Le jeu autour du Kosovo et l’Union Européenne (UE) est un exemple classique de scénario entre deux personnes accusées du même crime. Belgrade aurait perdu le Kosovo à cause de sa politique antérieure, et l’UE aurait arraché à la Serbie 15% de son territoire. En fait, les deux suspects se trouvent dans une impasse, ils sont incapables de trouver rapidement une issue à cette situation en raison d’un manque de confiance réciproque. Mais la position de l’UE est bien sûr la meilleure puisqu’elle a le statut d’un « témoin sous protection ». C’est la logique du : « je serai coopératif dans un premier temps, et puis j’adapterai mon jeu à celui de l’autre ». Ainsi, Bruxelles a approuvé notre candidature à l’UE, et maintenant il nous demande notre coopération dans le processus d’établissement de l’indépendance étatique du Kosovo. De toute évidence, Bruxelles pense connaître notre élite politique serbe et pouvoir lui « vendre » des fables sur la nécessité de « sauvegarder l’intégrité territoriale du Kosovo » dans un contexte de neutralité statutaire de la Commission européenne en ce qui concerne la question du Kosovo.

Donc, nos hommes politiques ont peut-être mal compris la formule sur la « sauvegarde de l’intégrité territoriale du Kosovo », c’est peut-être uniquement une « question de formulation maladroite », voilà, on ne s’est pas compris ? Mais, si c’est le cas, pourquoi alors le commissaire européen à l’élargissement, Stefan Füle, a-t-il refusé la proposition d’amélioration de cette formule, que nous avons par notre manque de subtilité linguistique et juridique, mal comprise, afin que nous puissions enfin la comprendre comme il faut ? Pour que ce peuple confus comprenne que l’UE ne nous met pas la pression, que nous avons un mauvais regard sur la relation de l’UE envers le Kosovo et que nous nous trouvons dans une illusion stratégique ?

Personnellement, je n’ai plus aucun doute depuis longtemps sur la « formule » qui vient de Bruxelles, on demande à la Serbie dès aujourd’hui de reconnaître de facto l’indépendance du Kosovo. Avant l’éventuelle entrée dans l’UE, cette reconnaissance sera demandée de jure également. Arrêtons les mensonges, si on demande à Belgrade de respecter l’intégrité territoriale du Kosovo, n’importe quel étudiant en droit vous dira qu’il s’agit de la reconnaissance d’un Etat. Autant que je sache, les villes, les municipalités, ne jouissent pas de cette intégrité territoriale. Est-ce que vous avez déjà entendu que Bruxelles demande la sauvegarde de l’intégrité territoriale d’une ville ou d’une municipalité ? Moi, jamais.

On arrive maintenant à la seconde partie de cette histoire. Ce que l’UE nous demande, est-ce antidémocratique ? Cette moquerie directe de la part des plus hauts représentants de l’UE est pour moi un comportement antidémocratique. Est-ce que vous avez vu les expressions sur le visage de Stefan Füle et de Vincent Degert quand ils nous persuadaient à Belgrade que nous avons mal compris leur message ? Ils nous riaient directement à la face. Ça m’a rappelé un match de foot entre l’Etoile Rouge et Liverpool qui a eu lieu il y a très longtemps. L’Etoile Rouge avait perdu 3 à 0, et le Times de Londres publiait un gros titre le lendemain : « Un jeu fabuleux des Belgradois ». C’est ça la démocratie.

Etre fanatique de l’idée européenne au moment où la Grande-Bretagne annonce un référendum sur la question de rester ou sortir de l’UE, n’est pas très sérieux. Parce que personne en Serbie ne sait dans quel monde on vivra dans dix ou quinze ans. Est-ce que ça sera l’Europe de la grande fédération entre l’Allemagne et la Russie ou entre la Grande-Bretagne et la France ? Une Europe multipolaire, ou bipolaire ? L’Europe des riches et des pauvres, des blancs et colorés, l’Europe des chrétiens et musulmans ? L’Europe intégrée entre l’Atlantique et l’Oural, ou l’Europe désintégrée ? Enlevez de vos murs les portraits d’Adenauer, Schuman et Jean Monet parce qu’aujourd’hui, ils rendent à la Serbie son livret scolaire – est-ce qu’elle passera en classe supérieure ou devra-t-elle redoubler ?

Il existe une continuité entre l’européisme totalitaire du siècle dernier et l’européisme « démocratique » d’aujourd’hui. Ils ont un ennemi commun, l’Etat national, qui est pour eux, une menace pour la paix et un endroit trop étroit pour l’économie de dimensions planétaires. Pour les uns et les autres, « la diversité représente le désordre, et l’ordre demande l’uniformité ». L’uniformité peut être comprise aussi comme « normes européennes ».

Mais, comment nous expliquer tout cela à nous, les pauvres, quand on doit payer les salaires et les petites retraites ? Par quelle formule et quelle subtilité ?

Traduction
Svetlana Maksovic
Source
Politika (Serbie)

Traduction : Svetlana Maksovic

Source : Politika (Serbie)