Une partie importante de l’héroïne saisie en Thaïlande en octobre, aussi bien dans les villes du nord que dans le sud du pays, était empaquetée dans des sachets portant la marque Double Uo Globe, commercialisée par un "roi de l’opium" birman, devenu chef de milice gouvernementale, Lo Hsing Han. Ce dernier assiste souvent aux cérémonies de destruction de drogue organisées par le SLORC en présence de diplomates occidentaux et de représentants de l’organe spécialisé des Nations unies, le PNUCID. Il était lié au clan de Pheung Kya Shin, un seigneur de la guerre contrôlant la région du Kokang, dans l’extrême nord de l’Etat shan, qui fut évincé militairement de son fief au début 1993 (La Dépêche Internationale des Drogues n 18) par un autre seigneur de la guerre, Yang Mu An, allié aux troupes de la minorité wa de l’UWSP (United Wa State Party). L’élimination des milices de Pheung Kya Shin n’a pas cependant perturbé la production et le trafic de drogue dans ce secteur. Désormais les Wa contrôlent la frontière sino-birmane du Kokang jusqu’au nord-est de Kengtung et protègent les raffineries d’héroïne de Lo Hsing Han, sans remettre en cause l’accord de cessez-le-feu passé entre les Wa et le SLORC. Les Wa maintiennent également leurs positions sur la frontière thai-birmane, où ils s’opposent toujours aux troupes d’un autre roi de l’opium, Khun Sa. L’un des principaux interlocuteurs de Lo Hsing Han parmi les dirigeants du SLORC est le général Tun Kyi, qui, tout en occupant maintenant les fonctions de ministre du Commerce, conserve une influence prédominante dans la ville de Mandalay, où il était basé pendant cinq ans comme patron du Central Command. Il est connu pour avoir fait de "bonnes affaires", notamment avec ses subordonnés de la 99ème division d’infanterie (Light Infantry Division) dont le chef, le général Kyaw Than lui a nominalement succédé. Les affaires sont axées sur quatre lignes : rouge, verte, marron et blanche. Autrement dit, rubis, jade, tek et héroïne. A quoi s’ajoute la contrebande classique avec la Chine et la Thaïlande. Le général Kyaw Than participa, en 1989, aux négociations de cessez-le-feu avec les ex-communistes, ce qui a contribué à resserrer ses relations avec les barons des différents clans du Kokang. Cela explique sans doute pourquoi Pheung Kya Shin, après son éviction par les Wa, a été autorisé à revenir de son exil en Chine et à s’installer avec ses deux cents partisans dans la région de Maymyo (à 50 km à l’est de Mandalay).Mandalay est aussi un lieu d’investissement pour des adversaires des seigneurs du Kokang, les deux propriétaires du Lucky, un bel hôtel du centre ville, liés à Khun Sa. C’est à Rangoon que les affaires internationales sont négociées : pour masquer l’origine douteuse des fonds, des sociétés-écran, des joint venture sont à disposition des firmes internationales. Elles jouent le rôle des compradores chinois de Hong Kong et Canton qui au XIXème siècle déjà facilitaient l’échange de l’opium (anglais à l’époque), contre d’autres marchandises. L’une de ces firmes, qui exerce un quasi-monopole dans les tractations avec les entreprises françaises, est très proche du sommet de la "nomenklatura" birmane. L’ABCS (Associated Business Consultancy ltd) est dirigée par U Saw Win, gendre de Ne Win, le fondateur du régime militaire. C’est par l’intermédiaire de l’ABCS qu’a été, parmi d’autres, négocié le contrat de la compagnie pétrolière française Total (correspondant de l’OGD en Birmanie).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 26
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