Étudiant la situation au Moyen-Orient, le Conseil de sécurité, gravement préoccupé par la persistance au Liban de la présence de milices armées, a soutenu l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays. Il s’est en outre déclaré favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de tout interférence ou influence étrangère.

Dans la résolution 1559 (2004) adoptée par 9 voix pour (Allemagne, Angola, Bénin, Chili, Espagne, États-Unis, France, Roumanie, Royaume-Uni), et 6 abstentions (Algérie, Brésil, Chine, Fédération de Russie, Pakistan, Philippines) et que présentaient conjointement les États-Unis et la France, avec l’appui de l’Allemagne et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a en outre demandé instamment à toutes les forces étrangères qui sont encore sur le territoire du pays de s’en retirer et a également demandé que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées.

Le Conseil a demandé à toutes les parties concernées de coopérer avec lui pleinement et sans attendre afin d’appliquer intégralement la présente et toutes les résolutions relatives au plein rétablissement de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politiques du Liban. Il a par ailleurs prié le Secrétaire général de lui faire rapport dans les 30 jours sur la manière dont les parties auront mis en œuvre la présente résolution et s’est déclaré disposé à envisager de prendre des mesures supplémentaires pour faire avancer sa mise en œuvre lorsqu’il examinera ce qui aura été accompli.

Le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères et des émigrants du Liban et Vice-Président de la délégation du Liban auprès de l’Assemblée générale, M. Mohamad Issa, a affirmé qu’il n’y avait pas de milices sur le territoire de son pays et expliqué que la résistance libanaise s’opposait, aux côtés des forces nationales, à l’occupation israélienne. Il a estimé qu’il était faux d’affirmer que la Syrie appuyait des groupes radicaux car elle ne fait que soutenir la résistance nationale libanaise et aider à libérer son territoire de l’agression étrangère. Selon lui, il n’y a aucune justification à ce projet de résolution qui constitue une ingérence dans les affaires intérieures de son pays.

Les États qui ont expliqué leur vote sont les suivants : États-Unis, France, Chine, Algérie, Pakistan, Fédération de Russie, Brésil, Chili, Angola, Philippines, Bénin.

Résolution 1559

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures sur le Liban, en particulier les résolutions 425 (1978) et 426 (1978) du 19 mars 1978, 520 (1982) du 17 septembre 1982 et 1553 (2004) du 29 juillet 2004, ainsi que les déclarations de son président sur la situation au Liban, en particulier celle du 18 juin 2000 (S/PRST/2000/21),

Réaffirmant qu’il appuie vigoureusement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Liban à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues,

Notant que le Liban est déterminé à assurer le retrait de son territoire de toutes les forces non libanaises,

Gravement préoccupé par la persistance de la présence au Liban de milices armées, qui empêche le Gouvernement libanais d’exercer pleinement sa souveraineté sur tout le territoire du pays,

Réaffirmant combien il importe que le contrôle exercé par le Gouvernement libanais s’étende à la totalité du territoire du pays,

Ayant à l’esprit l’approche d’élections présidentielles au Liban et soulignant qu’il importe qu’elles soient libres et régulières et se déroulent conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère,

1. Demande à nouveau que soient strictement respectées la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais ;

2. Demande instamment à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban ;

3. Demande que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées ;

4. Soutient l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays ;

5. Se déclare favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère ;

6. Demande instamment à toutes les parties concernées de coopérer avec lui pleinement et sans attendre afin que la présente résolution et toutes les résolutions relatives au plein rétablissement de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban soient appliquées intégralement ;

7. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport dans les 30 jours sur la manière dont les parties auront mis en œuvre la présente résolution et décide de demeurer activement saisi de la question.

Déclaration

Le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères et des émigrants du Liban, M. MOHAMAD ISSA, s’est félicité de l’intérêt manifesté pour la souveraineté de son pays. C’est Israël, a-t-il dit, qui persiste à occuper aujourd’hui certaines parties du territoire libanais et qui menace le Liban avec ses attaques aériennes. Il n’y a pas de milices au Liban, a-t-il affirmé. Il y a la résistance libanaise qui, à côté des forces nationales, s’oppose à l’occupation israélienne. La République arabe syrienne a aidé le Liban à maintenir la paix et la stabilité au sein de ses frontières et à repousser l’extrémisme alimenté par la politique israélienne envers les Palestiniens. Les forces syriennes sont venues au Liban amicalement et contribuent à repousser les agissements d’Israël à son encontre. En conséquence, dire que la Syrie appuie des groupes radicaux est faux car elle ne fait que soutenir la résistance nationale libanaise et aider à libérer son territoire de l’agression étrangère. Quant aux élections présidentielles, il s’agit d’une question interne, a affirmé l’intervenant. Il a affirmé que la présence syrienne dans son pays est liée à l’Accord de Taëf qui a été appuyé par le Conseil de Sécurité. Selon lui, il n’y aucune justification à ce projet de résolution qui constitue une ingérence dans les affaires intérieures de son pays.

Explications de vote

M. JOHN DANFORTH (États-Unis) a rappelé que le Conseil de sécurité avait toujours appuyé la pleine souveraineté et l’indépendance du Liban et a regretté que le peuple libanais n’ait pas encore pu décider lui-même de son avenir et exercer son droit à prendre ses choix en tant que nation. Il a affirmé qu’il était inacceptable que le Gouvernement syrien impose sa volonté politique au Gouvernement libanais et le force à initier le processus d’amendement de la Constitution nationale pour s’opposer au processus électoral en prorogeant le mandat du Président en exercice pour trois ans. Sachant que le vote définitif du Parlement sur ce point est prévu pour vendredi 3 septembre, il était essentiel, a-t-il poursuivi, que le Conseil de sécurité se prononce d’urgence sur cette question. Le Parlement et le Gouvernement libanais doivent parler au nom du peuple libanais par le biais d’un processus électoral libre et régulier en dehors de toute ingérence étrangère. Il a estimé qu’il était clair que les dirigeants libanais avaient fait l’objet de pressions de la part des autorités syriennes et de ses agents. Il a exhorté le Gouvernement du Liban à exercer le plein contrôle sur son territoire, y compris le Sud-Liban. La présence continue d’éléments de milices du Hezbollah, de militaires syriens, et de forces iraniennes au Liban empêche l’exercice par le peuple libanais de son droit légitime. Il a souligné que l’action de la République syrienne contredisait la lettre et l’esprit des Accords de Taëf. Dans ce contexte, l’appui du Conseil de sécurité au peuple libanais pour qu’il puisse prendre lui-même ses propres décisions sans ingérence étrangère est essentiel. Le Conseil, a-t-il précisé, doit assumer ses responsabilités pour assurer la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban.

M. JEAN-MARC DE LA SABLIÈRE (France) a rappelé que le Conseil demande depuis 1978 le respect de l’intégrité territoriale, de l’indépendance politique et de la souveraineté du Liban. Il a estimé qu’aujourd’hui de graves hypothèques pesaient sur l’avenir du Liban : l’ingérence syrienne dans la vie politique du pays, et plus particulièrement dans le processus électoral, le maintien de l’occupation et la présence des milices armées. La France, a-t-il dit, est profondément préoccupée par les risques d’un retour en arrière du Liban par rapport aux objectifs constamment réaffirmés par la communauté internationale. C’est pourquoi, a-t-il déclaré, la mobilisation et la réaction rapides du Conseil de sécurité sont indispensables. Il a appelé à ne plus différer le retrait des forces étrangères de tout le territoire libanais et le démantèlement des milices libanaises et non libanaises et a appuyé la poursuite sans interférence étrangère du processus électoral au Liban. Il a estimé que par l’adoption de la résolution, le Conseil ne commettait pas d’ingérence en dénonçant le risque pour la paix et la sécurité internationales de la crise actuelle. En s’abstenant, a-t-il ajouté, le Conseil cautionnerait l’ingérence inadmissible d’un État dans les affaires intérieures d’un autre État souverain. L’avenir du Liban, a-t-il affirmé, doit passer par la pleine restauration de sa souveraineté et non par l’intensification des ingérences extérieures.

M. WANG GUANGYA (Chine) a rappelé que le respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence était un des aspects fondamentaux de la politique étrangère de son pays. La question de l’élection présidentielle libanaise relevant de problèmes concernant l’État et le peuple libanais, la Chine s’est donc abstenue lors du vote.

M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a affirmé que la situation qui prévalait aujourd’hui au Liban ne constituait pas une menace à la paix et à la sécurité internationales et a estimé qu’au contraire s’était Israël qui par sa politique d’occupation, d’agression des pays de la région et d’oppression du peuple palestinien constituait une menace indéniable contre la paix et la sécurité internationales. À ce titre, a-t-il insisté, elle requiert un examen urgent par le Conseil et des mesures efficaces pour l’amener à se conformer à la légalité internationale. Il a dit souhaiter voir le Conseil faire montre de la même fermeté à l’égard d’Israël en exigeant qu’il retire sous 30 jours ses forces d’occupation des terres arabes. Le Conseil de sécurité ne doit s’immiscer ni dans les affaires intérieures des États, ni dans les relations bilatérales entre les États, dans l’absence de menace à la paix et à la sécurité internationales. Il a expliqué qu’il ne pouvait s’associer à un texte comportant une menace implicite à ses frères et à la légalité internationale. Il a enfin réaffirmé que l’Algérie considérait que seul un règlement global, juste et durable fondé sur le respect de la légalité internationale, du principe de la terre contre la paix et sur le retrait d’Israël de tous les territoires palestiniens et arabes occupés était de nature à instaurer une paix juste et définitive dans l’ensemble de la région.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a expliqué qu’il s’était abstenu lors du vote car ce projet de résolution n’était pas conforme aux termes de la Charte des Nations Unies. Il n’y a pas eu de plaintes ou de récriminations des pays concernés, le Liban ayant fait valoir au contraire qu’il s’opposait à ce projet de résolution. S’il y a une menace au Liban, cette menace est bien connue et ne vient pas de la Syrie, a-t-il ajouté. Par ce projet de résolution, le Conseil s’ingère dans les affaires intérieures du Liban et une telle intervention est inadmissible. Le Conseil de sécurité ne peut en outre imposer de modifications à la Constitution d’États souverains.

M. ANDREY I. DENISOV (Fédération de Russie) a mis en garde contre les risques de déstabilisation associés à certaines initiatives qui peuvent se révéler être des faux pas et, au lieu d’empêcher l’escalade, pouvaient saper la stabilité de la région et l’équilibre fragile de la situation au Liban. Il a expliqué qu’en raison du rejet des amendements proposés par sa délégation, il n’avait pu appuyer le texte. La Fédération de Russie, a-t-il dit, reste convaincue qu’il aurait été bon d’insérer ce point dans le contexte plus large de la situation au Moyen-Orient pris dans son ensemble. Ainsi, a-t-il insisté, le texte aurait pu être plus équilibré et ne pas se concentrer seulement sur les affaires intérieures du Liban.

M. RONALDO MOTA SARDENBERG (Brésil) a déclaré qu’il s’était abstenu car les questions soulevées par le texte ne relevaient pas de la compétence et des attributions du Conseil de sécurité. Il a appelé ensuite à un règlement juste et durable de la question au Moyen-Orient.

M. CRISTIAN MAQUIERA (Chili) a réitéré l’attachement de son pays à l’intégrité territoriale et à la souveraineté du Liban et a estimé que l’adoption de la résolution révélait l’application de fait d’une politique du deux poids deux mesures pour traiter des questions au Moyen-Orient. Il s’est également dit préoccupé par l’absence dans le texte de mention au processus de paix au Moyen-Orient. Ce processus, a-t-il réaffirmé, constitue le moyen de régler durablement la situation dans la région. Sa délégation a voté en faveur du texte.

M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que son pays avait voté en faveur du projet de résolution et que, bien qu’il ne s’agisse pas d’une résolution parfaite, c’était une résolution "possible". Il a espéré que son adoption permettrait d’apporter une contribution effective au renforcement de l’intégrité territoriale du Liban dans ses frontières reconnues. Il a ajouté que le Conseil aurait pu jouer un rôle plus actif afin de résoudre les problèmes dans la région du Moyen-Orient. Il aurait ainsi préféré que l’opportunité soit saisie d’encourager la signature d’un accord bilatéral entre le Liban et la Syrie sous les auspices et avec la garantie du Conseil de sécurité. Cette approche aurait permis de répondre aux intérêts de toutes les parties concernées et de mieux remplir les objectifs définis par la communauté internationale.

M. LAURO L. BAJA JR. (Philippines) a expliqué que sa délégation s’était abstenue parce qu’elle estimait que la résolution ne pouvait être justifiée dans le cadre du mandat du Conseil en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a regretté que le texte aille à l’encontre du principe de non-ingérence énoncé dans la Charte. Les amendements proposés par la Fédération de Russie, a-t-il souligné, auraient permis de replacer la question dans le cadre plus global de la situation au Moyen-Orient.

M. JOËL W. ADECHI (Bénin) a indiqué qu’il avait voté en faveur du projet de résolution et ce afin de maintenir la stabilité d’un pays qui se relève de plusieurs années de conflit. Il a réaffirmé son adhésion aux efforts de règlement pacifique de la question du Moyen-Orient passant par le retrait de toutes les forces armées stationnées sur place.

Documents de référence sur la crise libanaise :

 Accords de Taëf (23 octobre 1989)
 Résolution 1559 (2 septembre 2004) souveraineté du Liban
 Rapport d’évaluation du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (1er octobre 2004)
 Rapport Fitzgerald (24 mars 2005)
 Résolution 1595 (7 avril 2005) Commission d’enquête
 Premier rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (26 avril 2005)
 1er rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Mehlis) (20 octobre 2005)
 Deuxième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (26 octobre 2005)
 Résolution 1636 (31 octobre 2005) Comité des sanctions
 2ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Mehlis) (10 décembre 2005)
 Résolution 1644 (15 décembre 2005) Prorogation de la Commission
 Résolution 1655 (31 janvier 2006) Prorogation de la Finul
 Document d’Entente CPL-Hezbollah (6 février 2006)
 3ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (14 mars 2006)
 Rapport préliminaire du Secrétaire général de l’ONU sur la création d’un tribunal spécial pour le Liban (20 mars 2006)
 Résolution 1664 (29 mars 2006) Tribunal pénal international
 Troisième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (19 avril 2006)
 Résolution 1680 (17 mai 2006) Souveraineté du Liban
 4ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (10 juin 2006)
 Résolution 1701 (11 août 2006) Cessation des hostilités
 Premier rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (daté 18 août 2006)
 Deuxième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (12 septembre 2006)
 5ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (25 septembre 2006)
 Quatrième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (19 octobre 2006)
 Rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la création d’un tribunal spécial pour le Liban (15 novembre 2006)
 6ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (12 décembre 2006)
 Troisième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (14 mars 2007)
 7ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (15 mars 2007)
 Cinquième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (7 mai 2007)
 Quatrième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (28 juin 2007)
 8ème rapport sur l’assassinat de Rafik Hariri (Brammertz) (12 juillet 2007)
 Sixième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (24 octobre 2007)
 Cinquième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (30 octobre 2007)
 Rapport du groupe de travail sur les détentions arbitraires du Comité des Droits de l’homme de l’ONU (30 novembre 2007) Détention arbitraire des généraux libanais
 Sixième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le suivi de la cessation des hostilités (28 février 2008)
 Septième rapport semestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 1559 (21 avril 2008)