« Aucun ordre international durable ne peut reposer sur une logique de puissance »

Intervention du président de la République au colloque « Sécurité mondiale et droit international : regard sur le futur »
Service de presse de l’Élysée (France)

[AUTEUR] Jacques Chirac est président de la République française. Ce texte est le résumé du discours prononcé à l’université de droit de Saint Petersbourg en présence de Vladimir Poutine et de Gerhard Schroeder à l’occasion du IIIème colloque du « Dialogue de Saint Petersbourg ».

[RESUME] Le rassemblement du président de la fédération de Russie, du Chancelier fédéral d’Allemagne et du président de la République française a valeur de symbole, le symbole de trois nations appartenant à un continent qui a fait le choix d’abandonner les jeux de puissance. Une Europe réconciliée avec elle-même qui n’oublie pas ce qu’elle doit à l’Amérique dans la prise de conscience au lendemain de la Première Guerre mondiale que la politique étrangère devait être guidée par les valeurs de démocratie et dans la fondation de l’ONU en 1945.
La prétendue « fin de l’histoire » s’est malheureusement traduite par un retour de la guerre comme moyen de résolution des conflits, mais nous devons espérer inventer un monde où les États acceptent de voir la force assujettie au droit. Le combat contre les nouvelles menaces, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive doit respecter nos principes et le droit. Aucun ordre international durable ne peut reposer sur une logique de puissance. La force est parfois nécessaire, mais elle doit être l’arme du dernier recours et doit respecter le droit.
La division sur la question irakienne n’a jamais porté sur la chute d’une dictature, mais sur la manière de gérer le monde. Demain, la communauté internationale peut se retrouver autour des valeurs qui fondent l’ONU. Les Nations Unies doivent jouer un rôle central pour assurer le retour à la souveraineté de l’Irak. Aujourd’hui, il faut donner des fondations solides à un nouvel ordre mondial reposant sur l’adhésion des peuples, sur leur liberté et le respect de leur identité.

« Restaurer l’unité internationale derrière l’ONU »

Restore international unity under the U.N.
Asahi Shimbun (Japon)
Version française de cet article.

[AUTEUR] Dominique de Villepin est ministre des Affaires étrangères français.

[RESUME] La France et le Japon partagent le même désir que l’ONU exerce ses pleines responsabilités en Irak. Dans l’immédiat, il faut fournir l’aide humanitaire d’urgence nécessaire et nous pensons que sur cette question, la communauté internationale peut se ressouder.
Je tiens à remercier la gouvernement japonais d’avoir d’ores et déjà pris des mesures concrètes pour aider les réfugiés et les pays de la région. Pour sa part, la France donnera à titre individuel dix millions d’euros et assumera en plus sa part des 100 millions d’euros donnés par l’Union européenne.
Il faudra que l’ONU joue un rôle central pour l’avenir de l’Irak pour des raisons d’efficacité et de légitimité. Les exemples des Balkans et de l’Afghanistan nous montrent que seule l’ONU peut garantir aux Irakiens la liberté, la souveraineté et l’intégrité territoriale de leur pays. Nous voulons unifier la communauté internationale autour de l’ONU, nous y travaillons avec tous les partenaires et particulièrement avec le Japon dont la France soutient l’aspiration à devenir un membre permanent du Conseil de sécurité. Il faut également renouveler le dialogue avec le monde arabo-musulman et relancer le processus de paix au Proche-Orient.
Face aux menaces actuelles, nous devons répondre avec nos valeurs dans le cadre de l’ONU et c’est ce que nous souhaitons également pour la crise coréenne.

« Restaurer l’ordre dans les rues irakiennes »

Restoring order in Iraq’s streets
Boston Globe (États-Unis)

[AUTEUR] Joel R. Charnyis est vice-président pour les questions politiques de Refugees International.

[RESUME] En dépit des victoires sur les champs de bataille, le manque d’ordre dans les zones contrôlées par la Coalition a créé une situation anarchique dans laquelle la population n’a plus accès aux services de bases comme l’eau et la santé. Sans ordre, les organisations humanitaires ne peuvent pas fournir une aide aux Irakiens.
Il est du devoir des troupes américano-britanniques d’assurer la sécurité et de fournir à la population de la nourriture et des services sanitaires comme leur ordonne la Convention de Genève. Malheureusement, la Coalition s’est tellement concentrée sur la défaite de Saddam Hussein et la recherche des armes de destruction massive qu’elle n’a rien préparé pour assurer la sécurité au niveau local. En outre, l’ancienne police irakienne, dominée par le parti Ba’as n’est pas une alternative viable.
Les États-Unis doivent assurer la sécurité des travailleurs humanitaires, car chaque jour qui passe sans aide humanitaire augmente le nombre de souffrances inutiles chez les Irakiens.

« Un Irak démocratique ? Oui »

A Democratic Iraq ? Yes
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Randy Scheunemann fut le conseiller de plusieurs leaders républicains. Il est aujourd’hui directeur du Committee for the Liberation of Iraq, un lobby pro-guerre financé par Lockheed Martin.

[RESUME] Avec la libération de l’Irak, les opposants à la guerre ont changé leur argumentaire. Ils prétendent désormais que, vue son histoire, l’Irak ne pourra pas devenir une démocratie et que la démocratie ne peut être le résultat d’une occupation militaire.
La démocratisation de l’Irak sera certes difficile, mais elle est possible comme cela a été possible au Japon, en Allemagne, en Albanie, au Salvador, en Corée du Sud et à Taiwan. Les sceptiques mettent en avant le spectre des violences ethniques et sectaires pour affirmer que la démocratie en Irak est impossible, mais cet argument a été balayé en Afrique du Sud après l’apartheid et il faut noter que les violences en Irak sont politiques, pas ethniques.
En ce qui concerne le manque d’expérience démocratique de l’Irak, il faut se souvenir que dans les années 50, l’Irak était un monarchie constitutionnelle et que sous la protection de la zone d’exclusion aérienne du nord, les Kurdes ont mis en place un régime pluraliste. Les Irakiens sont bien éduqués et les exilés peuvent aussi aider à la reconstruction du pays, la démocratie y est donc possible.
Certains aux États-Unis pensent que la démocratie n’est pas souhaitable car elle pourrait entraîner l’élection d’un mouvement chiite anti-américain allié de l’Iran. Cette opinion est répandue au département d’État et elle a été énoncée par l’ancien directeur du National Security Council, Brent Scowcroft. Pourtant, rien ne vient prouver que l’anti-américanisme sortirait vainqueur des élections. Si des Chiites vont sans doute gagner les élections, ils ne sont pas forcément anti-américains.
Ce sont des gens comme Scowcroft qui font douter le monde de l’engagement des États-Unis en faveur de la démocratie alors que nous la soutenons dans le monde entier.

« Évaluer le poids de la reconstruction de l’Irak »

Weighing the Price of Rebuilding Iraq
New York Times (États-Unis)

[AUTEURS] Thomas Pickering a été sous-secrétaire d’État dans l’administration Clinton et ambassadeur à l’ONU. James Schlesinger a été directeur de la CIA et secrétaire à la Défense, puis à l’Énergie.

[RESUME] La reconstruction de l’Irak est vitale pour les États-Unis, mais elle nécessite un engagement pluriannuel de 20 milliards de dollars en moyenne par an, dont 17 milliards uniquement pour le maintien des troupes en Irak.
Ceux qui ont suggéré que le pétrole irakien permettrait de payer la reconstruction, oublient que les revenus pétroliers irakiens servent déjà largement à payer la nourriture de 60 % des Irakiens. Même si la production était augmentée, Washington devra quand même payer le maintien de ses troupes. La reconstruction ne pourra pas se faire sans sécurité et les forces américaines ne pourront pas remplir seules cet objectif. Il faut donc recruter des forces venant d’autres pays et commencer dès aujourd’hui à construire une nouvelle police irakienne.
Il faudra également travailler avec l’ONU, le Programme alimentaire mondial et le HCR, car cela diminuera le coût financier et fera disparaître l’impression que les États-Unis veulent contrôler l’Irak de l’après-guerre. Les Irakiens devront également être impliqués dans la transition. Hormis les ba’assistes, aucun ne devra être exclu et les administrations irakiennes devront être remises en service dès que possible. Il faudra éviter de céder à la tentation de laisser tous les postes aux exilés.

« Les fantômes de 1991 »

The Ghosts of 1991
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Peter Galbraith est ancien négociateur des accords de Dayton et il a été le premier ambassadeur des États-Unis en Croatie. Il est professeur au National War College. Il était présent dans la zone d’où est partie la rébellion en Irak, en 1991.

[RESUME] Il y a douze ans, les Chiites qui se révoltèrent spontanément contre Saddam Hussein furent trahis par les États-Unis. C’est le souvenir de cet événement qui explique l’absence de soulèvement contre le régime irakien au début de la guerre dans le Sud. La possibilité de reconstruire un Irak démocratique dépendra largement de notre capacité à retisser des liens de confiance entre nous et la population.
Encore aujourd’hui, je suis hanté par le souvenir des appels à l’aide de la communauté chiite, en 1991. Beaucoup des problèmes auxquels nous devons faire face aujourd’hui proviennent de la façon dont la première administration Bush à traité la question. Le gouvernement de George Herbert Walker Bush avait à l’époque une vision caricaturale des communautés irakiennes : les Chiites étaient vus comme pro-Iraniens et les Kurdes comme anti-Turcs. C’est pour cela que les États-Unis laissèrent agir la Garde républicaine et que 100 000 personnes périrent. Suite à la révolte, Bagdad décida également de sous-alimenter le sud du pays.
La première administration Bush a commis une erreur historique en n’agissant pas et George W. Bush va devoir lutter contre cet héritage pour rétablir la confiance.

« Un Irak démocratique ? Non »

A Democratic Iraq ? No
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Shlomo Avineri est professeur de sciences politiques de l’université hébraïque de Jérusalem. Il est ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères israélien et a été impliqué dans les processus de démocratisation de nombreux pays de l’Est européen.

[RESUME] La croyance en la démocratie en Irak est une illusion dangereuse. En effet, comme l’expérience l’a montré en Europe de l’Est, la démocratie nécessite plus que des élections. Il faut également une culture démocratique dont les valeurs sont difficilement exportables ; il faut une société civile.
Cette société civile existait sous une forme ou une autre dans les anciens pays communistes qui ont réussi leur transition démocratique : la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque. À l’inverse, les pays qui n’avaient pays de société civile, comme la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et les Républiques d’Asie centrale ne restent que des démocraties formelles. Aucun État arabe n’est devenu une démocratie pour des raisons complexes qui ont peu à voir avec l’Islam. Il est illusoire de penser que l’Irak, après 20 ans de dictature brutale, une défaite militaire et une occupation par les États-Unis sera le premier État arabe démocratique. Les mêmes espoirs ont été déçus en Palestine.
Il n’est pas important que l’Irak ait une classe moyenne si celle-ci ne partage pas les valeurs démocratiques. En outre, ce pays n’a pas d’unité nationale et l’arrivée des Chiites au pouvoir pourrait entraîner un régime fondamentaliste à côté de l’Iran ou une confrontation entre groupes ethniques. De même, le fédéralisme ne résoudra rien car cela ne fonctionne que dans une démocratie. À tous ceux qui citent les exemples du Japon et de l’Allemagne pour la transition démocratique, il faut rappeler qu’elle ne s’est installée qu’après une longue occupation militaire et dans le contexte particulier de la Guerre froide, alors que les États-Unis ne veulent rester en Irak que le minimum de temps nécessaire.
Finalement, les Irakiens seront chanceux s’ils ont un régime proche de celui de l’Égypte.

« Finalement, il y aura un État palestinien »

Eventually there will be a Palestinian state
Ha’aretz (Israël)

[AUTEUR] Ariel Sharon est Premier ministre d’Israël. Il est inculpé par la justice belge pour complicité de crime contre l’humanité dans les massacres de Sabra et Chatila au Liban en 1982, mais devrait bénéficier d’une réforme législative lui évitant d’être jugé. Le texte ci-dessous est le résumé d’une interview accordée à Ha’aretz.

[RESUME] La fin de la menace irakienne est une bonne nouvelle, mais cela ne signifie pas que toute menace a disparu puisque la Libye et l’Iran cherchent à construire des armes nucléaires et que l’Arabie saoudite maintient son soutien financier à des organisations terroristes ici. Il faut admettre cependant que la campagne irakienne offre la possibilité de grands changements dans nos relations avec les pays arabes et avec les Palestiniens. Toutefois pour que nous ayons un accord avec eux, il faudrait un changement de direction à la tête des pays arabes et une renonciation au soutien au terrorisme. Abu Mazen est au moins un homme qui a compris que le terrorisme était inutile contre Israël.
En ce qui me concerne, je ne ferai jamais de concession concernant la sécurité d’Israël, même si nous devons abandonner des colonies et si nous avons une chance d’avoir une paix réelle. Je crois que finalement, à l’avenir, il y aura un État palestinien car nous n’avons pas pour vocation de diriger un autre peuple. Si nous occupons aujourd’hui Jénine et Naplouse, c’est temporairement pour protéger nos citoyens d’activités terroristes dans ces territoires.
La situation dans le monde arabe est en train de changer et nous avons montré au monde la vraie nature de Yasser Arafat. Nous accepterons la création d’un État palestinien quand nous aurons des garanties en matière de sécurité et quand les Palestiniens auront renoncé au droit au retour pour les réfugiés. Nous discutons de ces questions avec George W. Bush et nos relations avec la Maison Blanche n’ont jamais été aussi bonnes.
Israël vit une situation économique difficile et je soutiens la plan proposé par Benjamin Netanyahu qui est un excellent ministre des finances.