La décision de Jacques Chirac de demander une loi sur l’interdiction des signes religieux dans les écoles publiques a suscité un flot de critiques inhabituelles en provenance des responsables politiques états-uniens et britanniques ainsi que dans l’opinion publique. Ces critiques se fondent sans doute sur la croyance dans le fait que l’intégration des musulmans dans les sociétés occidentales est un phénomène global.
Il faut pourtant comprendre que -que l’on apprécie ou pas la décision française-, elle s’inscrit dans des raisons historiques et politiques. C’est pourquoi elle a été soutenue par des croyants de toutes les religions en France. En agissant ainsi, la France ne veut pas stigmatiser l’islam en le présentant comme une religion étrangère, mais lutter contre ses propres démons religieux historiques. Beaucoup en France considèrent la laïcité comme la seule réponse à un passé politique tourmenté, marqué par les tragédies religieuses.
Les Français savent qu’ils abritent un équilibre religieux complexe et que céder aux demandes de l’islam entraînerait la jalousie ou des demandes analogues de la part des autres religions, ce qui menacerait tout l’édifice républicain français. Certaines demande de la communauté musulmane étaient perçues comme pouvant rompre le contrat républicain que les autres religions ont dû accepter dans le passé. Il est difficile de savoir pour l’instant si les forces laïques ont eu raison ou tort. Cela ne va peut-être pas favoriser l’intégration, mais ce qui est sûr, c’est que Jacques Chirac n’a pas voulu placer l’islam en France dans un statut de religion de second rang avec cette loi.

Source
International Herald Tribune (France)
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« The long, bloody path that led to French secularism », par Diana Pinto, International Herald Tribune, 8 janvier 2004.