pour autant abandonner les victimes actuelles.
Cette décision laisse sans ressources 30 centres d’aides aux personnes torturées dans le monde, or dans 20 pays, ces structures sont les seules à porter assistance aux victimes de tortures qui sont donc désormais sans aide. Bien que l’ONU et les États-Unis étudient actuellement un projet d’augmentation de leur soutien à ces centres, leur contribution est insuffisante et il faut espérer que l’Union européenne ne diminuera pas son aide financière.