Manifestation du bataillon Azov, au centre sur l’estrade, son führer : Andriy Biletsky

L’entretien téléphonique entre le président Biden et le président ukrainien Zelensky « ne s’est pas bien passé », titre CNN : alors que « Biden a prévenu que l’invasion russe est pratiquement sûre en février, quand le terrain gelé rend possible le passage des chars d’assaut », Zelensky « a demandé à Biden de baisser le ton, soutenant que la menace russe est encore ambigüe ». Pendant que le président ukrainien lui-même prend une attitude plus prudente, les forces armées ukrainiennes s’amassent dans le Donbass au bord de l’aire de Donetsk et de Lugansk habitée par des populations russes. Selon des informations provenant de la Mission de surveillance spéciale de l’OSCE en Ukraine, occultées par nos médias mainstream qui ne parlent que du déploiement russe, il y a là des unités de l’Armée et de la Garde nationale ukrainiennes d’environ 150 000 soldats. Ils sont armés et entraînés, donc de fait commandés, par des conseillers militaires et instructeurs des USA et de l’Otan.

De 1991 à 2014, selon le Service de recherche du Congrès US, les États-Unis ont fourni à l’Ukraine une assistance militaire de 4 milliards de dollars, auxquels se sont ajoutés plus de 2,5 milliards après 2014, et plus d’un milliard fourni par le Fonds fiduciaire de l’Otan auquel participe aussi l’Italie. Cela n’est qu’une partie des investissements militaires faits par les plus grandes puissances de l’Otan en Ukraine. La Grande-Bretagne, par exemple, a conclu avec Kiev divers accords militaires, investissant notamment 1,7 milliards de livres sterling dans la potentialisation des capacités navales de l’Ukraine : ce programme prévoit l’armement de navires ukrainiens avec des missiles britanniques, la production conjointe de 8 unités lance-missiles rapides, la construction de bases navales sur la Mer Noire et aussi sur la Mer d’Azov entre l’Ukraine et la Russie. Dans ce cadre, la dépense militaire ukrainienne, qui en 2014 équivalait à 3 % du PIB est passée à 6 % en 2022, correspondant à plus de 11 milliards de dollars.

Aux investissements militaires du bloc USA-Otan en Ukraine s’ajoute celui de 10 milliards de dollars prévu par le plan qu’est en train de réaliser Erik Prince, fondateur de la compagnie militaire privée états-unienne Blackwater —à présent rebaptisée Academi— qui a fourni des mercenaires à la CIA, au Pentagone et au département d’État pour des opérations secrètes (dont des tortures et des assassinats), en gagnant des milliards de dollars. Le plan d’Erik Prince, révélé par une enquête de la revue Time [1], consiste à créer en Ukraine une armée privée à travers un partenariat entre la compagnie Lancaster 6, par laquelle Prince a fourni des mercenaires au Moyen-Orient et en Afrique, et le principal bureau de renseignements ukrainien contrôlé par la CIA. On ne sait pas, évidemment, quelles seraient les missions de l’armée privée créée en Ukraine par le fondateur de Blackwater, sûrement avec des financements de la CIA. On peut en tous cas prévoir que, depuis la base en Ukraine, il conduirait des opérations secrètes en Europe, en Russie et dans d’autres régions.

Sur un tel fond se trouve particulièrement alarmante la dénonciation, par le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, indiquant que dans la région de Donetsk se trouvent « des compagnies militaires privées US qui préparent une provocation avec emploi de substances chimiques inconnues ». Ce pourrait être l’étincelle qui provoque la détonation d’une guerre au cœur de l’Europe : une attaque chimique contre des civils ukrainiens dans le Donbass, immédiatement attribuée aux Russes de Donetsk et de Lugansk, qui seraient attaqués par les forces ukrainiennes prépondérantes déjà déployées dans la région, afin d’obliger la Russie à intervenir militairement pour leur défense. En première ligne, prêt à massacrer des Russes du Donbass, il y a le bataillon Azov, promu régiment de forces spéciales, entraîné et armé par les USA et l’Otan, qui s’est distingué par sa férocité dans les attaques contre les populations russes d’Ukraine. L’Azov, qui recrute des néo-nazis de toute l’Europe sous la bannière calquée sur celle des SS Das Reich, est commandé par son fondateur Andrey Biletsky [2], promu colonel. Ce n’est pas qu’une unité militaire, mais un mouvement idéologique et politique, dont Biletsky est le chef charismatique en particulier pour l’organisation de jeunesse qui est éduquée dans la haine des Russes avec son livre Les paroles du Führer blanc.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)

[2« Le vivier Otan de néonazis en Ukraine », par Manlio Dinucci, Traduction Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto (Italie) , Réseau Voltaire, 23 juillet 2019.