Il y a un accord général dans les cercles politiques selon lequel Colin Powell est un grand Américain, mais un petit secrétaire d’État, même si les raisons d’affirmer cela diffèrent selon les interlocuteurs. Pour la droite, il n’était pas un soutien suffisamment résolu de l’agenda belliqueux du président George W. Bush, tandis que la gauche pense qu’il n’a pas fait assez pour s’opposer à son programme. Aucun de ces point de vue n’est tout à fait exact.
Powell avait des réserves sur l’invasion de l’Irak (il en avait déjà en 1991) et il les a confiées à son fidèle Bob Woodward mais, comme un bon soldat, il a soutenu du mieux qu’il l’a pu la décision de son commandant en chef. Il n’y a rien de mal dans cette attitude ni à ses différends avec Dick Cheney et Donald Rumsfeld. Un président bénéficie d’un tel débat dans son équipe tant qu’il n’est pas paralysant. C’est malheureusement parfois ce qui est arrivé pour l’Iran ou la Corée du Nord, mais tout n’est pas de la faute de Powell, beaucoup des torts dans ce domaine reviennent à Condoleezza Rice dont la fonction était justement de pratiquer des arbitrages.
Le vrai problème avec Powell, c’est qu’il n’a pas très bien vendu la politique de l’administration Bush, soit parce que le cœur n’y était pas, soit parce qu’il n’était pas vraiment doué pour cela. Il a eu des succès quand il a fallu obtenir des droits de passages et des bases en Ouzbékistan ou au Pakistan contre les Talibans, mais beaucoup moins pour construire une coalition contre l’Irak. Il a été convaincant à l’ONU (même si ses preuves se sont révélées fausses plus tard), mais il n’y avait pas moyen d’obtenir un accord du Conseil de sécurité de l’ONU et c’est sa stratégie consistant à se tourner vers l’ONU qui était fausse. Pire, Powell n’a pas obtenu le soutien de la Turquie et il a eu le tort de ne pas s’y rendre. C’est le problème de Powell : il ne voyage pas ! Il est le secrétaire d’État qui a le moins voyagé en 30 ans alors qu’il aurait dû voyager incessamment pour expliquer la politique américaine. Il n’a pas non plus relancé la diplomatie publique et n’a pas nommé les bonnes personnes dans les ambassades.
La politique étrangère ne changera pas puisqu’elle est décidée par le président, reste à savoir si Rice la vendra mieux.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Death of a Salesman », par Max Boot, Los Angeles Times, 19 novembre 2004.